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MARIE — INTERCESSION UNIVERSELLE

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à Marie de vouloir bien être la mère de Jésus, quille ensuite à Jésus de sauver le monde comme il lui plaira ? Ce n’est pas ainsi que l’entend la tradition catholique ; ce n’est pas l’idée que suggère la simple lecture du texte évangélique. L’ange ne parle pas seulement des grandeurs personnelles de Jésus. C’est le Sauveur, c’est le Messie attendu, c’est le Koi éleræl de l’humanité régénérée, dont on propose à Marie de devenir la mère. On lui propose par là même de coopérer au salut de l’iiumanité, à l’œuvre messianique, à l’établissement du royaume annoncé. C’est pour cela qu’elle est pleine de grâce, pour cela qu’elle esl bénie entre toutes les femmes.

Ainsi l’ont entendu tous les saints Pères. Pour eux, ce qui se négocie directement et immédiatement entre l’Ange et Marie, c’est l’oeuvre rédemptrice, c’est le sort de l’Unnianité. On ne peut donc pas distinguer en Jésus la personne prisée, dont Marie serait la mère, et la personne publique, à l’teuvre duquel sa mère n’aurait qu’une part lointaine et indirecte. Ainsi, par le seul fait de sa coopération à l’Incarnation, Marie coopère, à l’œuvre rédemptrice, et cela d’une manière procliaine et directe, comme si l’Incarnation eût sufli pour nous sauver.

L’Incarnation, c’est la Rédemption commencée,

« ’est notre salut procuré (si nous-mêmes n’y mettons

obstacle). Coiqiérer à l’Incarnation, c’est donc coopérer directement à la Rédemption, c’est coopérer directement à notre salut. En autres termes, c’est comme Sauveur que le Verbe s’incarne, et, en s’incarnant, il a déjà en mains, ou plutôt il est lui-même, le prix de notre rachat et de toutes les grâces qui seront pour nous comme la distribution en monnaie du prixiniini i(ui, à l’incai’nation, est remis à Marie. C’est donc tout Jésus que nous devons à Marie, Jésus comme rançon et Jésus comme source de toute grâce. Sans doute, ce n’est pas l’Incarnation qui nous sauve, c’est la mort du Verbe incarné. Mais Jésus ne s’incarne que pour mourir : « Dieu a tant aimé le monde, disait Jésus, qu’il a donné son Fils unique », et le « don » emporte et la croix et toutes les grâces par lesquelles « quiconque croit en Jésus ne saurait périr, mais aura la vie éternelle ». Mais si c’est Dieu qui nous donne ainsi son Fils unique, il nous le donne par Marie ; et si le don de Jésus, suivant le mot de saint Paul, emporte tous les dons de la grâce, depuis notre baptême jusqu’à notre ciel, Dieu, en nous donnant Jésus par Marie, nous donne tout par Marie.

Telle est la portée du consentement de la Vierge à l’Incarnation, tel le sens que lui donne la tradition catholique. Quand on a compris cela, on ne trouve plus rien d’excessif aux paroles des Pères, rien d’hyperbolique dans leurs formules.

Toule l’œuvre rédemptrice est suspendue au Fiat de Marie. Et de cela, la Vierge a pleine conscience. Elle sait ce que Dieu lui propose, elle consent à ce que Dieu lui demande, sans restriction ni condition : son Fiat répond à l’ampleur des propositions divines, il s’étend à toule l’œuvre rédemptrice. L’iiistoire surnaturelle du monde est groupée là comme autour de son centre. Le Fiat de l’Incarnation, prononcé dans la lumière divine par la Vierge toute investie de Dieu, prend, par l’union de la volonté de Marie avec la volonté de Dieu, quelque chose de l’immensité du plan divin, qui embrasse dans sa magnilique unité toute l’œuvre de réparation et de salut.

Et voilà pourquoi il n’est pas nécessaire de chercher ailleurs l’explication de la coopération de Marie à notre sanctification et à notre salut.

