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MARTYRE

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d’après le texte syriaque, les Actes ou Passions de plusieurs d’entre eux : de saint Siniéon (Hisl. eccl., II, ix-x), de saint Ponsaï et de sa tille Marthe (11, xi), des chrétiens de Susiane massacrés eu niasse (ibid.), de sainte Tarlio ou Tarbula (ibid., xiii), des saints Acepsiraas, Joseph et Aeithalas (ibid.), des saints Dausas, Mariahb et deux cent cinquante ou deux cent soixante quinze martyrs (ibid.), des saints Miles, Euboré et Senoei (17((rf., xiv). Beaucoup d’autres Actes de martyrs persans existent aussi on syriaque. Cette littérature hagiographique se trouve dans les recueils d’AssiîMANi (Acia, S.S'. marlyrum orientalium et occidentalium, Rome, tome I, i^^S) et du p. Bedjan (Acla marlyrum et sanciorum, t. II-IV, Leipzig, 18go-18g5). Plusieurs pièces avaient déjà été publiées en latin par Ruinaut (Acta marlyrum sincera el selecta, 1689, p. 632-6/|4). Le P. Uklkuayh a reproduit la traduction grecque d’un certain nombre au lome II de la Patrologia orientalis de Graflin el Nau. M. l’abbé Nau donne la liste des martyrs persans dans son article Actes syriaques du Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, fasc. II, 1910, col. /lo8-415.

« Toutes ces Passions, dit-il, semldent avoir été

rédigées à la tin du iv » siècle ou au commencement du v8, d’ajirès des documents authentiques, mais il ne s’en suit pas qu’elles aient toutes, dans tous les détails, la mérne valeur. » Elles ont donc un fond historique. Mais elles oU’rent, dans la forme, de grandes diversités. « Plusieurs de ces documents, comme s’ils constituaient à eux seuls un cycle fermé, sont précédés de prologues qui atteignent aux proportions d’un discours. Les hagiographes y expriment leur crainte d’aborder un sujet au-dessus de leur mérite. Ils regrettent de ne pas pouvoir mettre au service des martyrs un style plus alliné, une rhétorique plus ingénieuse. (Juelques-uns des auteurs de ces dissertations s’excusent de leur jeunesse, et leurs procédés littéraires sont en effet dignes de débutants. D’autres, au contraire, sont des écrivains graves et de bonne tenue, bien que prolixes à l’inlini comme tous les Syriens. Tel historien, comme celui de Simon Barsabba, ne rehausse pas de miracles la vie el la mort de son héros ; tel autre, comme celui de Miles, conduit ses lecteurs de prodige en prodige. Tel écrit à Edesse, et tel en Perse, et l’on pourrait sans trop de peine distinguer deux recensions, l’une occidentale et l’autre orientale, de certains Actes. » (J. Labouht. p. 54)

Les documents des persécutions persanes se rapprochent beaucoup plus, dans la forme, de certaines pièces ampliliées de l’hagiographie romaine, où l’imagination du narrateur s’est donné plus ou moins libre carrière, que des pièces absolument sures, reproduction exacte et sans amplilication de ce qu’ont vu, entendu ou noté les contemporains, comme la Passion de saint Polycarpe, la lettre des Eglises de Lyon ou de Vienne, certaines Passions africaines, ou même copie textuelle de documents d’archives, comme les Actes des martyrs Scillitains, les Actes de saint Justin, les Actes de saint Cyprien. On sent, à la lecture de la plupart des Passions syriaques, que sur une trame ancienne le narrateur a souvent brodé. C’est la dilTérence entre un conteur oriental et un annaliste latin ou grec. Mais ce qui importe, c’est que ces pièces sont, au fond, de Ihistoire, que les faits y sont datés avec précision, que les noms des confesseurs et très souvent celui de leur persécuteur sont conservés avec soin, que les notations géographiques (très nombreuses, puisque les faits se passent dans les diverses provinces de l’Empire perse) sont excellentes, et qu'à travers l’emphase ou l’excessive abondance du langage on découvre et

l’on reconstitue, avec une sécurité suffisante, la marche générale et beaucoup d'épisodes marquants des persécutions persanes. Leur demander davantage serait se tromper, comme on se tromperait en s'étonnant qu’une homélie de saint Eplirem ne ressemble pas à un sermon de saint Augvistin.

