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MARTYRE

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au titre de « martyrs >i ; mais, soit qu’ils fussent retenus en prison pour y attendre la fin de leur procès, soit même que leur captivité eut cessé par la fin de la persécution, ils gardaient, aux yeux de l’Eglise, le mérite de la confession publique qu’ils avaient faite de leur croyance ; on leur donnait le nom de « confesseurs », — conf essor, o/iovsy/iT/ ;  ; , ou.o/oyOi.

Cette distinction entre le confesseur et le martyr ressort d’un grand nombre de textes anciens. On la voit apparaître déjà dans le Pasteur d’HERMAS (Simil. VIII, iii, 6-7) ; mais elle est énoncée pour la première fois en propres termes dans la lettre sur les martyrs de 179. Les chrétiens enfermés alors dans les prisons de Lyon se font scrupule de se laisser donner le nom de ii.’Àpxi(.i-, : ils supplient leurs frères dele réserver à ceux qui sont morts déjà, a Ce sont ceux-là, disent-ils, qui sont les vrais martyrs ; nous, nous ne sommes que de modestes et humbles confesseurs, ôiJMv/oi. » (EusÈBE, Hist. eccL, V, 11, 2-3). Bien que, même sous la plume cependant si net le de saint Gyprien, les deux termes soient quelquefois encore employés l’un pour l’autre (Ep. xviii, xix, xxxvi), la distinction va toujours se précisant. Saint Denys d’Alrxandrib cite de charitables fidèles qui se dévouaient dans les prisons au service tû » ôfjioj.oyrirùv et risquaient leur vie à ensevelir les corps

tCiv Tïisiw » xxi /j.y.xxpiuv u.u.prùp<jrj (EuSÈBK, Hist. ecc/., VII,

XI, 2^). Saint Optât de Milèvb parle de la dernière persécution quæ alios fecerit martj’res, alios confessores {De schism. douât., III, viii). Saint Jkrome dit de chrétiens d’Egypte qu’ils étaient : confessores et voliiniate jam martyres (Ep. ni, 2). « Candidats au martyre », martyres designati. avait déjà écrit Tertullien (Ad Mnrlrps, 1).

/’) Sollicitude de l’Eglise pour les confesseurs. — L’Eglise montrait une grande sollicitude pour les chrétiens encore en vie qui avaient confessé le Christ. Elle les entourait de soins. Ils recevaient dans la prison de fréquentes visites : les prêtres et les diacres leur distribuaient l’eucharistie, et préparaient au baptême ceux qui n’étaient que catéchumènes ; les fidèles leur apportaient des vivres, les assistaient dans leurs maladies, pansaient les plaies faites par la torture (Passio S. Perpetuæ ; Passio SS. Montant, J.ucii, ix : Passio S. Saturnini, xvii ; Tbr-TDLLiEN, Ad martyres, !  ; saint Cypribn, Ep. v, xii, XV ; Lucien, De morte Peregrini, xi-xni ; Eusèbk, ilist. ecc/., V, i. 12 ; VI, ni, 3, 4 ; VII, xi, 24.elc.). On employait, en leur parlant, le plus respectueux lanu’age : Domine, domine frater, domina soror (Passio >’. Perpetuae. iv ; saint Cypribn, Ep. xxi, xxu).

c) f.eur rôle dans la réconciliation des renégats. — On comptait aussi sur eux pour réconcilier les pécheurs avec l’Eglise. La lettre de 177 montre les captifs chrétiens de Lyon convertissant les renégats,

« versant pour eux des larmes abondantes devant

le Père céleste » et leur rendant la vie. » (Eusèbe, V, II, 6, 7.) Nous voyons, en 197, les confesseurs africains sollicités de même par les pécheurs (Tertullien, Ad martyres, i). Le pape Galliste, vingt ans plus tard, reconnaît aux confesseurs un semblable pouvoir de rémission ou au moins d’intercession efficace (Tertullien, De Pudicitia, xxii). Origène, au temps de la persécution de Maximin, dit que « les martyrs procurent à ceux qui les prient la rémission de leurs fautes >t, otax5vo’Jffi Toti£ii)^cfiévouv.oE7tvx^upTr, ij. ».r(àv {Exhort. ad mart., x^xx).

