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MARIE — ASSOMPTION

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30.4 partir du VII' siècle. — Brusqiienienl, les voiles se iléchirenliau vu" siècle l’on a oit qu’en Orient l’Assomption reçoit un culte liturj^ique explicite et que les prédicateurs parlent avec clarté.

C’est saint Modeste (f 634), dans un discours lyrique, où se mêlent tliéoloyie et souvenirs légendaires (P. G., LXXXVI, 2, 3297-3312 : on remarquera que Giacomelli ne garantit pas son authenticité) ; saint André de Crète qui énonce les convenances du privilège, sa place dans le plan providentiel (P. G., XCVII, io45 à 1 1 10) ; saint Germain (P. G., XGVIII, 340-372) ; saint Damascène (P. G.. XCVI, 699 à -62 et 13C3) ; Joseph l’Hymnooraimik (P. G., CV, yqn.iooi) ; saint Théodore db Stoidion (P. G., IC, 719-780).

En Occident l’adliésion est plus timide et l’attitude jilus flottante. Je ne sælie pas qu’on ait nié le privilège de Marie ou qu’il y ait eu contre lui un mouvement théologiqiie, mais certains n’osent se prononcer. Le vénérable Bède, sans rien dire sur le fond, malmène les histoires qui rapportent le transilus (P. L., XCII, io14 ; il faut remarquer que l’homélie, P. /.., XCIV, 422, 423 n’est pas authenti(iue).

Même note dans l’Itinéraire de saint Willibuld, (cf. Livius. p. 376) ; chez le pseudo - Ildephonse p. /-., XGYI, 23g, 266, 271) ; dans un capilulaire de Charlemagnb (P. /.., XCVII, 533, cf. Sinding, p. 107, note 94). Les martyrologes d’AooN et d’UsuARD préfèrentj ignorer ce qu’il advint du saint corps de Marie, imitant en cela, disent-ils, l’Eglise qui sagement refuse de se compromettre en compagnie d’apocryphes (P. L., GXXIII, 202 ; — CXXIV, 365). Réserve hautaine à la fois et timide, et qui souvent a l’air de s’excuser.

Elle se prétendait autorisée du nom de saint Jérôme. Depuis le milieu du viii* siècle, circulait une lettre qu’on disait écrite par lui à Eustocliium ; et cette lettre — Doni G. Morin la croit d’AMBROisE AuTPBRT (Etudes, textes et découvertes, p. 28) — accentua chez plus d’un esprit et pour longtemps encore les timidités dont nous parlons.

Il faut bien vite le dire, ce document n’impressionnait pas tout le monde. Ou bien on l’ignorait, ou bien on passait outre. Des papes du viii" ou du IX' siècle ont fait représenter l’Assomption corporelle de Marie, sur des tissus destinés à l’ornementation des églises (Dichesne, I.ili. Pont., t. I, p. 500 ; t. II, p. 14, p. 61) ou sur des fresques d'églises (cf. Dict. archéolog., t. I. col. 2986 et 2988). Du temps du pape .Sergius (687-707), l’Eglise romaine chantait l’oraison Veneranda, où très nettement, quoi qu’en dise Launoy, il est question de la glorification de Marie dans son corps (P. /.., LXXVIII, 133).

Au VII' siècle encore, les liturgies gallicanes priaient Dieu de sauver des enfers les âmes des défunts, comme il avait délivré le corps de Marie des étreintes de la mort (P. L., LXXII, 245-246).

De cette époque enfin daterait un sermon très célèbre, attribué longtemps à saint Augustin et qui constitue une véritable somme de l’Assomption (P. /,., XL, 1141).

C’est donc entre le vii « et le ix'= siècle que la liturgie, la théologie, la prédication de l’Assomption se développent d’une manière notable. Si maintenant nous nous demandons sur quels arguments les partisans de la croyance ont édifié leur thèse, nous pouvons arriver aux constatations suivantes. Plusieurs textes scripturaires sont mis à contribution. Tels surtout Cant., 11, 10 ; vi, 3 (saint Damascénb, P. G., XCVI, 716, 736 ou XCVII, II 00) ; Psalm. XV, 10 : XLiv, 10 (cf. P. G., LXXXVI, 2, 3289 ; XCVII, 1096) ; Psalm. cxxxi, 8 (P. G., LXXXVI, 3288 ; XCVI, 723). (Cf. : Nægel, p. 32.) Mais il y aurait, je crois.

erreur à y voir beaucoup plus que de pieuses accommodations, le contexte le montre assez (Terrikn, p. 36 1). Le R. P. Dora Renaudin me semble donc forcer les choses quand il trouve là l'équivalent d’une interprétation doctrinale (Assomption, p. 153,

154).