4. Les souffrances des martyrs. — Ce n’est pas le lieu d’analyser en détail les diverses pièces hagiographiques qui nous ont conservé le souvenir des martyrs des persécutions persanes : on trouvera cette analyse dans les deux livres de M. J. LaBOURT, p. 63 et suiv., et de M. Rubens Duval, p. i 29 et suiv. Mais il j' a intérêt à rapprocher quelques traits de leur histoire de traits analogues que nous a présentés celle des martyrs romains. On verra ainsi que le drame du martyre est identique à toutes les épocjues et dans tous les pays, que les sentiments des persécuteurs ne varient pas, et que la constance de leurs victimes est partout la même.

De la part des persécuteurs, c’est le moyen toujours offert par le juge à l’accusé chrétien d’obtenir l’acquittement en renonçantà sa religion : aucune dilTérence sur ce point entre le langage des princes ou des magistrats persans et les clauses d’un rescrit de Trajan ou de Marc Aurèle, d’un édit de Déce ovi de Dioclétien. Autre traita noter : comme dans le monde romain, les Juifs se montrent souvent ici les plus haineux dénonciateurs des chrétiens (Actes de saint Siméon, Actes de sainte Tarbo). En Perse comme à Rome, la torture est employée contre les martyrs, non comme un moyen d’information, destiné à faire avouer un crime, mais comme un moyen d’intimidation, destiné à arracher par la souffrance le désaveu de leur foi (Actes de cent vingt martyrs ; Actes de saint Barbascemin ; Actes des saintes Tecla, Marie, etc. ; Actes de saint Barhadbeschaba ; Actes de quarante marlyrs ; Actes de saint Akebsehema). Comme à Rome encore, les martyrs sont quelquefois tenus pendant un très long temps eu prison, dans l’espoir de lasser leur patience : cinq mois (Actes de saint Schadhost), six mois (Actes de cent vingt martyrs), sept mois (Actes des saints Jacques et Azad), onze mois (Actes de saint Barbascemin), trois ans (Actes de saint Akebsehema). La conliscation de tous leurs biens, l’exil (Actes de saint Péroz, Actes de saint Jacques le Notaire, Tiiéooorbt, Hist. eccl., V, xxxviii), sont les moindres des peines prononcées contre eux. Les supplices sont plus cruels encore que dans les persécutions romaines, et l’on y trouve un raffinement de barbarie tout oriental : doigts des pieds et des mains coupés, peau de la tête arraché*, soufre et poix fondue verses dans la bouche ; gorge ouverte de manière à ce qu’on puisse arracher la langue par la blessure ; martyrs écorchés vifs, sciés ou coupés en morceaux, enterrés vivants, etc. On avait inventé le supi)lice des neuf morts : le bourreau tranchait successivement les doigts des mains, puis les orteils, puis le carpe, puis les chevilles, ensuite les bras au-dessus du coude, les genoux, les oreilles, les narines, enfin la tète (Actes de saint Jacques l’Intercis). L’historien grec du v « siècle, Théodoret, évêque de Cyr, décrit ainsi lés tourments infligés aux chrétiens pendant la persécution de Bahran : « Il n’est pas facile de représenter les nouveaux genres de supplices que les Perses inventèrent pour tourmenter les chrétiens. H y en eut dont ils écorihèrent les mains el d’autres dont ils éeorchèrent le dos. Ils arrachèrent à quelques-uns la peau du visage depuis le front jusqu’au menton. On environnait d’autres de roseaux brisés en deux qu’on serrait étroitement avec des liens, et qu’on retirait ensuite avec force, ce qui leur