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MARTYRE

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eut des martyrs dans chacune des provinces composant l’immense Empire romain, en Europe, en Asie, en Afrique : par là se marque, dès le début, l’universalité tlu christianisme et son adaptation à toutes les races (voir dans Delehaye, Les Origines du eu lie des martyrs, les chapitres v, vi, vii, vui, p. 169-460 : Les principaux centres du culte des martyrs). Celle universalité et cette adaptation sont encore rendues visibles par un autre fait : il j' eut des martyrs dans toutes les conditions sociales.

Dans l’aristocratie d’abord. Dès la fin du i" siècle on voit mourir pour le Christ un consul en exercice, Flavius Glemens, un ancien consul, Acilius Glabrio, et souffrir l’exil pour la même cause deux pai-ente-s de l’empereur Domitien, les Domitille. Un autre consul martyr, Liberalis, d'époque incertaine, est connu par une inscription. Nous voyons mourir à Rome, peut-être sous Marc Aurèle, la ijatricienne Cécile, ingenua, nobilis, clarissima, avec son mari et son beau- frère. Sous Commode, le Sénat condamne comme chrétien Apollonius, probablement sénateur. La jeune mai-tyre Agnès, sous Dioclétien, paraît être, elle aussi, de grande famille.

En province, soit la noblesse, soit la haute bourgeoisie, fournissent leur contingent au martyre. Parmi les chrétiens de Bithynie condamnés en iia par Pline, il y en a omnis ordinis. Martyrs, sous Marc Aurèle, des bourgeois considérables de Lyon, comme Vettius Epagathus et Attale ; confesseur de la foi, sons Maximin, le riche Anibroise ; mai-tyr, sous Valérien, le chevalier romain EmiLius, à Cirta, confesseur le grand propriétaire foncier Félix de Noie ; martyr, sous Probus, le président du sénat de Sjnnade, Dorymédon ; martyrs, sous Dioclétien, les décurions Dativus et Hermès, le curiale Dioscore, le log)ste, le stratège et tous les curiales d’une ville de Phrygie, le juridicus d’Alexandrie, Philorome, Andronicus « dont les parents étaient parmi les plus nobles d’Ephèse ».

Citons encore, iiarmi les femmes de bonne naissauce, sous Seplime Sévère, à Carthage, Perpétue, honeste nata, tiberaliter instituta, matronaliler nupta ; sous Dèce, à Catane, Agathe ; sous Dioclétien, à 'Théveste, Crispine, feminam difitem et delicatam, Eulalie, à Mérida ; la riche veuve Julitta à Antioche. La classe des lettrés, venue cependant plus difficilement au christianisme, a donné aussi le témoignage du sang : à Rome, sous Marc Aurèle, le philosophe Justin ; à Alexandrie, sous Septime Sévère, le grammairien Léonide, le rhéteur Athénagore ; à Gaithage, sous Valérien, le grammairien Flavien ; à Césarée, sous Dioclétien, l'étudiant en droit Aphien et le savant exégète Pamphile. Ajoutons les médecins : sous Marc Aurèle, à Lyon, Alexandre ; sous Dioclétien, à Antioche, Zénobius, en Cilicie Cômeel Damien.

Parmi les martyrs exerçant un commerce ou une profession manuelle, citons sous Dèce un négociant, Maxime, honio pleheius mco negotio vivens ; plus tard le charbonnier Alexandre, qui devint évêque de Comane, l’intendant Isehyrion, eu Egypte, le berger Thémistocle, en Lycie ; sous Aurélien, leberger Mamas, en Cappadoce ; sous Dioclétien, les tailleurs d<' ])ierre Claude, Castorius, Symphorien. Nicostrate et Simplicius, en Pannonie, le jardinier Sineros à Sirmiura, le cabaretier Théodote à Ancyre, le foulon Anastase à Salone.

Les cadres des diverses administrations publiques ont aussi fourni des martyrs : sous Septime Sévère, Basilide, appariteur du préfet d’Alexandrie ; sous Dioclétien, le greffier militaire Cassien, à Tanger ; un ancien chef de bureau, princeps ofpcii Florianus, en Norique ; un haut employé de Vofficium du

gouverneur de Pisidie, Eugène, qui confessa la foi au milieu des tourments, fut autorisé à donner sa démission, et mourut évéque de Laodicée (son épitaplie rédigée par lui-même, à Laodicée de Phi’ygie ; commentaire par Mgr Batiffol, dans Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, 1911,

p. 20-34).

