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MARTYRE

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écrivent, en 155, les Smyrniotes, « ne savent pas qu’il nous serait impossible de jamais oublier le Clirist qui a souffert pour le salut du monde, quia souflert, quoique innocent, pour les pécheurs, et d’adorer un autre que lui. » (Marlyriiim Polycarpi, xvii)

e) La téi ; itimitc du culte des iinirtris. — Tels sont l’origine et le vrai caractère, telles sont les j>remières manifestations du cnlle des martyrs. « Rien d’obscur ou de suspect au point de départ, quand le culte du saint s’établit normalenjent, » écrit le P. Dblbhave en répondant à de récents critiques (Luc.ius, UsENER, Maas, Rendel-Harris, Radeuma-CHEH, MiNor.cui, Sainïyves) qui, fermant les yeux à la réalité historique pour demander des théories à l’imagination ou à une érudition mal digérée, ont prclendu que le culte rendu, sinon à tous nos martyrs, du moins à beaucoup d’entre eux, est une survivance des cultes païens, et que, sous des noms altérés, ce sont souvent d’anciens dicuxou d’anciens héros qu’il faut reconnaître dans les saints vénérés surnos autels (voir, pour laréfutaliondecesthéories, Delehaye, Les Origines du culte des martyrs, ch.ix ; Les légendes Itagiographiques, ch. vi ; Vacandard, Les origines du culte des saints, dans Etudes de critique et d’histoire religieuse, 3’série, Paris, 1912).

Ce n’est pas dans le vague insaisissable des fables mythologiques, ou même dans les l>rumes de la légende, que nous apparaît le culte des martyrs : il naît et se déveloi)pe en plein soleil, il sort des faits eux-mêmes, et il a ses racines dans le sol de l’histoire. Là même où, effacés par le temps, les textes sont devenus muets et moins sûrs, l’existence d’innombrables martj’rs reste attestée par leurs noms, très souvent par leurs tombeaux, ou par les inscriptions qui les ont décorés, et dont tous les jours encore des débris sortent de terre.

Le culte d’un martyr ne s’établissait pas à la légère. On a vu le soin avec lequel l’évêque et son clergé tenaient h jour la liste de ceux qui mouraient pour la foi. Cela ne pouvait se faire sans une enquête préalable : et pour plusieurs martyrs de l’Afrique au temps de Dèce, il semble qu’on retrouve les éléments de cette enquête dans les lettres de saint Cyprien. Probablement, dans la période qui précéda le troisième siècle, les catalogues des martyrs avaient-ils été en certains pays moins régulièrement rédigés ; ainsi s’ex])liquerait comment les noms de plusieurs martyrs de ce temps, dont l’existence bistorique est attestée par les documents les plus sûrs, manquent, comme on l’a vu plus haut, dans les anciens calendriers. Mais, au moins dej)uis l’ère des persécutions générales, le titre de martyr ne fut-il donné qu’après examen, par l’exercice régulier de l’autorité ecclésiastique. A mesure que les hérésies se développèrent, cette vigilance devint plus nécessaire : nous avons dit avec quelle rigueur l’Eglise séparait d’elle les martyrs hérétiques : on comprend l’attention qu’elle dut mettre à distinguer de ceux-ci les martyrs orthodoxes, auxquels seuls elle reconnaissait un droit au culte des fidèles. L’Eglise ne donnait même pas à tous les orthodoxes immolés en haine du Christ le titre de martyr ; elle le refusait à ceux qui, par quelque acte inconsidéré, avaient provoqué la colère des persécuteurs (concile d’illiberis, canon 60 ; saint Augustin, lireviculus coll. cuni Donat., 111, xiii, aS). On connaît l’histoire d’une matrone deCarthage blâmée pour avoir baisé, avant lie comnmnier, une relique d’un prétendu martyr non régulièrement reconnu, « nescio cujus hominis mortui, etsi martyris, sed necdum yindicati. a (Saint Optât, De scliism. donat., I, xvi)

