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MARIOLATRIE

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XVII’et du xvin’siècle, ainsi que la médiocrité artistique et théologique de toute une imagerie contemporaine, médiocrité combattue heureusement (cf.BEissEL, t. II, p. 1 17-217 ; 2111-275 : 391 ; Lecoy ue laMarciib, La peinture religieuse, Paris 1892).

Ainsi les formes de la dévotion mariale, déjà mentionnées au Moyen-Age se sont enrichies et développées ; leur nombre s’est accru. Il importe ici. comme nous l’avons fait ailleurs, de rappeler le rôle des ordres réguliers. Les anciennes familles religieuses ont travaillé les Ulons de théologie ou de dévotion déjà exploités par leurs ancêtres ; à côté d’elles, la Compagnie de Jésus s’est faite une place : par ses docteurs elle a défendu l’Immaculée Conception ; par ses régents, ses prédicateurs elle a entretenu, développé dans les Congrégations de la Sainte Vierge la piété la plus solide, la pureté parfois la plus austère. Ses saints, les jeunes notamment, ont été de grands dévots à Marie (cf. Urive, Marie et la Compagnie de Jésus, Tournay, 1904 ; Sommkbvogel, Bihliulheca Mariana Socieialis Jesu. Paris, 1885 ; Martindalk, Chrisl’s Cadets. ot aussi deScoraille, Suarez, t. ii, p 209).

Signalons qu’un nombre considérable d’ordres religieux ont été fondés sous le vocable de la Sainte Vierge parmi eux : les Oblats de Marie Immaculée {Cath. Enc, t. XI, p. 184 ; Ortolan, Les Oblats de Marie Immaculée, Paris, 191 4), les Augustins de l’Assomption (Cath. Eue., t. 11, p. io4), la Visitation, l’Ordre de Notre-Dame des Sept Douleurs, les nombreuses congrégations de la Présentation (Cath. Enc, t. XII, p. 397 et suiv.), et l’œuvre admirable du P. Perret, les Petites sœurs de l’Assomption », servantes despauvres (fd^/i.^’Hc., t. II, p. 5 ; voir une liste dans le Kirchenlexicon, t. VIU, col. 727).

La première pirtie de notre étude est terminée : nous avons constaté, deviné les premiers linéaments du culte et de la dévotion sur les parois des catacombes ou sous le maquillage des apocryphes, puis les traits se sont accentués, la faible esquisse est devenue un grand tableau. Tel est le fait : il reste à l’expliquer et à le légitimer.

II. — Conclusions apologétiques

I. Le culte de Marie n’est pas sorti du Paganisme. — Quand, nous dit-on, les païens entraient en masse dans l’Eglise, ils y apportèrent leur mentalité païenne. C’était le prix, la rançon de leur soumission au Christ. Mais cette mentalité païenne restait attachée aux divinités féminines, imprégnée jusqu’au fond par ces cultes troublants, chargés de mysticisme, prête par conséquent à dériver de leur côté par toute pente qui s’ofïrirait. Or, cette pente, ils la trouvèrent en regardant Marie. Mal servies par l’austère monothéisme de l’Eglise ollicielle, ces aspirations se satislirent en exagérant sans cesse l’honneur, le culte, la prière à la femme mère de Jésus. Marie devint le succédané des déesses mères et, sans qu’on osât se l’avouer, une déesse elle-même. On en vint à l’honorer plus que la mystérieuse, philosophique, incompréhensible Trinité.

On lira cela — avec des nuances selon les auteurs

— dans le Dictionarr oftlie fliiZ » ; de Hastings (t. III, col. 289), dans le Dictionary of Christian BiograpUy de Smitu (t. H, p. 207), dans la Cyclopedia de New-York (t. V, p. 571), dans la Realencyktopiidie fiir proteslantische Théologie und Kirche (t. XII, p. 315), dans V Encyclopédie des Sciences religieuses de Lichtenbergbr (t. I, p. 83), dans le prétentieux livre d’Albert Marionan, La foi chrétienne au IV<’siècle. dans la plaquette plus lourde de perfidie que de science de S. Rbinach (Orj>heus, p. 4 18), dans une

foule de brochures de bas étage, et enûn, je le crains, dans l’enseignement de certaines écoles.