Je n’ai pas à m’occuper ici de la controverse relative à la légitimité du service militaire pour les premiers chrétiens : je renvoie aux éludes faites sur ce sujet par le P. de Buck, An militia priscis chrislianis esset illicita, dans Acta Sanctorum, octobre, t. XII, p. 531-536 ; Harnack, Militia Christi, Die cbristlicke Jieligion und der SoLdatenstand in der ersten drei Jahrhunderten, Tubingue, 1906 ; VacanDARD, Etudes de critique et d’histoire religieuse, 2° série, Paris, 1910, p. 129-168, 61 à ce que j’en ai écrit moi-même, Dix leçons sur le martyre, 5" éd., p. 182-185. Bornons-nous à dire que les chrétiens servaient avec fidélité les empereurs, même dans les camps, lorsque des actes jugés par eux contraires à leur religion ou à levu- conscience ne leur étaient pas demandés. Le fait dut arriver souvent, car les armées romaines étaient relativement peu nomljreuses, et, quand on considère la faible proportion que représentent les soldats dans la population totale de l’Empire.on est surpris du grand nombre des martjrs sortis de leurs rangs. J’indiquerai seulement quelques-uns des plus célèbres : à Rome, sous Domitien, les prétoriens Nérée et Achillée ; sou^ Hadrien, le tribun Quirinus ; sous Septime Sévère, le soldat Pudens, à Carthage ; sousDèce, Ammon, Zenon, Ptolémée, Ingenuus, à Alexandrie ; Mercurius en Cappadoce ; l’officier Polyeucle à Mélitène ; sous Macrien. le centurion Marinas à Césarée ; sous Maximin Hercule, l’officier Victor, à Marseille ; au cours de la dernière persécution, Papias et Maurus, et plusieiu-s autres groupes de soldats, à Rome ; Emeterius et Chelidonius à Calahorra ; le centurion Marcel, le i’eji///7'er Fabius en Maurétanie ; le conscrit Moxiniilien à Lambèse ; Hésychius, Pasicrale, Valenlion, Nicandre, Marcien, Dasius en Mésie ; Gaianus, Antiochius, Paulinianus, Telius, eu Dalmatie ; le jeune soldat Théodore à Amasée ; les vétérans Jules, en Mésie, Typasius, en Maurétanie, Seleucus, à Césarée de Palestine ; Gordius, en 323, sous Licinius, à Césarée de Cappadoce ; sous Licinius encore, les quarante soldats de Sébaste ; sous Julien l’Apostat, en 363, Bonose et Maximilien, Juventin et Maximin à Antioche. J’ai fait allusion plus haut à la légion thébéenne.

Nombreux sont les esclaves qui montrèrent, en acceptant le martyre, la liberté morale et la hauteur de pensées rendues par le christianisme à la classe la plus méprisée et la plus opprimée de la population romaine : sous Hadrien, Hesperius, Zoé et leurs lils, en Pamphylie, Ariadné en Phrygie ; sous Marc Aurèle, le césarien Evelpistus à Piome, Blandine à L}on ; sousSeplime Sévère, Polamienne à Alexandrie, Revocatus et Félicité à Carthage ; sous Dèce, Sabine à Smyrne ; sous Valérien, Protus et Hyacinthe à Rome ; sous Dioclétien, Pierre, Dorothée, Gorgonius, et autres cubiculaires impériaux, à Nicomédie, Vital à Milan, Porphyre à Césarée ; à une date inconnue. Dula à Nicomédie. « Des esclaves — écrit un couteraporain de la dernière persécution, Arnode — aiment mieux souffrir de leurs maîtres n’importe quels tourments que de renoncer à la foi chrétienne et de déserter la milice du salut, ah dominis se servi cruciatibus adpci quibus siatuerint malunt… quam fident rumpere christianam et satularis militise sacrantenta deponere. » (Adi, '. Nationes.l, ). On me permettra de renvoyer au chapitre : Les ssclui-es martyrs, de mon