En quoi consistait cette reconnaissance ou, comme le texte d’Optat autorise à l’appeler, cette vindicatio i’Il est impossible de le savoir, et l’on peut supposer qu’il n’y avait pas de règle universelle. Mais nous croyons que, toutes les fois que se rencontre, dans une épitajihe provenant d’un cimetière ou d’une basilique appartenant à l’Eglise orthodoxe, le mot niarlyr, on doit penser qu’il n’a pas été gravé avant l’admission du défunt dans le calendrier local et la reconnaissance d’un yerum murtyrium vera pietate pruhatuut, selon l’expression employée par saint Augustin dans l’épitaphe qu’il composa pour le diacre martj’r Nabor (ue Hossi, Jnscr. christ, urbis Romae, t. 11, p. 4Ci ; P. Monceaux, Histoire littéraire de l’Afrique chrétienne, t. 111, p. 107-108).

/) Les inscriptions. — Le mot m(j ; i)r suflisait à la gloire des chrétiens morts pour le Christ ; aussi leurs épitaphcs primitives sont-elles très simples : COR-NEUVS MARTYR EPISCOPVS. — DEP. 1Il IDVS SEPT. YACINTHVS MARTYR. Quelquefois est ajoutée l’épithète beatus ; BEATI MARTYRES FELIX ET FORTVNATVS (à Vicence). L’inscription du mot martyr n’a pas toujours lieu en même temps que le nom : ainsi, sur les cpitaphes des papes Fabien et Pontien, l’abréviation MP a été plus tard ajoutée aux noms FABIANOC et nONTlANOC, et par une autre main (lionia soiterranea, t. 11, pi. iii, n° i ; A’uofo Bull, di archeologia crisliana, tgog, pi. i, n" i). Je ne puis énumérer ici les nombreux marbres contemporains des persécutions, sur lesquels se lit le mot marfr ; - (voir Delehaye, art. Sanclus, dans Analecta Bollandiana, t. XVIII, 1909, p. i^S177). Mais je ferai remarquer que jamais ne s’y voient les formules in pace ou pax teciim, si fréquentes dans les autres inscriptions chrétiennes : le titre de martyr se suflit à lui-même, sans qu’il soit utile ni même convenable d’affirmer que le chrétien auquel il a été décerné est mort dans la paix de l’Eglise, ou de demander à Dieu de lui accorder la paix (Marucchi, dans Nuoyo Bull, di arch. crist., igo6, p. 296).

Aux épitaphes de martyrs écrites au temps même de leur depositio, il faut ajouter les inscriptions commémoratives gravées après la paix de l’Eglise, quelquefois très courtes, comme celle que le pape Damasb mit sur la tombe du martyr Janvier : BEA-TISSIMO MARTYRI lAXVARIO DAMASVS EPIS-COP ( » 4) FECIT ( « H », di arch. crist., 1863, p. 17), quelquefois plus longues, comme les éloges en vers que le même pape ou d’autres versiDcaleurs composèrentpour honorer la sépulture ou même raconter la mort de plusieurs témoins du Christ. — Ajoutons que la longueur d’nne cpitaphe de martyr, surtout envers, est généralement l’indice qu’elle a été composée à l’âge de la paix : cependant cette règle n’est pas sans exception, car la paléographie de l’éloge en vers de la martyre Zosinie, découvert à Porto, offre les caractères du troisième siècle (Bull, di arch. crist., 1866, p. 47).

g) Les reliques. — Une des manifestations les plus éclatantes du culte des martyrs fut la dévotion à leurs reliques.

Elle commence dès le temps des persécutions, et ses premiers exemples sont contemporains du martyre lui-même : sang des martyrs recueilli sur des linges ou dans des éponges (Acta S. Cy pria ni, v ; Passion de S. Polyeuctc. publiée par Avdk, l’olyeucte dans l’histoire, Paris, 1882, p. io3 ; Prudence. Péri Stephanon, v, 333-33/) ; xi, 141-144). déposé avec honneur dans le tombeau ou sous l’autel (DEPOSI-TIO CRVORIS, inscription deMilève, liull. di arch. crist., 1876, p. 5g-61), lambeau de foie arraché par la tenaille du bourreau au corps d’une martyre, et pieusement vénéré par les chrétiens (Péri Stephanon, IV, 137-i/io), chemise trempée de la dernière sueur