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persécution. Une parole de l’historien Eusèbk mérite aussi d'être citée : avant de publier la relation du martyre des chrétiens de Lyon, il rappelle que la persécution s'était rallumée dans la dix-septième année du règne de Marc Aurèle, et ajoute : « On peut conjecturer que des milliers de martjrs, fijptà.ia.i ^K^TiiptJv, s’y illustrèrent d’après ce qui s’est passé dans une seule nation. » (Hist. ceci., V, i) Notez que cette nation, c’est-à-dire la Gaule romaine, est une do celles où le christianisme était alors le moins répandu, et souvenez-vous qu’en parlant ainsi Eusèbe avait sous les yeux, comme il le rappelle dans la phrase suivante, son Recueil des anciens martyrs, qui contenait beaucoup de pièces aujourd’hui per(iues. Ecrivant au temps de Marc Aurèle ou quelques années plus tard, MiNUcius Félix montre les bûchers et les croix qui attendent les tidèles, la torture employée pour obtenir leur abjuration, les femmes et les enfants bravant les croix, les tourments, les bêtes féroces, et ce que les supplices ont de plus cruel (Octai’itis, xii, xxviii, xxxvu). « Chaque jour, écrit Clément d’Alexandrie tout au commencement du in siècle, nous voyons de nos yeux couler à torrents le sang des martyrs brûlés vifs, mis en croix ou décapités. » (Strom., II, cxxv) Vers le même temps un gouverneur de la Cappadoce se repent, au lit de mort, de ses cruautés envers les chrétiens. (Tertullien, Ad Scaputam, m)

Dans l’Afrique romaine, tardivement évangélisée, la persécution ne commença qu’en iSo (Tertdlubn. /. c). Hahnack a prétendu que « depuis cette année jusqu'à la mort de Tertullien (après aao), Carthage et l’Afrique du Nord ne comptèrent, même en y joignant la Numidie et les Maurétanies, guère plus de deux douzaines de martyrs. » (iVission und Ausbreitung, 2 « éd., 1. 1, p. 403). Le paradoxe est trop flagrant. Pour un moindre laps de temps, les deux Passions des martyrs de Scillium (180) et de Carthage (ao3), les écrits de Tertullien (Apol. iv ; De fuga, v ; Ad Scapulam, m), desaint Cvpbien(£'^. xxxix ; De laosis, xiii), de saint Augustin (Ep. xv, xvi), etc., nomment trente-sept martyrs ; mais ces mêmes documents en indiquent, d’une façon générale, un très grand nombre d’autres, multos fratres martyres (Passio Perpetuae, xiii). Les premiers livres de Tertullien, écrits vers 197, montrent les prisons de Carthage remplies de candidats au martyre, martyres designati (Ad Martyres, i), des chrétiens déchirés avec les ongles de fer, étranglés avec des lacets, assommés avec des lanières garnies de balles de plomb, lapidés dans les rues, brûlés dans leurs maisons, livrés aux bêtes dans l’amphithéâtre (.4 ;)o ;., xin), consumés à petit feu : le peuple leur donnait le surnom de sarmentitii ou de semiaxii, par allusion aux sarments dont on les entourait ou au poteau auquel on les attachait pour être brûlés vifs (ibid., l).

e) Grand nombre des martyrs à l'époque des persécutions générales. — Tous ces faits bien constatés atténuent singulièrement la signification de la phrase d’Origène dont on s’est armé contre le grand nombre des martyrs. Eût-elle eu même la portée qu’on a voulu lui attribuer, elle n’aurait valu que pour les temps qui précédèrent les persécutions générales. Elle ne pourrait s’appliquer à celles-ci, puisqu’elle a été écrite avant qu’elles n'éclatassent. Harnack reconnaît que, dans cette nouvelle phase de l’histoire des persécutions, la répression fut très violente.

