Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/179

Cette page n’a pas encore été corrigée

345

MARTYRE

346

I

Trente, sur les saints Sisinnius, Martyrius et Alexandre.

e) La poésie chrétienne des mêmes siècles a chanté les martyrs : on attribue à saint Amdroise une hymne en l’honneur de sainte Agnès ; la plus g-rande partie de l’œuvre poétique de saint Paulin est consacrée au confesseur Félix de Noie ; le l’eri Stephaitiin de Phudence contient quatorze poèmes sur les saints Enieterius et Chelidonius, saint Laurent, sainte Eulalie de Mérida, les dix-huit martyrs de Saragosse, saint Vincent, les saints Fructueux, Augure et Euloge, saint quirinus, saint Cassien d’imola, saint Romain d’Antioche, saint Hippolyte, les apôtres saint Pierre et saint Paul, saint Cyprien, sainte Agnès. Quelques-uns de ces poèmes sont la traduction en vers de Passions déjà existantes ; d’autres contiennent des erreurs et des confusions ; mais plusieurs donnent des renseignements de première main, pour les martyrs d’Espagne notamment, et aussi pour certains martyrs de Rome et d’Italie, au sujet desquels Prudence a recueilli des traditions locales et décrit des monuments et des peintures.

/) Une source moins abondante, mais précieuse, est l’épigraphie : inscriptions faisant connaître le nom d’un martyr, la date de sa sépulture, et, par le lieu où elles ont été trouvées, l’emplacement ou les vestiges de celle-ci : inscriptions, plus rares, qui ajoutent des détails sur son histoire. Par exemple, l’épitaphe, à Marseille, de deux chrétiens qui paraissent avoir, au second siècle, péri par le supplice du feu (E. Lb Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. II, 1865, p. 305) ; l’éloge en vers de la martyre Zosime, écrit par un témoin de son supplice, et rapportant ses dernières paToes(BuIlettino diarcheologia cristiana, 1866, p. 47) ; celui du consul Liberalis, dont le nom était inconnu (dk Rossi, Inscr. christianæ Vrhis Romae, t. U, Rome, 1888, p. 101, n" 23 et io4, n" 38). Les petits poèmes, de si lourde latinité, que le pape Damase composa, au iv’siècle, pour être gravés sur des tombes de martyrs, conliennent le plus souvent des formules banales : quelques-uns, cependant, donnent des détails plus intéressants : par exemple, sur Nérée et Acliillée, représentés comme d’anciens prétoriens ; le jeune martyr de l’eucharistie, Tarsicius ; Marcellus et Pierre, dont le supplice fut raconté à Damase par le bourreau lui-même ; Maurus « innocent enfant à qui nulle torture ne fut épargnée » ; les martyrs Salurninus et Sisinnius, et la conversion d’un témoin de leur supplice ; Agnès, dont Damase raconte d’après une tradition orale, différente d’autres versions, la vie et le martyre (sur la valeur historique des inscriptions métriques de Damase, voir de Rossi, / carmi di S. Daniaso, dans Bull, di arch. cristiana, 1885, p. 7-29. On les trouvera reproduites, d’après les copies des pèlerins du commencement du Moyen-Age, au tome II des Inscriptiones christianae Urbis Romae. Voir aussi Inii, Vamasi epigrammaia, Leipzig, 18g5).

Ajoutons que plus d’une fois des inscriptions relatives non à la personne des martyrs eux-mêmes, mais à des memlires de leur famille ou de leur domesticité, ont jeté une grande lumière sur leur histoire et sur les textes qui y font allusion : voir, pour Flavius Clemens et Flavia Domitilla, Bullettino di archeologia cristiana, 1865, p. 16-24 ; pour Acilius Glabrio, le mémoire de M. de Rossi, publié dans Premier Contrés scientifique international des catholiques, Paris, 1889, t. II, p. 261-267, et Bull, di arch. crist., 1888-1889, P- 10-66, io3-133 et pi. i-n, v.

g) Les documents qui viennent d’être indiqués sont, pour la plupart, relatifs à l’histoire individuelle des martyrs : il faut ajouter que, dans presque tous les

