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MARTYRE

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Le P. Aymard Gukrin, S. J., qui voyageait en Egypte en 1627, parle de l’admirable constance avec laquelle un schismatique copte souffrit au Caire les plus cruels tourments plutôt que d’abandonner la foi chrétienne pour se convertir à la religion de Mahomet. Il ajoute que les missionnaires catholiques eux-i.iêræs, prisonniers en ce moment, « ne purent retenir les larmes que la pieté tirait de leurs yeux, et les louanges qu’elle formait dans leur bouche pour bénir Dieu qui, par des effets extraordinaires de sa bonté, au milieu de la barbarie et de l’impiété, fortifie si efficacement ces pauvres chrétiens destitués de secours et d’instruction, qu’elle renouvelle en eux les actes les plus héroïques des anciens martyrs et les fait compagnons de leurs combats pour leur donner part à leur couronne. Ils ne se faisaient point scrupule de tenir pour martyrs ces pauvres chrétiens, parce que leur hérésie étant purement matérielle, l’ignorance tout à fait invincible dans laquelle ils sont élevés les rend excusables. L’obstination et la contumace de la volonté est l'âme de l’hérésie, la simple créance en est seulement le corps. >> (Le voyage tn Ethiopie entrepris par le P. Armard GHe’r/n, dans Rabbath, Documents inédits pour sert’ir à l’histoire du Christianisme en Orient (xvi'-xix' siècle), Paris, Leipzig et Londres, t. l, 1906, p. 19)

A une époque plus rapprochée de nous, un autre missionnaire écrit, à propos d’un prêtre arménien schismatique massacre en 1896 avec son fils par les Kurdes, qui leur avaient donné à choisir entre l’apostasie et la mort : « Quoique, thëologiquement parlant, le titre de martyr ne convienne qu’aux enfants de l’Eglise catholique, cependant, dans un sens large, ils l’ont mérité, tous ceux, — et jamais on n’en saura le nombre, — qui ont préféré le martyre à l’apostasie. Nés dans le schisme, ils vivaient dans la bonne foi, et appartenaient par conséquent à l'âme de l’Eglise. » (Les Missions catholiques françaises au XIX" siècle, t. I, p. agi))

Dans son livre sur V Université de l’Eglise et le schisme grec (Paris, igiS, p. 82/1), M. l’abbé Bousquet raconte l’histoire de plusieurs de ces schismaliques, immolés par les Turcs, au commencement du XIX* siècle, pour leur refus d’abjurer la foi chrétienne. Le récit de la mort de Janni, musulman de l’Epire converti au christianisme en voyant martyriser les chrétiens, puis baptisé dans l’Eglise grecque et décapité le a3 septembre 181 4, après les plus cruelles tortures, pour n’avoir pas voulu renoncer à sa religion, est une page très belle. Le savant historien nous fait admirer l’action du Saint-Esprit dans beaucoup de ces âmes qu’abrite l’Eglise « orthodoxe ». La plupart des fidèles sont d’une bonne foi incontestable, et l'état de séparation pour lequel ils n’ont rien fait ne saurait leur cire imputable. Dans ces âmes, la foi au Dieu de la révélation chrétienne, l’amour de Jésus-Christ, l’attachement à l’Eglise dans laquelle elles voient la véritable Eglise du Christ, sont demeurés profonds et sincères. Ces sentiments, elles savent à l’occasion les manifester d’une façon édifiante, touchante, même héroïque ; quelques-unes d’entre elles ont été dignes de la grâce du martyre.

Ces commentaires s’ajouteront utilement, croyonsnous, aux citations qui les ont précédés, non pour corriger, mais pour expliquer la doctrine en apparence plus dure des anciens Pères, en présentant un ordre d’idées qui n’avait pas été traité par eux.

