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MARIOLATRIE


nonplusque Th. Raynaud, cité par Terrien, t. IV, p. 227.

Contre ces abus, un admirable sermon de BouhDALOŒ nous a mis en gaide (œuvres, éd. Aivès, t. Ul, p. 534). l^a"s sa polémique contre Pusey, Newman en signale sévèrement — injustement presque — queqnes-ms (Certain dificulties, -p. 108). Le P. Terbien ne parle pas autrement (Introduction, p. x, xviii) ; j’ai relevé pour ma part dans les sermons du Moyen-Ag-e d’intolérables anecdotes. C’est entendu ; mais

A. — Ces abus ne doivent pas surprendre :

a) Etant donné le caractère des dogmes et du culte mariai. Les dogmes inûniment riches, mais tout mystérieux, tout intellectuels, comme celui de la Très Sainte Trinité, pourront être déformés par la spéculation intellectuelle des savants, rabaissés, humanisés, dépouillés de leur mystère ; ils seront victimes du raisennement ; mais le sentiment les respectera : ils en sont ordinairement trop loin. Tout au contraire, le dogme de la maternité divine de Marie, la croyance à sa maternité de grâce, à sa puissance, à sa sainteté, à sa bonté sont aussitôt saisis par tout l’homme : l’intelligence en conçoit les termes sans effort, la réflexion s’en empare vite ; le cœur et la sensibilité s’y reposent aussitôt. Quoi d'étonnant dès lors, que dans l’une ou l’autre de leurs conséquences éloignées ils échappent assez facilement au contrôle rationnel, soient la proie d’une sensibilité malade ou d’une imagination sans frein et abandonnés à leurs caprices ? C’est alors que devra intervenir l’autorité dirigeante de l’Eglise.

h) Etant donné le caractère en partie humain de l’Eglise. Il n’y a pas, grâce à Dieu, dans l’Eglise, ffue l'élément savant, intellectuel : les petits, et c’est là sa gloire, y seront toujours la masse, avec leur foi, leur simplicité, mais aussi leur tendance instinctive à matérialiser, à dramatiser, à enjoliver, à déformer (cf. les réflexions des Analecta Bollandiana, t. XVll, p. 2a5, à propos du livre de Zockleh, Askese und Mbnclitum) ; dès lors, il faudra s’attendre à trouver à côté de la prière liturgique approuvée, flxée, codiflée, mesurée, toujours correcte et digne, la manifestation collective, tiuuullueuse souvent, presque désordonnée parfois, faite de l’addition de sentiments vifs déjà chez l’individu, et qui se compliquent, s’excitent par les contacts ; il faudra s’attendre à trouver, en substructure de l’enseignement ofliciel, des couches profondes, mal explorées, de croyances. Or de ces liions d’origine plus ou moins humaine, les uns seront merveilleusement féconds en pur métal, d’autres utilisables, d’autres enlin tout engagés dans une gangue superstitieuse. S’en scandaliser, c’est vouloir fermer l’Eglise aux petits, aux humbles, qu’avant tous les autres y a convoqués le Maître.

B. — Ces abus sont combattus :

a) En théorie, par la précision des limites du culte mariai : il est plaisant de dire que Luther a ramené Marie à son rôle de simple créature (Healencyclopàdie, t. XII, p. 32")). Il y avait, au xvie siècle, bien longtemps que l’Eglise et les docteurs, les prédicateurs et les lidèles avaient distingué la Sainte Vierge de Dieu : je me borne à signaler cette comparaison entre Marie et la lune qui remplit les sermons au Moyen-Age : comme la lune reçoit toute sa clarté du soleil, ainsi Marie reçoit de Jésus, son Fils et son Dieu, toute sa grandeur (cf. Bourassé, Sunima aarea, table, au mot l.itna, t. XIII, col. ou aussi le passage de saint Bonaventuhe, /n III Seul., 3, art. 3, q. 8). Et dans nos temps plus modernes, les docteurs les plus « mariolâtres » insistent sur ce qu’a d’emprunté

la gloire de Marie, à mesure même qu’ils l’exaltent (voir Thomassin, Dogmata, éd. Vives, t. lll, p. 345, 'i ! (), 688). C’est ainsi que Suarez note sévèrement ceux qui croyaient la Sainte Vierge exempte de tout dâhitum du péché originel (cf. de Scorajlle, I. c, t. II, p. 240 i c’est ainsi que s’expriment tous nos auteurs classiques, et nos catéchismes diocésains.