IV. Comment celle unité du plan divin exige que Marie continue d’intervenir au ciel dans la distribution des grâces. Ce qu’insinue l’Evangile. — Quand

Marie n’aurait pas à notre reconnaissance et à noire amour d’autre litre que ce Fiat, avec son concours maternel à l’Incarnation, ce serait assez pour l’appeler en toute justice la coopératrice de noire salut, et notre Mère dans l’ordre surnaturel ; ce serait assez pour dire que toutes les grâces nous sont venues et nous viennent par elle, puisque nulle grâce ne nous esl faite qu’en vue et en vertu du premier don que Dieu nous a fait par elle, du don de Jésus.

Tous les chrétiens savent que Marie a dCi consentir à la Rédemplion, et que Jésus n’est pas mort sans le eonsentement de sa mère. Mais tous ne savent pas au juste où placer ce consentement. Par une pente naturelle de l’esprit, ou aime à se figurer Jésus, avant d’aller à l’œuvre que son Père lui a donnée, faisant ses adieux à sa mère, et lui demandant lilialement la permission de mourir pour le salut du genre humain. Le oui de Marie n’était pas nécessaire à ce moment — car un temps vient où même un lils ordinaire peut agir sans ses parents — mais il l’avait été, Dieu le voulant ainsi, et Marie l’avait dit irrévocablement au niomenl de l’Incarnation. Toule sa vie d’ailleurs, elle continuera de le dire par l’union pai-faite de sa volonté avec celle de Dieu et de son Fils, et elle sera là pour renouveler solennellement son Fiat au pied de la croix. Toute sa vie encore, elle continuera de prêter à l’œuvre rédemptrice son concours maternel : auprès de Jésus d’abord, (fu’elle nourrit, qu’elle élève, qu’elle prépare comme une victime de sacrillce ; auprès des âmes ensuite, qu’elle instruit, qu’elle soutient, dont elle est mère aussi.

Il n’était pas nécessaire que nous revissions Marie auprès de Jésus, ni à Bethléem, ni à Cana, ni au Calvaire. Mais combien il était convenable qu’elle y fût, continuant son œuvre maternelle, inséparable de lui aux grands moments de sa mission terrestre, aux différentes étapes de sa carrière de géant. Dieu le voulut pour nous rappeler la grande réalité que nous essayons de comprendre quelque peu ; il le voulut pour que nous vissions Marie à l’œuvre, renouvelant, continuant, achevant ce qu’elle avait fait à l’Incarnation.

Les peintres et les sculpteurs, qui nous montrent la Mère de douleur tenant en ses bras le corps inanimé de son Fils, ne semblent songer qu’à la douleuimaternelle. On peut y voir autre chose encore. Il y a là, en effet, un symbole aussi grandiose qu’il est louchant : la victime du Calvaire aux bras de Marie, n’est-ce pas la Vierge mère offrant à Dieu l’hostie de réconciliation, n’est-ce pas le prix de notre rançon et le titre à toutes les grâces de Dieu remis en ses mains ?

Et ceci nous amène à une seconde considération très importante. Cette même unité du plan divin, qui nous permet de voir tout le rôle de Marie dans son consentement à l’Incarnation, exige que Marie continue de coopérera notre salut, continue d’intervenir dans toutes les grâces qui coulent sur le monde. Celte intervention toujours actuelle de Marie est souvent indiquée en termes exprès par les Pères. On en peut voir les preuves notamment chez le P. Terrien. Elle est visible dans la tradition catholique. Mais on peut montrer directement qu’elle est déjà contenue, au moins implicitement, dans l’idée générale de la coopération de Marie à l’œuvre rédemptrice, telle que cette coopération nous apparaît dans les documents de la tradition.

Quelle est, en effet, l’idée traditionnelle ? Marie est indissolublement unie à Jésus dans notre rédemption. Mais l’influence de Jésus ne s’arrête pas à sa mort. Nous savons qu’au ciel il ne cesse d’offrir ses mérites pour nous attirer les grâces de sanctilication et de salut. Il faut donc dire la même chose de Marie.