L’argument traditionnel, si du moins on entend par là une accumulation de textes, est à peu près nul. Saint Modeste s’en plaint (P. G., LXXXVI, 2, 8280), mais — la remarque est de Lucius — tous a ces auteurs considèrent le fait (de l’Assoniption) comme jiartie intégrante de la tradition générale qui remonte dans l’Eglise aux temps les plus anciens » (cité par Vaoandard, p. 112). Ce que ces théologiens, ces prédicateurs développent le plus, c’est l’argument de convenance ; ils indiquent que l’Assomption se déduit des idées que fournit sur Marie la révélation même : c’est un privilège qui va de soi, parce que Marie étant Mère de Dieu, sanctifiée par son contact (on reconnaît les idées de saint Epiphane et de saint Ati ! an..se), il était impossible que son corps restât ! a proie du tombeau (cf. I'. L., LXXll, 245, 246 ; P. G., LXXXVI, 3824, 8287, 8288, 8298 ; /'. G., XCII, 845, 848, 357, 861 ; — P. G., XCVI, 704, 712, 716, 725, 728, 741 ; P. G., XCVII, io56, 1082, 10C8, io84 ; P. G., 10, 720 ; — P. L., XL, lUi ; /'. /-., LXXVIII, 183. LXXII, 245). S. Damascène tire sa croyance d’un parallèle déjà classique entre le Fils et la Mère (P. G., XCVI, 74') ; l’Assomption corporelle est postulée par la sainteté virginale de Marie (saint Gki.main, P. G., LXXVIII, 346, 72g ; saint André de Crète, P. G., XCVII, ioo4 ; saint Damascène (P. C, XCVI, 710, 716, 728, 729) ; saint TnÉODORE (P. G., IC, 721).

On fait valoir enfin la charité réciproque du Fils et de la Mère, leur union dans la vie et l'éternité, la plénitude de leur commune victoire sur l’enfer (saint Damascène, P. G., XCVI, 704. 728 ; saint Andué de Crète, P. G., t. XCVII, 1079 ; Creg. Tur., P. /., LXXI, 708) ; la Providence toute privilégiée à l'égard de Marie (P. G., XCVII, 1080, 1081).

Ainsi, arguments de convenance, argument traditionnel et d’autorité, comparaisons scripturaires, voilà qui relève la question fort au-dessus des historiettes du transitus et des récits populaires. Ces récits, nos auteurs ne les ignorent certes pas, ils s’en servent même ; mais ils n’y voient que des accessoires : leur raison de croire est ailleurs.

4° Depuis le lA' siècle. — Nous pouvons, à dater de cette époque jusque vers le xiii' siècle, distinguer trois courants d’opinions. Quelques sermonnaires se perdent en généralités et ne posent pas la question du privilège. Souvent ce peut être timidité déliante, mais on aurait tort de conclure toujours en ce sens : on s’exposerait à être démenti par un inédit ou par une étude plus approfondie de leur texte. Dans ce groupe mal défini, je mettrais Raban Maur (P. /.., ex, 55, 433, 485), Àlcuin (Mon. Gerni., Poetæ. I, p. 84) ; Walafrid Strabon (P. /.., CXIV, io84), Raoul Ardent (P. /,., CLV, 1421) ; Gkofi-roi d’Ah-MONT (P. /,., CLXXIV, 974), Bruno de Segni (P. /., CLXV, 890 et 839), Eadmhr (P. /.., Ct.IX, 672) ; Comes-TOR dans les sermons imprimés (P. /.., CXCVIII, 1784), dont il faut rapprocher l’inédit, Ilihl. Atil. 14 590 fol. 25' où l’auteur se réserve formellement, .l’ajoute Maurice de Sui.lv (Ms. Mazarine, 991.1, fol. 33), CuRicTiBN de Chartres (Ms. Bihl. Nat., 12.4 13, fol. 120, 122, 124. J’y lis cette phrase : « Ascendit ad Kilium, sed non nisi per Filium >, , où l'écrivain montre bien clairement le rôle de Jésus, et laisse deviner peut-être qu’il s’agit d’assomption corporelle). RoliEBT PuM.us(P. /,., CLXXXVI, 830) n’est pas un adversaire comme l’a dit Launoy ; il ne s’occupe pas de la question (cf. ih., la note de D. Matiioud, col. io61)-