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LOUIS XVI


même çà et là quelques expressions dures, cei-lains jugements sévères. Aussi bien, le contraire n’eût pas manqué de surprendre quiconque a étudié l'époque de mécontentement, de murmures, de réaction, pendant laquelle cet ouvrage lut composé. La France saignée à blanc par Bonaparte, mourant d'épuisement, laissait échapper un cri de douleur et de haine violente contre le régime qui la tuait. Gomment Loriquet n’eùt-il pas souffert de la soulTrance générale ? Comment se fiit-il soustrait aux aspirations de '. ant de bons Français ? N'élait-il pas plus naturel et plus conforme à l’exactitude historique, qu’il se fît l'écho de ces douleurs et de ces espérances ? C’est ce qui est arrivé. Toutefois, hàtons-nous de le noter, il n’a été qu’un écho très alTaibli de tout ce qui se disait et s'écrivait alors. Si l’on veut s’en convaincre, il suflira de lire la brochure de Ciiatkaubriaxd, </e Buonaparte, des Bourbons, les Considérations sur la Réi-ulution française, de Mme dk STAiiL, mieux encore les manuels d’histoire de P’rance parus en ces jours. On constatera que Lorlquet est loin d'être au diapason de ses contemporains ; c’est un modéré, un tiède relativement à eux.

Voilà pourquoi les ennemis du jésuite se sont vus contraints, atin de donner quelque apparence de raison à leurs attaques, de créer une légende autour de lui et pour cela d’exagérer ses torts, si torts il } a ; bien plus, de lui prêter des énormités dont on ne trouve nulle trace dans ses écrits.

MiCHELET nous fournira quelques exemples frappants de la première opération, je veux dire de flagrantes exagérations. S’occupant de la bataille de Waterloo, il allirme que Loriquet met dans la bouche de AVellington <r des discours absurdes, insultants pour nous ï.Or ces discours offensants tiennent dans trois petites lignes, lignes, au surplus, qui ne présentent absolument rien de blessant pour notre honneur.

« Partout, continue-t-il, partout dans l’ouvrage de

Loriquet la gloire de Wellington », partout son éloge ; et ces louanges qui choquent si fort le chatouilleux accusateur consistent à dire qu’il savait proliter de la victoire ! Ailleurs le véridique historien parle des

« mots ridicules j dont les Jésuites ne cessaient de

1 ! purger > l'œuvre de leur compromettant et maladroit confrère ; et ces corrections, rares au demeurant, sont absolument anodines, comme il est aisé de s’en rendre compte ! Il ajoute enfln (je ne pousserai pas plus loin l'énumération) que ces éditions revues, perfectionnées, purgées, se succédaient d’année en année ou plutôt de mois en mois ; et le texte à la main nous constatons, par exemple, que, de iSaS à 1828, de 1836 à 1844. c’est-à-dire dans l’espace de 14 ans, deux tirages seulement furent faits.

De pareilles exagérations, si palpables et si suggestives qu’elles soient, n’ont pas sulli aux ennemis des Jésuites. Pour accabler plus sûrement ces religieux, ils ont inventé des mots absurdes qu’ils ont sans vergogne attribués à Loriquet. On connaît notamment la fameuse phrase sur Xapoléon, « marquis de Bonaparte, lieutenant-général des armées de Louis XVIII ï.

Ce fut dans la séance du 29 avril 1844 que l’ancien ministre, Hippolyte Passj-, lança contre Loriquet cette allégation saugrenue. Huit jours plus tard, Montalembert était à la tribune, il tenait à la main deux petits volumes : « J’ai l’honneur de déclai-er, dit-il, que cette falsitication stupide de l’Iiistoire n’a jamais existé, … que le fait est complètement controuvé » (Moniteur, mai 18441 p. i^"")- et présentant à l’imprudent et crédule dénonciateur

« les deux éditions princeps », il le met au déli de

montrer les expressions citées par lui. Passy se déroba piteusement, balbutiant et ne montrant rien.

