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MARIOLATRIE

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Marie, en qui le Tout-Puissant a opéré de grandes clioses.

Ainsi inséparables en fait, dans une certaine mesure, — tliéorie et pratique, lumière et amour, dogme et culte mariai sortent en ligne légitime de l’Ecriture et de la Tradition (cf. Nuubert.I.c., p. -255 ; Monsabrk, Le Paradis de l’Incarnation : conférences de 1877, Cffc’Hi’res, t. VI, p. 289 ; Bainvel, Le dogme et la pensée catholique au -Yl-i' siècle, Etudes, 5 janv. 1900, p. 31 ; Mgr Pie, Œut’res, t. Vil, p. 1 13 et suiv. ; BelLAMY, La Théologie catholique au XIX' siècle, igoi^, p. 267 ; DE BnoGLiE, Conférences sur la vie surnaturelle, Carême, 1880, x » conf. ; Largent, La Mère des Hommes, p. 55 ; Terrien, Lc, t. IV, p. 167, 188).

IV. Les abus du culte de Marie. — i" Question préalable : Tous ces abus sont-ils prouvés ? Examinons quelques griefs de <c Mariolâtrie ».

A. Les catholiques adorent Marie. — Passe aux premiers réformateurs cités par Peta.v (De Incarnatione, XllI, viii), et Bourassk (Summa, t. V, 166) ou Canisius (.SHm/Hfl, VIII, 1071), d’avoir, à la suite de Nestorius (Loofs, Nestoriana, p. 887, 353), lancé pareille énorraité, qui d’ailleurs s’appuie sur un contresens (cf. Terrien, t. IV, p. 171). Mais on est douloureusement surpris de trouver cette fable chez PusBY, chez Hoi>GE (Systematic Theology, vol. 111, p. 284), chez Lea (Auricutar confession, t, I, p. 106,

107), chezGLADSTONE, HALLAM(cf. UoHAULT DE FlEUR Y,

t. I, p. xiii et XIV, note). On regrette de voir interpréter en ce sens grossier une lettre du Pape Martin I (P. L., t. LXXXVIl, 200) ; on déplore l’attitude et les puérils calculs de Littledale (Plaiii reasons… p. 51 ; voj’ez les durs articles du P. Clarke, Month, t. XLI. 1881, p. 219, 1882), non moins queles divagations auxquelles il se laisse aller (ib. p. 78). Heureusement que y Encyclopédie des sciences religieuses met la note gaie dans tout ce fatras, lorsque M. MoNOD y écrit que « Marie est l’objet d’une dévotion spécialeappeléeradorationperpéluelle » (éd. 1877, t. 1, p. 82).

Le plus élémentaire de nos catéchismes suffira à répondre. J’y renvoie nos docteurs. C’est ce que répondait Butler au xviip siècle (cf. Migne, Démonstrations cvangéliques, t. XII, col. 20). Je sais qu’on fait grand état de la démarche de saint Epipuane contre les Colhridiennes. On connaît l’incident : des femmes arabes rendaient à Marie un culte excessif, et lui présentaient, comme à une déesse, l’olfiande de gâteaux. Saint Epipuane les en blâma. Donc, concluent la Kealencyklopiidie (l. XII, p. 313), le nictionnry of the Bible de Hastings (t. 111, p. 289), le saint a condamné par avance les pratiques du culte de Marie, et — bien en vain d’ailleurs — a essayé d’arrêter l’idolâtrie.

Mais qu’a donc dit saint Epiphane que l’Eglise n’ait répété? Il a parlé tout simplement comme un bon catholique, et voir dans ses paroles la condamnation de la dévotion à la Sainte Vierge, c’est supposer ce qui est en question, à savoir que les catholiques actuelSj comme les Colhridiennes rie jadis, aient tentation d’adorer Marie (cf. P. G., XLII, 786, 7/(0 ; Tillejiont, Mémoires, éd. Paris 170 : 2, t. XU p. 83, 8^).

B. Les catholiques soutiennent que la prière à Marie est nécessaire au salut. — Dès lors, le Christ, l’unique et divin Médiateur proclamé par la Bible, ne sufllt plus aux catholiques. Et pêle-mêle on cite saint Laurent Justinikn, Vega, Skgneri, saint LiGUORi (qui a pourtant fondé l’ordre du Très Saint Rédempteur), et l’on confond ce qu’il importait de distinguer : l’intercession de Marie pour nous ; — l’invocation et la prière que nous pouvons adresser à Marie.

