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MARIE — ASSOMPTION

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par exemple à une guérison, à une translation comme celle de la Santa Casa. miracles observables par les moyens naturels, justiciables en dernière analyse de la critique historique et scientilique ; miracles dont l’historicité vaut, ni plus ni moins, ce que valent les documents historiques qui les autorisent, miracles auxquels l’approbation ecclésiastique ne confère qu’un brevet de crédibilité humaine (cf. Encyclique Pascendi, ci-dessus citée, col. 22). U y a plus que cela dans l’Assomption, et, faute de l’avoir compris ou pour ne l’avoir pas assez compris, plusieurs et d’excellents — je cite Tillemont parmi les niorts — font traîner la question sur le terrain purement critique où, actuellement du moins, elle ne progressera guère (cf. Dict. Théol. Catli., la querelle du xvn° siècle, I, col. 2131). En même temps qu’un fait historique, l’Assomption est un fait théologique et doctrinal : on peut dire tout d’abord qu’elle constitue une exception à la loi générale, dogmatique et révélée, qui réserve au jugement dernier la résurrection et la glorification de la chair : elle restreint la portée de cette loi, elle y déroge, elle y porte atteinte. Ensuite, et surtout, elle fait partie de toute cette économie de privilèges, impliqués plus ou moins les uns dans les autres, et que, depuis des siècles, la théologie et l’Eglise dégagent des textes scripturaires ou de la tradition, soit par des expUcitations formelles, soit par de simples conclusions logiques. Que depuis des siècles, au vu et au su de l’Eglise, on ait mis un lien entre l’Assomption et les autres privilèges de Marie, c’est évident.

Donc, théologi(iue et dogmatique à un certain degré, dans sa nature, dans les arguments sur lesquels on l'établit, la question de l’Assomption relève de l’autorité ; c’est à une compétence dogmatique et théologique que ressortit la discussion et la solution du problème (cf. Hurter, t. II, n667 ; Terrien, p.340, 390 ; Renaudin, 1. c., p. 50, 74).

Ceci posé et admis, nous pouvons raisonner comme il suit : l’Eglise ne saurait se tromper lorsqu’elle tient pour vrai un fait d’ordre théologique et doctrinal. Or elle tient l’Assomption pour vraie. Il s’ensuit que l’Eglise dans le cas ne saurait se tromper.

La majeure de ce raisonnement est hors de doute pour tout catholique ; elle constitue une sorte de principe premier (Bainvel, De Hlagislerio i/io, p. 60) ; toute la première partie de ce travail fournit la preuve de la mineure : du viii' au xx « siècle, l’Eglise se persuade de plus en plus du privilège de Marie ; elle en autorise odiciellement la croyance dans la liturgie, la prédication, l’enseignement. Ses docteurs en arrivent sans qu’elle proteste à faire de l’adhésion à ce fait une question de conscience ; — l’Eglise laisse dire, laisse affirmer qu’il y a une liaison, plus ou moins étroite, c’est vrai, mais réelle, entre l’Assomption et la maternité divine, la virginité de Marie ; elle laisse dire même que cette liaison pourrait être essentielle, elle laisse prendre corps à cet instinct qui exige pour Marie le privilège comme un du. Elle est donc solidaire de l’enseignement ordinaire de ses liturgistes, de ses prédicateurs, elle le fait sien, elle y consent et donc en l’approuvant, même par son silence, elle l’authentique et en cela elle ne peut errer.

Donc, en s’inclinant, le fidèle agit raisonnablement : il fait un acte de foi pratique à l’infaillibilité du magistère ordinaire ; il fait acte de bon sens surnaturel ; il reconnaît qu’une vérité unique peut nous venir de deux sources ; et que, l’une se tarissant, il est prudent de puiser à plus limpide et plus abondante.

La critique a pu nous découvrir le pays, nous y engager, nous y préserver de quelques faux pas : elle

a été impuissante à faire beaucoup plus ; peut-être même n’a-t-elle pas sulli à surmonter des obstacles qui, de loin et dans un certain mirage, paraissent formidables. Devant eux, hésite le savant incrédule ; le catholique, fort de sa foi en l’Eglise qui lui tient la main, les franchit à coup sûr et comme en se jouant.

Le catholique, le croyant ne doute pas, ne peut douter de la vérité de l’Assomption ; il la croit parce que c’est la croyance évidente de l’Eglise, de l’Eglise infaillible, c’est entendu ; mais que penser du problème que le dernier demi-siècle vient de poser ? L’Eglise croit-elle à l’Assomption par une simple déduction logique, un instinct divinateur, ou bien cette croyance lui vient-elle d’une révélation divine, fait-elle partie du dépôt révélé, clos à la mort des Apôtres ? En un mot, l’Assomption est-elle destinée à rester objet de croyance ecclésiastique, ou bien pourrait-elle quelque jour être déclarée objet de foi divine ?

Quelle attitude intellectuelle et pratique garder devant cette question ? Aucune décision de l’Eglise n'étant intervenue, la liberté reste entière : il est en soi loisible à chacun, pourvu que par avance sa soumission à l’autorité soit acquise, de croire ou de ne pas croire à la probabilité d’une définition dogmatique, ou même de rejeter provisoirement la définibilité de l’Assomption. Et aux nombreux esprits qui sont persuadés de cette définibilité, la plus complète latitude est laissée sur le choix du mojen le plus propre à assurer ce résultat. Les uns, comme le R. P. Dom Renaudin, estimeront que les Apôtres, témoins de l’Assomption, ont fait, sur l’ordre de Dieu, de cette vérité l’objet de leur prédication, que la parole des Apôtres s’est transmise par tradition orale, jusqu’au moment où elle a pris corps dans des documents écrits ; que seule une tradition divinoapostolique peut expliquer la croyance de l’Eglise, et qu’il suffit au magistère de constater la croyance actuelle pour conclure à cette tradition apostolique et divine. Les autres, s’inspiranl des Pustulata an Vatican, préfèrent, comme le suggérait le P. de la ISnoisB (Etudes, juin 1902, t. XCI. p. 605) et le P. Terrien (t. 11, p. 343), s’efforcer d'établir que « la révélation divine nous donne de la Sainte Vierge une idée qui comprend nécessairement la résurrection anticipée de son corps ». Nous avons vu que, depuis le viii » siècle, les théologiens tirent l’Assomption de la notion même de la Vierge mère : il s’agirait de prouver que ce n’est pas simple conclusion logique, mais explicitation formelle ; qu’il suffit de lever un voile. Les deux écoles arrivent au même but, mais par des ^oies diirérentes ; les uns recherchent jusqu’aux Apôtres la tradition explicite ; les autres montrent l’Assomption contenue implicitement mais formellement dans la totale victoire du groupe rédempteur Jésus et Marie sur le péché et sur la mort (Voir les principes dans Bainvel, De Ma^isterio, p. 60, 61).

Ainsi, liberté intellectuelle sur le fond de la question, liberté intellectuelle sur le mode de travail. Dans la pratique, s’il ne faut pas que l’enthousiasme du but estimé tout proche, l’ardeur de la piété fassent tort à la prudence ou à la charité, il importe peut-être plus encore d'éviter cette mentalité chagrine, étroite, qui semble redouter comme une chaîne tout acte du magistère ; ce pessimisme qui pressent ou croit pressentir on toute définition un obstacle à de futures conversions. On doit avoir confiance aux promesses de Notre-Seigneur, assistant l’Eglise et la guidant non seulement à travers le dédale des opinions, mais dans le choix de l’heure opportune.