Traités savants et livres élémentaires font très nette la différence entre le culte souverain dii à Dieu (latrie), le culte dû aux saints (rfi/Zie), et ce culte qui ne participe en rien de la lâti’ie, qui n’est qu’une dulie éminente, l’hyperdulie rendue à la plus grande des saintes, à la Vierge intiniment inférieui-e à Dieu, très au-dossus de ce qui n’est pas Dieu. Ce sont distinctions classiques empruntées à saint Damascène par saint Thomas (U ll^e, q. 103, art. 4, ad 2 ; 3, q. 5, art. 25), parSuvnEz (/>eyH< : a ; /ia(iorie, Disp. xxii, sect. 3), par tous, et qu’il est impardonnable d’ignorer (cf. IIayne, De liyperdulia), n’en déplaise aux protestants (cf. Canisius, Summa aurea, t. IX, col. 176, 181-186).

b) En pratique, par le blâme des docteurs ou des condamnations. L’Eglise officielle, ou même les théologiens, ne peuvent intervenir sans cesse : il est des abus qu’on peut laisser mourir d’eux-mêmes, ils s’usent en circulant. Il en est d’autres au contraire qui — vu les circonstances — ont tendance à se généraliser, ou bien qui paraissent impliquer un culte faux. Les docteurs alors interviennent : au ix » siècle, saint TuiioDORE » k Stoudion corrige le moine Théoctislos qui aurait dit : « La Vierge a existé avant tous les siècles » (cf. Marin, Saint Théodore, p. 150) ; nous avons vu l’attitude de Suarez, de Petau, de Th. Raynaud, de nos écrivains contemporains.

D’autres fois, l’Eglise intervient elle-même. Au hasard, voici la condamnation par le concile in Triillo — bien inspiré en cela — d’une fête assez choquante (canon 7g, voir Hefble-Lbclbrcq, t. III, I, p. 572 et note) tant par rapport au gotit, qu’eu égard à la doctrine ; la condamnation des rêveries vaudoises (Guihaud, Cartulaire de N.-J). de Prouille, t. I, p. Lv) ; les condamnations rapportées par TromBELLi (Summa aurea, t. IV, 4^7 et Index de 1758, p. 23, 35, n" 10) ; en 1667, la condamnation des vieilles erreurs qui faisaient naître Marie en dehors des lois ordinaires : l’histoire de sainte Anne concevant en respirant une rose (Robi.nson, Coptic apocryphal Gospels, p. 3, 5 ; Mâle, L’art religieux au XIIIe siècle, p. 278 ; Summa aurea, t. I, p. 19) ; plus récemment, l’Eglise a proscrit l’extravagante doctrine de la présence réelle de Marie dans l’Eucharistie (Newman, Difficulties, p. 165 ; Terrien, t. I, p. 166, note. Sur les tal/ulæ granatenses et les images des Schiai’i delta Madré di Dio, cf. Beringer, t. I, p. 107 ; Beissbl, t. II, p. 107 ; des faits analogties dans BBNoir XIV, De Servoruni Dei beatificatione, lib. IV, pars 11, cap. xxx, n" 24). Citons encore la condamnation du livre sur le Précieux Sang de Marie (Acta S. Sedis, t. Vill, p. 269), de la formule Reine du Sacré Cœur parce qu’elle implique ou paraît impliquer une situation inférieure du Christ ressuscité envers sa Mère (cf. New.man, I. c, p. 169), de la nouvelle médaille cruciforme dite Croix de l’Immaculée Conception(Décreide l’Inquisition, 15 mars 1901). Il est interdit, dans les images, de placer Jésus à côté de Marie, il doit être entre ses bras (cf. Ami du clergé, 1895, p. 108 ; 1910, p. Sij2 ; Analect. ecctes., juin. 1895, p. 284). Et avant d’approuver, quelle lenteur ! Faut-il rappeler sa réserve au sujet de La Salette, de Lourdes à ses débuts ? Plus récemment, cette réserve se nuance de défiance au sujet des faits de Tilly (cf. l’ordonnance de Mgr l'évêque de Bayeux,