d) Les alius. — Ce pouvoir, accordé aux confesseurs par la coutume plutôt que par une loi précise, amena des abus, quand la persécution, en se généraiisant, eut fait de plus nombreux renégats, dont

: >eaucoup, impatients des délais de la pénitence, 

essayaient de rentrer prématurément dans l’Eglise. L’absence de plusieurs évêques, éloignés alors de leurs sièges, favorisait sur ce point un relâchement de la discipline. Il en fut ainsi sous Dèce. Des renégats sollicitèrent et obtinrent des prisonniers chrétiens de Carthage des billets, libelli, intercédant en leur faveur auprès de saint Cyprien (Ep. xv, i ; XVII, 2). Mais quelques-uns de ces confesseurs, cédant à une pitié irrélléchie ou même à un mouvement de présomption coupable (Ep. xi), donnèrent directement et en leur propre nom aux tapsi des billets les réintégrant dans la communion ecclésiastique : communicet ille citnisuis (Ep. xv, 4). C’était usurper sur le pouvoir épiscopal et aussi devancer imprudemment l’heure où, après la Un de la persécution, les désirs des a tombés » repentants pourraient être mûrement et utilement examinés par l’autorité compétente. On n’accorde pas en pleine guerre une amnistie aux déserteurs. Saint Gyiirien, tout en conservant les égards dus à des hommes qui avaient soufffert pour le Christ, revendiqua son droit, et, malgré la résistance de quelques confesseurs égarés (Ep. xxni, xxvj), parvint à le faire triompher.

A Rome, où les renégats avaient aussi été nombreux, et où la vacance du siège, après le martyre du pape Fabien, eut pu faciliter de semblables abus, les confesseurs n’avaient point intercédé en faveur des lapsi, ou l’avaient fait avec une grande discrétion (saint Cyprien, Ep. xxviii, xxxi). A Alexandrie, en l’absence de l’évêque Denys, des renégats avaient été accueillis avec pitié par les confesseurs ; mais ceuxci s’étaient contentés de prier et de manger avec eux, et n’avaient point prétendu les absoudre. De plus, le marlj’re était venu donner à leur condescendance une autorité nouvelle, car les confesseurs alexandrins qui avaient charitablement accueilli les renégats étaient tous morts ensuite pour le Christ. Aussi saint Denys, rentré dans son Eglise, voulut-il régulariser le pardon accordé par eux. « Ces divins martyrs qui étaient parmi nous, écrivit-il, sont maintenant les assesseurs du Christ, partagent sa royauté, jugent avec lui et prononcent avec lui la sentence ; ils ont pris sous leur protection quelques-uns de nos frères tombés, qui avaient commis la faute de sacrifier. Ils ont vu leur retour et leur pénitence, et ont estimé qu’elle pouvait être agréée par Celui qui ne veut pas d’une façon absolue la mort du pécheur, mais son repentir ; ils les ont reçus, les ont assemblés, les ont réunis, et ont partagé avec eux leurs prières et leurs repas. Que nous conseillez-vous, frères, à ce sujet ? Que devons-nous faire ? Serons-nous d’accord avec eux et de même avis, et respecterons-nous leur jugement et la grâce qu’ils ont faite ? A l’égard de ceux qui ont obtenu d’eux miséricorde, nous conduirons-nous en honnêtes gens ou bien tiendrons-nous la décision prise par les martyrs comme injuste et nous présenterons-nous comme les censeurs de leur jugement ? Regretterons-nous leur bonté d’âme et bouleverserons-nous l’ordre qu’ils ont établi ? » (RvsiLBS., Hist. eccL, VI, xlii, 5, 6.) La manière dont était posée la question préjugeait la réponse : Denys ratifia l’indulgence peut-être un peu hâtive des confesseurs, devenus martyrs.

e) Barig des confesseurs dans l’Eglise. — Bien que sa situation fût inférieure à celle du martyr, et que, malgré ses gloriosa initia (saint Gy’prien, Ep. iv), le confesseur restât exposé aux imperfections et même aux chutes « qui font rougir l’Eglise » (Ep. v), tandis que le martyr était désormais fixé dans le salut et dans la gloire, cependant l’Eglise réservait de grands honneurs aux confesseurs vivants. Elle leur donnait un rang à part, immédiatement après le