écrits composés, à l’époque des persécutions, par des chrétiens, quel que soit le sujet qu’ils traitent, il est question du martyre : lettre de Glé.ment Romain, lettres d’IoNACE u’Antiogue, apologies de Justin, d’ATuiÎNAOGRB, de Méliton, de Thiîophilb, Pasteur d’HiîiiMAS, Epitre à IJiognéte, Octa’ius de MiNucius Félix ; écrits polémiques de Tertullibn et d’AnNOBE, traités didactiques de Clément d’ALitxAN-DBiE, d’ORiGÛXB, de Lactance. Renan ne s’est pas trompé quand, après avoir passé en revue la littérature chrétienne des deux premiers siècles, il déclare que ses productions, quelle que soit leur forme,

« révèlent un état violent qui pèse sur la pensée de

l’écrivain, l’obsède en quelque sorte… De Néron à Commode, sauf de courts intervalles, on dirait que le chrétien vit toujours en ayant sous les yeux les perspectives du supplice. Le martyre est la base de l’apologétique chrétienne ». (L’Eglise chrétienne, Paris, 1879, p. 316) « Je suis frappé, écrit à son tour RoissiBR, de voir qu’il n’y a pas un seul écrit ecclésiastique, quelque sujet qu’il traite, depuis le i" siècle jusqu’au iii=, où il ne soit question de quelque violence contre les chrétiens. » La fin du paganisme, Paris, 1891, t. II, p. 456)

/() Boissier regarde ensuite la littérature païenne : il remarque qu’elle ne parle guère des chrétiens ; mais il constate en même temps que « toutes les fois que les écrivains profanes en disent un mot, c’est pour faire allusion aux châtiments qu’on leur inflige » (ibid.). Malgré la « conspiration du silence)i (ibid., p. 243-a47). ces allusions sont encore nombreuses. Les débuts de la persécution de Néron sont racontés par Tacite {.Inn., XV, XLVi) et par Suétone (Nero, xvi), de celle de Domitien par Dion Cassius LXVII, xiv), de celle de Trajan par deux lettres échangées entre Pline le Jeune et cet empereur (Ep., X, xcvi, xcvii). La fermeté des martyrs est attestée avec mauvaise humeur par Epictète (Arrien, Diss., IV, VII, 6) et par Mahc Aurèlb (Pensées, XI, 3), avec admiration par Galien (cité par l’historien arabe Abulfelda, Jlist. anteislamica, éd. PYeischer, p. 109), et parodiée par Lucien (/>< ? morie i^ere^rmi), Le polémiste Celse montre, sous Marc Aurèle, les chrétiens partout recherchés pour être mis à mort (dans Ori-GÈNE, Coiitra Celsum, VIII, lxix).

On voit que, malgré la perte ou la destruction inévitables de nombreux documents, nous possédons encore assez de textes svirs pour connaître l’histoire des martyrs de l’Empire romain.

2. La Législation. — o) La confusion entre les Juifs et les chrétiens, qui avait fait d’abord la sécurité de ceux-ci (Tbrtcllien, Apol., xxi), se dissipa quand Néron, en 64, eut imputé aux chrétiens l’incendie de Rome. Alors commença pour eux la persécution (Tacite, Ann., XV, xliv ; Suétonb, Nero, XVI ; saint Clément de Rome, Ad Cor., v, vi). Nous voyons celle-ci reprise sous Domitien. Il est probable qu’une loi, dont le texte ne nous est pas connu, et que Tertullien appelle institutum Neronianum (Ad Nat., I, vu), était dès lors promulguée et interdisait d’être chrétien.

La théorie de Mommsen, qui attribue les condamnations prononcées contre les chrétiens des deux premiers siècles à l’exercice par les magistrats du droit arbitrairedepolice, yHs coercitionis, sans qu’une loi initiale ait été nécessaire pour leur donner com-I >étence et créer le délit de christianisme, est aujourd’hui à peu près abandonnée : on revient généralement à l’hypothèsed’un premier édit de proscription (voir Callbwært, La méthode dans la recherche de la base juridique des persécutions, dans Revue d’histoire ecclésiastique de Louvain, t. XII, 191 1).