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LORETTE

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fideUbus, ipsius Virginis gloriose jmago angelico comitante cetu mira Dei clementia coUocala est, et ad quain, propter innumera et slupenda rairacula, que ejusdem meritis et intercessione singulis ad eaiii dévote recuirenlibus et ipsius patrocinium cum Lumilitate poscentibus Altissinius operatus est liactenus et operatur in dies, ex diversis niundi partibus etiaiu reniolissimis, ejusdem sacratissime Virginis liberali presidiis populorum contluit multitude, cuique nos ob prcclara ipsius Matris Dei mérita ab ineunte elate ultra communem morlalium modum semper devolissimi ac alt’ectissimi fuimus. »

Voici le passage capital de la bulle donnée par Jules II en date du 21 octobre iSo^ :

« Nos attendentes quod non solumerat in predicta

eeclesia de Loreto imago ipsius béate Marie Virginis, sed etiam, ut pie creditur et fania est, caméra sive thalamus, ubi ipsa beatissinia Virgo concepta, ubi educata, ubi ab Angelo salulata Salvatorem seculorumverbo concepit, ubi ipsum suum primogenitum suis castissimis uberibus lacté de celo plenis lactavit et educavit, ubi quando dcLocseculonequamad sublimia assumpta extitit orando quiescebat, quaraque aposloli sancti primara ecclesiam in honorem Dei et ejusdem béate Virginis consecrarunt, ubi prima missa celebrata extitit, ex Bethléem angelicis manibus ad partes Sclavonie et locuniFlumen nuneupatum primo porlata, et inde per eosdem angelos ad nenius Laurete mulieris, ipsius beatissime Marie Virginis devotissime, et successive exdicto nemore, propter homieidia et alla facinora que inibi perpotrabanlur, in collera duorum fratrum, et postremo, ob rixas et contentiones inter eos exortas, in vicum publicum territorii Uacanatensis translata existit. »

On a dû remarquer les expressions employées : Ecclesiam inii-aculose fiiiidatam, in qita, sicut fide di^norum liahel assertio et universis potest constare fidelibus, ipsius Virginis gloriose ymago angelico comitante cetu mira Dei clementia collocata est, disait Paul II. — Attendentes quod non solum erat in predicta de l.oreto imago ipsius heale Marie Virginis, sed etiam, ut pie creditur et fama est, caméra sive llialamus ubi ipsa heatissima Virgo concepta, uhi educata, uhi ab Angelo sahitata Salvatorem seculorum veri)0 concepit, dit Jules II. Le jugement porté sur la valeur et la moralité des témoins laisse à ceux-ci toute la responsabilité de leur témoignage. Qu’il s’agisse des origines du sanctuaire ou de la réalité des innombrables faveurs miraculeuses — innumera et stupenda miracula — obtenues par l’intercession de la Vierge, les documents pontificaux s’en tiennent exactement aux principes énoncés plus haut.

Dès lors, la réponse à la première question, tjueslion de principes, est fort claire : les expressions indécises de Paul II, les expressions plus déterminées de Jules II et de ses successeurs, renferment, outre la constatation d’une croyance très répandue au déclin du quinzième siècle, l’expression d’une opinion personnelle, mais nulle assertion dogmatique. L’introduction, dans la liturgie romaine, d’un ofQce de la Translation, n’a pas une autre signification ; car, ainsi que l’ont rappelé, à diverses reprises, les Congrégations romaines, l’approbation d’offices nouveaux ne comporte aucun jugement définitif sur la réalité des faits qui ont donné lieu à cette concession : en proposant ces faits aux fidèles comme croyables de foi humaine, l’Église ne perd pas de vue sa mission enseignante, qui est d’un tout autre ordre, et plus haut, que celle d’un tribunal historique. Que les leçons historiques du bréviaire, compilées à des sources de valeur très inégale, renferment de notables erreurs, cela est si vrai que parfois