d) La question est évidemment tout autre quand il s’agit non |>lus de l’hérétique ou du schismatique de bonne foi qui a accepté la mort plutôt que de renier le Christ, mais de l’hérétir/up ou du schismatique qui, même avec héroïsme et sincérité, est mort pour

rester fidèle à de fausses opinions. « Hors de l’Eglise catholique, il a pu y avoir des hommes qui sont morts de bonne foi pour une erreur ; mais si la bonne foi les excuse du péché et leur laisse même jusqu'à un certain point devant Dieu le mérite de leur sacrilice, elle ne peut changer l’ordre objectif des choses et faire que l’erreur devienne la vérité. Nous les plaindrons donc sincèrement, comme nous plaignons les victimes d’une ignorance invincible ; mais par amour de la clarté, et pour éviter toute équivoque, nous nous refusons à leur décerner le litre de martyrs, réservé aux témoins de la vérité. » (Dubois, Le témoignage des martyrs, dans Revue du clergé français, 15 mars 1907, p. 31)

La raison de ce refus est clairement donnée par le P. Pbbronb. « L’Eglise que Jésus-Christ a fondée, ayant seule reçu de lui ses divines instructions, aj’ant vu de ses yeux les actions, les faits de l’HomræDieu, peut seule aussi rendre un témoignage véridique de ce qu’elle a tu et entendu depuis le commencement. Cette Eglise est comme une personne morale, un individu moral toujours vivant, qui continue sans interruption d’attester aux générations qui se succèdent la môme doctrine, avec son véritable sens, dans toute la suite des siècles. Telle est la raison pour laquelle il n’y a que l’Eglise qui ait des martyrs, c’està-dire des témoins des faits, et en aussi grand nombre qu’elle a compté d’enfants de son sein qui ont versé leur sang et donné leur vie pour rendre témoignage de ce qu’ils avaient appris d’elle depuis le commencement, comme elle-même n’avait fait en cela que leur faire part de ce qu’elle avait vu et entendu. C’est ce qui est impossible aux sectaires, tant parce qu’ils ont interrompu la chaîne qui les unissait à l’Eglise, seule dépositaire du fait en question, que parce que, lorsqu’ils s’opposent à l’enseignement de l’Eglise, ce n’est pas un fait historique qu’ils attestent, mais leur propre opinion, leur pensée personnelle, leur idée subjective qu’ils affirment. » Le P. Perrone fait ensuite l’application de ces principes à des luthériens ou à des anglicans mourant pour leurs opinions, comme l’histoire des luttes religieuses du xvie siècle en offre des exemples. Ils ont sacrifié leur vie pour ne pas abandonner la doctrine de Luther ou l'établissement ecclésiastique d’Henri VIII. Ils ne sont pas morts pour la doctrine ou pour l’Eglise de Jésus-Christ. Quel qu’ait pu être leur courage ou leur sincérité, de telles victimes n’ont aucun droit au titre de martyr, c’est-à-dire de témoin de la religion chrétienne. Pkrkone, Le Protestantisme et la Règle de la foi, t. II, Paris, 1854, p. 409-4'0 II. — Le mahtyhk au temps

DES PERSÉCUTIONS ANTIQUES. EmPIRB ROMAIN

1. Les documents ; Actes ou PtiS ! >ions des martyrs ; Martyrologes ; Histoires ecclésiastiques ; Œuvres oratoires ou correspondance des Pères de l’Eglise ; poésie ; épigraphie ; la littérature chrétienne ; la littérature païenne. 2. La législation : les deux premiers siècles ; le troisième siècle, les édits de persécution. 3. Le nombre des martyrs ; impossibilité d’une statistique ; la ttièse du petit nombre ; sens tout relatif d’un texte d’Origène ; grand nombre des martyrs dans les deux premiers siècles ; grand nombre des martyrs à l'époque des persécutions générales ; les hécatombes de la dernière persécution ; les lacunes des martyrologes. 4. La condition sociale des martyrs. 5. Les souffrances des martyrs : les épreuves morales ; la détention préventive ; l’inteiTogaloire et la torture ; les peines non sanglantes, bannissement, dé]iortalion. travaux forcés ; les supplices : la décapitation ; le feu ; les bètes ; la croix ; supplices divers ; l’iconographie du martyre, fi. Les confesseurs : distinction entre les confesseurs et les martyrs ; sollicitude de l’Fgli se envers les confesseurs ; leur rrtle dans la réconciliation des lenégats ; les abus ; rang des confesseurs dans