Mais là encore paraît, sous sa plume, la tendance à « minimiser ». « Ces persécutions, dit-il, durèrent chacune seulement une année, mais cela suffit pour faire de grands ravages. » (Mission, etc., t. II, p. l, ob) La vérité est que la persécution de Dèce dura un an et demi, du commencement de a50 jusqu’au milieu

de 201, et celle de Valérien trois ans, d’août 267 à [, août 260 (sur cette dernière date, voir Tillemont, Hist. des Empereurs, t. III, 1691, p. 690-691). Le critique berlinois ajoute : « Beaucoup, beaucoup plus yrand que le nombre des martyrs fut celui des renégats. « Il y eut en cITet de nombreux renégats sous Dèce, et c’est alors que se posa dans toute son acuité la question des lapsi ; il y en eut de nombreux aussi sous Valérien. Mais il me paraitditlicile de dire avec autant d’assurance que le fait Harnack que le chiffre des renégats l’emporta sur celui des martyrs. Ce que l’on peut affirmer, c’est la très grande quantité de martjrs que firent ces deux persécutions.

On voit, sous Dèce, une multitude de fugitifs, c’est-à-dire de gens abandonnant, pour échapper au péril de renier la foi, leur famille, leur patrie, leurs biens, et se réfugiant sans aucune ressource dans les plus dangereuses solitudes : ce que saint Cvprien appelle le « second degré du martyre ». (De lapsis, m ; Ep. Lvi) Puis, beaucoup de martyrs du premier degré. Nous connaissons en partie ceux de Rome par les lettres de saint Cyprien : elles nous font surtout connaître ceux de l’Afrique, et particulièrement ceux de Carthage, les uns punis par l’exil et la confiscation des biens, d’autres mourant en prison ou (lins les supplices, d’autres lapidés ou brûlés vifs dans les rues par le peuple. Les lettres de saint Denysd’Alexandrib nous donnentlemême tableau pour l’Egypte : elles nous montrent, « dans les villes et dans les campagnes », des chrétiens brûlés vifs, des femmes décapitées, des soldats tombant sous la hache, et nous apprennent que beaucoup, -n/tîn-zoï, furent mis à mort en haine du Christ par des particuliers. De nombreux fugitifs périrent dans les montagnes et les déserts, ou tombèrent dans les mains des brigands, ou furent dévorés par des bêtes féroces (saint Dbnys, dans Eusèbb, Hist. eccL, VI, xli,

XLIl).

Mêmes peintures de la persécution de Valérien. A Rome, son second cditfait des victimes de toutes les conditions sociales, depuis le pape Sixte II, décapité dans une catacombe, jusqu’aux esclaves Protus et Hyacinthe, brûlés vifs. Auprès de quelques noms qui surnagent, que de martyrs anonymes ! Les préfets de Rome sont occupés chaque jour, quotidie, à juger les fidèles (saint Cyprien, £p. lxxx), ce qui révèle tout un régime de terreur, et probablement de très nombreuses condamnations. Nombreux aussi sont les martyrs africains, dont le plus illustre est Cyprien lui-même. cette période appartiennent plusieurs de leurs Actes les plus sûrs, comme la /"asiio SS. Montant f.ncii et allorum et la Passio SS. Mariani et Jacobi, Beaucoup de martyrs sont nommés dans ces pièces ; mais elles en supposent un bien plus grand nombre. Une de ces Passions raconte une exécution en masse, quiduraplusieurs jours, et où les bourreaux faisaient " mettre les martyrs à genoux sur deux rangs pour les décapiter (i’ossio SS. Mariani.etc, xxiii). A la même persécution appartiennent les martyrs de la massa candida, cette hécatombe de chrétiens d’Utique sur laquelle existent des récits différents (Prudence, Péri Slephanûn, xiii ; appendice aux sermons de saint Augustin, Sermo xvii), mais dont la réalité est certaine(saint Augustin, Sermo cccvi, cccxi ; Enarr, in psalm.-s.u-s. ; calendrier de Carthage).

L’Egypte ne futpas moins éprouvée : « Les nôtres sont nombreux, écrit saint Denys d’Alexandrie, et vous no les connaissez pas, « i » ; Si r, ij.cricvjç, ttî/joJ ; t£ cjTv.^, et il est superflu de faire la liste de leurs noms ; toutefois sachez que des hommes, des femmes, des jeunes gens, des vieillards, des jeunes filles et des personnes avancées en âge, des soldats, de simples particuliers, des gens de toute race et de