En vain Loriquet, entrant lui-même en scène, lui écrivait : « Vous avez osé soutenir cette sotte accusation, même en présence de toutes les éditions, lesquelles vous donnaient, permettez-moi l’expression, le démenti le plus formel ; vous m’avez calomnié, j’attends de votre loyauté une rétractation publique. » Cette rétractation, que tout commandait, le triste mystilié n’eut pas le courage de la faire ; il se tut honteusement.

Ce silence était signiDcatif.

Les ennemis de Loriquet ne se tinrent pas néanmoins pour battus ; ils imaginèrent, pour masquer leur déroute, la plus singulière des inventions : les Jésuites, assurèrent-ils sans sourciller, avaient fait disparaître l'édition qui contenait le passage incriminé ! Retrouver et anéantir, au bout de quarante ans, un ouvrage répandu dans tous les coins de l’Europe, dans les bibliothèques publiques comme dans les dépôts privés, et cela sans qu’aucun exemplaire échappe à la destruction, quel tour de force, bien digne assurément de la célèbre Compagnie ! Bien digue de la célèbre Compagnie, si l’on veut, mais dont pourtant il ne faut point lui attribuer le mérite. Effectivement toutes les éditions de Loriquet, sans lacune, se trouvent classées, numérotées à la Bibliothèque nationale où chacun peut les étudier à son aise. Une seule, la première, n’y est pas, je me hâte de le dire ; mais cette première, je l’ai, en ce moment, sur ma table de travail, prêt à la montrer à qui voudra l’examiner. Or dans aucune ne se rencontre « la sotte phrase », comme disait Loriquet lui-même. Napoléon marquis de Bonaparte et lieutenant-général des armées de Louis XVlll » n’a donc jamais eu d’autre existence que celle que lui ont donnée dans leur imagination de vulgaires ignorants ou des polémistes sans bonne foi, comme sans probité littéraire.

Le Père Loriquet fut d’ailleurs, au témoignage de ses vrais historiens, un saint religieux, un travailleur opiniâtre, un éducateur méritant. Mais ni ses vertus ni son œuvre ne rentrent dans le cadre que nous nous sommes lixé. Il s’agissait de débarrasser sa mémoire de la sotte légende qui s’j' attache persévcramment.

BiBUGGRAPHiE. — P. Bllard, Revue des Questions historiques, 1° juillet igo^, p. 255 ; Fraternité révolutionnaire, chap. IV ; Etudes, 20 février 1910, p. 4^1. — Intermédiaire des chercheurs et curieux, tome I, 1864 ; tome LX, 1909. — Vie du P. Loriquet, eh. XVII. — Bulletin du Bibliophile belge, II, p. 419. — L’Ami de ta Religion, tome CXXI, p. 426. — At-on calomnié le P. Loriquet, etc. ? par Charles Loriquet ; Reims, Dubois et C' « , 1870, 8°, 13 p. — La Réponse, avril igog. — Le Gaulois, i~ décembre 1909.

P. Blt.ikd.


LOUIS XVI. — Louis-Auguste, ducdeBerry, qui devait porter dans l’histoire le nom de Louis XVI, naquit le 2 3 août I '354 : 11 était le troisième lils du Dauphin, lils de Louis XV, et de Marie-Josèphe de Saxe. Sa naissance, arrivée subitement à Versailles, n’avait pas été entourée de l’appareil solennel, ordinaire aux Enfants de France, et le courrier, charge d’en porter la nouvelle au Roi, s'était tué d’une chute de cheval. LesK imaginations ombrageuses » en avaient été frappées, et le bruit s'était répandu dans le peuple que « le nouveau prince ne naissait pas pour le bonheur ».

Sept ans après, le 22 mars 1761, par la mort de son frère aîné, le duc de Bourgogne, il devenait Thérilier du trône, et, le 20 décembre 1765, la mort de son père le faisait Dauphin de France.