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LORIQUET (LE PERE)

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les deux siècles précédents, d’autres documents ou moins explicites ou moins vénérables. Ne parlons pas des invectives, qui ne servent en aucune mesure la cause de la vérité.

Nous avons cité les bulles de Paul II (12 fév. 1^70) et de Jules II (21 oct. 1607) ; on a pu observer qu’elles font allusion au passé de la Sania Casa en termes très généraux. Une narration précise peut être atteinte par nous dans V Histoire présentée le 19 septembre 1531 à Clément VllI par Jérôme Angelita, secrétaire perpétuel de la commune de Recanati ; en voici le résumé :

9-10 mai 1291. — Arrachée de ses fondements par les anges, la Santa Casa de Nazareth est transportée par eux à Rauniza, entre Fiume et Tersatto (Dalciatie). Apparition et discours de la sainte Vierge au curé ( ?) Alexandre.

1292. — Envoi de quatre délégués illyriens de Tersatto à Nazareth pour vériiier les dimensions respectives du sanctuaire et de ses anciennes fondations.

10 décembre 1294, — La Santa Casa reprend son vol, traverse la mer Adriatique, et vient se poser dans le territoire de Recanati.

10 août 1295. — Nouveau transport de la Santa Casa à peu de distance, dans le domaine des frères Antici.

9 septembre 1295. — Envoi par la ville de Recanati d’un ambassadeur au pape Boniface VIII, pour lui annoncer l’arrivée de la maison de Nazareth sur son territoire.

2 décembre 1295. — Quatrième et dernière translation de la Santa Casa au lieu dit Laurelum.

1296. — Apparition de la Vierge Marie à un anachorète.

Même année. — Envoi de seize délégués à Nazareth, pour vérification comme ci-dessus,

A la dévotion populaire, manquait une consécration liturgique : elle lui vint de la Congrégation des Rites, qui, par décreldu 29 novembre iG32, approuva, pour la province des Marches, la fête de la Translation, lixée au 10 décembre. En 166g, la fête entrait au martyrologe romain. Le 16 septembre 1699, ^"’approuvé l’office propre, avec la messe, pour la province de Picenum ; des décrets ultérieurs en étendirent l’usage à d’autres parties de l’Eglise, — non à la catholicité tout entière. Malgré certains retours offensifs de la critique, on peut dire que, depuis quatre siècles, l’idée de la Translation est, dans l’Eglise, en possession de la croyance commune. La Congrégation des Rites se réfère à cette possession dans les considérants singulièrement graves de son récent décret. Acta Apostolicæ Sadis, 1916, p. 179 : Celeberrimnm præ cunctis inarialibiis Orhis catholici sacrariis promerito ac iure Lauretanuin habeluv, itludqtie fcre sex ahhinc sæculis Christi fidelium præcipuæ veneraiionis cuttusque inaximi cohoneslalur significationibus. Domus. inijuam, natalis Beatissiinæ Virginis Mariae, ditunis mysleriis consecrata ; ibi eniin Verbtim caro factuni est…

Les arguments opposés au fait de la translation miraculeuse (en dehors de l’universelle (in de nonrecevoir opposée par le rationalisme à tout miracle) sont les uns négatifs, les autres positifs. Les arguments négatifs se résument dans l’impossibilité d’établir le fait du miracle par témoignages contemporains. Les argiments positifs se résument dans le double démenti de la tradition locale. Ni la tradition locale de Lorelle ne serait compatible avec l’apparition miraculeuse de la Santa Casa à la date assignée, ni la tradition locale de Nazareth avec sa disparition miraculeuse.

Ceux qui présentèrent ces arguments furent souvent des catholiques, qui prétendent liien ne le céder à personne en orthodoxie et en dévotion à Marie, et

relevaient toute insinuation contraire comme une injure ; mais convaincus que, dans cette question étrangère à la foi catholique, l’histoire n’est pas sans réponse ; que d’ailleurs il n’est ni prudent ni légitime de solidariser la religion, venue de Dieu, avec des traditions humaines, si favorables soient-elles à la piété ; désireux enUn de servir Dieu et l’Eglise en appliquant à l’éclaircissement de la tradition lorétane les procédés d’investigation ordinaires de la science historique. Ils s’y crurent d’autant plus autorisés que les documents émanés de l’autorité ecclésiastique, en constatant la croyance populaire et approuvant la dévotion, laissaient intacte la question de fait.

Les défenseurs de la tradition leur ont opposé des témoignages et des expertises dont on trouvera le détail dans leurs ouvrages.

Le présent article n’a pas pour but de discuter avec des catholiques, mais de répondre aux adversaires de la foi.

Si des catholiques s’avisent de solidariser la foi avec la question de Lorette, c’est tant pis pour eux, il ne saurait être question de les défendre.

Les adversaires du catholicisme ne se sont pas fait faute de dénoncer, dans la question de Lorette, un conflit entre la foi et l’histoire. Les considérations précédentes suffisent à prouver que cette prétention est absurde, puisque la pieuse croyance relative à la Santa Casa n’appartient pas à la foi. Ce terrain apologétique est ferme. Le lecteur désireux de s’engager sur le terrain archéologique pourra consulter les ouvrages suivants, choisis parmi beaucoup d’autres :

Ouvrages favorables à la translation miraculeuse : Horatii Tursellini Romani, S. J., Laiiretanæ liistoriae tibri quinque, Romæ 1697. (Nombreuses rééditions et traductions en diverses langues.) — Mgr M. Faloci Pulignani, l.a S. Casa di Loreto seconda un affresco di Gubbio, Roraa, Desclée, 1907 (traduct.fr., ibid.). — Alph. Eschbach, ancien supérieur du séminaire français à Rome, La vérité sur te fait de Lorette, Paris, Lethielleux, 190g ; Lorette et l’ultimatum de M. U. Clievalier, Rome-Paris, Desclée, igiS.

Ouvrages contraires à la translation miraculeuse :

Leop. de Feis, barnabite, La S. Casa di Nazareth ed il santaario di Loreto, dans liussegna nazionale, Florence, t. CXLI, p. 67-97 ; < CXLIII, p. 405-430 (igoô). — Chanoine Ulysse Chevalier, correspondant de l’Institut, Notre-Dame de Lorette, Etude historique sur l’authenticité de la Santa Casa, Paris, Picard, 1906, in-8° ; voir aussi la recension par le P. C. de Smedt, S. J., dans Analecta Bollandiann, t. XXV, p. ! t’)S- ! i<jti, 1906. — Constant Bouffard, La vérité sur le fait de Lorette, Paris, Picard, 1910. — Georg Hiiffer, Loreto, Eine geschichtskritische l’ntersuchung der Frage des Ileiligen llauses, t. I, .Miinster i. W., 191 3.

A. d’Alès.


LORIQUET (LE PÈRE). — La question Loriquet, qu’on me permette de parler ainsi, n’intéresse évidemment ni les fondements du dogme, ni ceux de la morale ; mais comme V Histoire de France du fameux Jésuite est souvent alléguée en preuve du parti pris et de l’étroitesse d’esprit des Catholiques, il seinl>le bon de ne point la passer entièrement sous silence.

Lorsqu’on parcourt les pages les plus atlaqiiées des deux petits volumes incriminés, c’est-à-dire celles consacrées à l’Empire — et c’est d’elles, comme de juste, que je m’occuperai surtout — l’on se sent, je le reconnais sans peine, dans une atmosphère anlinapoléonlenne et toute royaliste ; on rencontie