Quelles furent les déesses dont le culte subsista sous celui de Marie ? On vous cite Astarté (Roscn en voit la preuve dans la couleur noirâtre de certaines statues. Astarlé-Maria, dans Theologische Studien und kritiken, Gotha, 1888, p. 265), Artémis (la joie des fidèles après leconcile d’Ephèse le montre assez), la déesse Istar, la Tanit Egyptienne, Isis portant Horus dans ses bras. A un degré moindre, et compatible avec le dogme, certains catholiques n’ont pas su échappera la fascination un instant à la mode. Et pourtant on coainience à s’en lasser ; le fantôme s’évanouit à être regardé bien en face : pour quelques ressemblances portant ou bien sur ces gestes qui sont de tout temps parce que fondés sur l’humaine nature partout identique dans ses grandes lignes, ou bien sur des points de détails, que de dilTérences irréductibles ! et pour faire jaillir ces ressemblances mêmes, qu’il est parfois besoin de complications, d’hypothèses, de subtilités ! (Cf. Bbrgeh, dans Mélusine, t. VI, 1892, p. 126 ; Dbleuaye, Les légendes hagiographiques, p. 238 ; Analecta lloll. t. XXIV, p. 487, 488 ; Cliristus, p. 35, 36 ; Bbissel, t. I, p. 346.) Ensuite on ne fait pas assez clairement la distinction que voici : il se peut que, dans certains cas, le culte de Marie ait succédé à un culte local féminin (nous l’avons constaté à Soissons pour celui d’isis ; cf. sup., col. 306 et aussi Rohault de Fi.euhy, t. I, p. 12) ; mais d’une succession dans le temi>s et le lieu, on a tort, nous le verrons, de conclure à une succession d’origine. Il y a substitution, remplacement, élimination, non évolution. C’est ainsi que s’expliquerait fort bien la coïncidence entre la fête du Transitas Mariæ et les anciennes fêtes champêtres du mois d’août (cf. Anal. BolL, t. XXXI, p. io5, 106).

Enfin ces théories laissent incompréhensibles les faits suivants. Si le culte, si la dévotion envers la Sainte Vierge sont des produits païens, pourquoi cette dévotion et ce culte sont-ils si faibles, au moment précis où l’élément païen entrait en masses serrées dans l’Eglise, au m’, au iv’siècle ? A ce snomenl là même, la paganisation de l’Eglise eût dû se faire d’assaut : les pratiques mariâtes, le rituel devraient être chargés à l’excès. Or il n’en est rien. Marie, honorée sans doute, est encore et surtout vue par la spéculation et la théologie. Pourquoi, au contraire, la dévotion et le culte de Marie sont-ils le privilège exclusif, détesté ou béni, mais incontestable, des générations pures de toute tare païenne, des époques jalousement chrétiennes et catholiques ? Autre fait". Si le culte de Marie avait des origines païennes, il eût fatalement évolué vers les pratiques mystérieuses, ésotériques et finalement obscènes, et cela, non par les tendances morbides ou sensuelles de tel ou tel adepte, mais par sa nature même. Il porterait, à quelque degré, l’indélébile et infâme stigmate de tout paganisme. Je crois la chose évidente par la comparaison a" » ec les cultes féminins du paganisme (cf. DuFOURCQ, 1. c, p. xviii, et surtout abbé db Bbogue, Problèmes et conclusions de l’Histoire des Helig’ons, p 260, 292 ; sur le culte d’Astarté, Dufourccj, 1. c. p. 78 ; de Cybèle, ib., p. 130 ; d’Istar, Chrislus, p. 607 ; d’Arlémis d’Ephèse et d’Aphrodite, voir Daremberg et Saglio, Dict. des Antiquités, t. I, p. 807, 4’1 1, t. ii, p. 1 30, 1 4 1. 1 49)- Or s’il est un fait attesté, c’est que la théologie mariale n’a cessé de dégager la Vierge de toute attache charnelle, de tout contact avec les sens, avec la concupiscence, c’est que la dévotion à la Sainte Vierge est synonyme de chasteté ou préservée ou austèrement gardée ou retrouvée et chez les plus faibles ardemment désirée et demandée. Etre dévot à Marie, c’est être, vouloir être pur