C’est une doctrine qui prend corps dans l’Eglise et qui est fondée en tradition, que les grâces méritées par le Christ médiateur et seul rédempteur, nous sont distribuées par l’intermédiaire de la Sainte Vierge (Voir art. Marie, 111, 6°), et voilà en quel sens

« toute grâce nous vient par Marie », et en quel sens

aussi la Sainte Mère de Dieu joue auprès de son Fils son rôle d’intercesseur nécessaire en fait et par la volonté de ce Fils qui, après avoir associé sa Mère à sa vie et à sa Passion, l’associe encore comme trésoriêre à sa glorieuse générosité.

Mais la Sainte Vierge peut fort bien être l’intermédiaire de la grâce, prier pour nous, sans que pour autant il faille logiquement conclure que nous sommes tenus de la prier sous peine de damnation. L’intercession de Marie auprès de Dieu est une chose, l’invocation du lidèle à la Vierge en est une autre.

Cette distinction nous permet de réfuter l’accusation : jamais dans l’Eglise on n’a enseigné que l’invocation à Marie fut nécessaire au salut. Mais d’autre part, on doit reconnaître que la dévotion, la prière à la Vierge, toujours associée à l'œuvre rédemptrice d’une façon secondaire mais réelle, est un sérieux motif d’espérance, et donc que cette invocation, cette dévotion est utile, qu’elle l’est même plus que la prière aux Saints. C’est la doctrine même du Concile de Trente, Denzingkr n" 984, 986 (860, 862) rappelée par Pie VI dans la bulle Auctorem Fidei (ib., n" 1531 (1894) ; Terrien, t. IV, p. 280, 288, 297.)

C. La Vierge retire ses dévots de l’enfer. — Encore une accusation bien vague : veut-on dire que Dieu peut — en vue de Marie et â sa prière — accorder à un pécheur la grâce in extremis d’un repentir sauveur, et par là arracher cette âme à l’enfer déjà prêt à l’engloutir ? Alors, oui, dans ce sens, l’on peut soutenir que Marie a arraché au démon sa victime, et ainsi comprise, la doctrine est admise de tous : elle est même parfois l’unique planche où se réfugie la suprême espérance pour le salut d'âmes très chères. Mais Ilerzog et ses pareils ont tout autre chose en tête quand ils disent : « Chaque année… le jour de l’Assomption, elle (la Sainte Vierge) délivrait de l’enfer un certain nombre d'âmes » (/. c, p. 81) : on entend bien qu'à ces âmes a été accordée une véritable amnistie, un véritable pardon, la délivrance de supplices auxquels elles avaient été préalablement condamnées et qu’elles avaient déjà commencé de subir. Mais nulle école catholique n’a soutenu impunément pareille énormité ; nul n’a prétendu que la prière de Marie put soulager ces maudits ; elle ne s'étend pas jusqu'à eux (Summa aurea, t. IV, p. 126, 149). Je sais pourtant que des histoires ont couru dont on a pu tirer cette conclusion.

Mais d’abord c’est souvent Jésus lui-même et non Marie qui aurait gracié ces âmes ; on attribue lès mêmes miracles à sainte Agnès, à sainte Thècle, à saint Grégoire ; d’absurdes légendes ont circulé en Irlande ; à ces contes, on peut trouver quelque parenté avec certains passages d’Origcne, de Prudence, etc. (Cf. BoUHASsÉ, Summa aurea, t. IV, p. 78, 86 ; GoUQAUD : Les I.oricæ celtiques, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétienne, avril 1912, p. io4, et dans le sens qu’on peut en attendre ; Lba, Auricular confession, t. 111, p. 829). Des théologiens ont cru devoir s’en occuper. Tout d’abord ils ont discuté leur valeur et pesé les témoignages qui prétendaient les autoriser. Ils ont constaté ou bien que ces témoignages étaient dénués de sérieux, qu’ils n'étaient pas authentiques, ou bien que les textes allégués ne présentaient qu’une mise en scène, bizarre parfois mais théologiquement irréprochable, puisqu’il n’y est nullement question d’une