l’Église avoue ces erreurs et les corrige : on l’a vu récemment dans le cas du pape saint S3 Ivestre et du pape saint Marcellin. Croire ces leçons irréformables, serait prendre le change sur la nature de l’infaillibilité à la([uelle prétend l’Eglise en matière liturgique. Les mêmes principes s’appliquent exactement au fait de la translation miraculeuse. Le premier ollice approuvé par la Congrégation des Rites, pour Lorettc et les Marches, n’en faisait pas mention : toutes les leçons du second nocturne étaient prises du commun. En 1699, on fit un pas de plus : l’affirmalion du miracle trouva place à la fin de la sixième leçon. Un récent décret de la Congrégation des Rites, en date du 12 avril 1916, vient de lui apjiorter une consécration nouvelle.

Est-ce le cas de redire avec un ancien auteur : Multorum devotio paucorum doctrinæ cedere non débet ? Après tout, un tel opportunisme ne présenterait rien d’absolument scandaleux. Car l’Eglise n’est pas une académie, mais une société instituée pour promouvoir le bien surnaturel des âmes ; dans l’hypothèse d’un conflit entre l’intérêt immédiat des âmes et la conservation de telle vérité scientifique particulière, il est assez naturel qu’elle songe d’abord aux âmes. Toutefois, ce point de vue étroitement utilitaire n’est pas celui où ont coutume de se placer ceux qui, d’office, veillent aux intérêts généraux de la foi. C’est ce que Léon XIII rappelait un jour en empruntant la parole de Job (xiii, 7) : Numquid Deus indiget vestro mendacio ? (Dans le même ordre d’idées, voir la lettre du même pape aux cardinaux de Luca, Pilra et Hergenroether, sur les études historiques, 18 août 1883. Trad. française dans la Revue des Questions historiques, t. XXXIV, p. 353363.) Si la fête de la translation miraculeuse fut introduite au xvn" siècle, si elle fut maintenue de nos jours, c’est sans doute qu’on lui trouva des titres sérieux. Ces titres, suffisants pour la légitimer au jugement de l’Eglise, ne le sont pas pour permettre de jeter l’anathème à ceux qui l’ont parfois discutée en historiens.

Il serait donc aussi contraire à la vérité qu’à la prudence, de dire, avec tel auteur anonyme :

u II faut proclamer (la brutale matérialité du fait de Lorelle), la faire briller, car l’abandonner aux coups de l’adversaire, c’est faire l’abandon de tout le surnaturel chrétien à travers Ihistoire. C’est pourtant ce qu’ont fait certains critiques catholiques bien intentionnés et rêvant de jeter un pont au protestantisme. C’est une singulière façon de servir l’Eglise. X (Voir /.a Croix, dn iGdéc. 1909, et la contreiiarlie dans le même journal, 9-10 janv. 1910.) Non, la vraie façon de servir l’Eglise ne consistera jamais à l’engager plus qu’elle-même ne prétend s’engager. L’Eglise n’a jamais songé à rendre « tout le surnaturel chrétien « solidaire des traditions lorétanes.

D’autre part, le sentiment de dévotion qui, depuis des siècles, entraîne les foules chrétiennes vers le sanctuaire de Lorette, ne tire pas sa valeur de la matérialité de pierres : il a un objet plus haut, et s’adresse aux mystères fondamentaux du christianisme. Il n’en faudrait pas davantage pour justifier, en tout état de cause, devant la raison comme devant la foi, les miracles opérés par Dieu dans ce lieu béni, et conséquemment les encouragements donnés par l’Eglise à cette dévotion.

II. Question de fait. — Le fondement le plus sûr de la croyance à la translation miraculeuse est la longue série de documents pontificaux iqui, depuis le commencement duxvi’siècle, constatent la croyance populaire et autorisent la dévotion qui s’y fonde. A cette série officielle, viennent s’ajouter, pour