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MARIE — IMMACULÉE CONCEPTION

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intention « de comprendre dans ce décret, relatif au péclié originel, la bienheureuse et immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu ». Bulle Sallicitudo omnium ecclesiaruni, 8 décembre 1661, où Alexandrk Vil expose comme il suit le critalde objet de la fête : « Assurément, elle est ancienne la dévotion dont les lidéles font preuve envers la bienheureuse Vierge Marie, quand ils croient que, dès le premier instant de sa création et de son union au corps, son àme a été par une grâce et un privilège spécial de Dieu, en vue des mérites de Jésus-Christ son fils, rédempteur du genre humain, pleinementpréservéedela tachedu péché originel, et qu’ils célèbrent en ce sens avec beaucoup de solennité la fêle de sa Conception.)> Enfin, extension et imposilion de la fête à l’Eglise universelle par Clkmknt XI en i^oS, constitution Commissi nohis. Acte décisif, dans l’ordre prutiijue. Les Bernard et les Thomas d’Aijuin avaient objecté : On ne doit fêter que ce qui est saint : l’argument se retournait en faveur de la conception de Marie.

Un siècle et demi devait encore s’écouler jusqu’au couronnement de l’œuvre par la définition solennelle du 8 décembre 1854. Ce fut le terme légilime du long travail d’élaboration théologique qui s’accomplissait dans l’Eglise depuis des siècles et qui devint plus intense à l’approche de la décision ; travail qu’il nous a été impossible de suivre en détail, mais dont la bulle Ineffahilis a consacré les résultats en les utilisant,

BiBLioGHAPHiE. — Fv. GuUelmi Guarrae, Fr. Joannis Duns Scoli, Fr. Pétri Aureoli Quæsiiones dispuiatae de Immaculata Cnnceptione lieatæ Muriæ Viroinis. Quaracclii, 1904 ; F.Cavallera, Guillaume Ware et l’Immaculée Conception, deux articles dans//er « e /) «  « *." « co/, igii, p. 133, 151 ; A. R. Pasqual, Vindiciae /.n///flHrte. 1. 1, p. 433, Avignon, 1778 ; S. Bové, préface du f.iber de Immaculata beatissimæ Viri ; inis Conceptione, attribué à Raymond LuU et réimprimé dans Biblioteca de la Ret’isia f.i’Ilinna. Barcelone, 1901 sq. ; X.LeBachelet, Saint Tliomasd’Aquin, Duns Scot et l’Immaculée Conception, déjà cité ; Prosper de Marligné, La scolasiique l’t les traditions franciscaines, c. V ; P. Pauwels, O. F. M., Les franciscains et l’Immaculée Concejition, Malines, igo^ ; Cand. Mariotti dei Minori, L’/mmacotata Concezione di Maria ed i Franriscuni, Quaracchi, 1904.

Bourassé, llullarium Murianum, etc., dans Summa aurea de laudibns B. M. Virginis, t. VII ; P. Doncoeur, /.es premières iiilcrt’entions du Saint-Siège relatiies a l’Immaculée Conception (xiixiv " siècles), extrait de la Revue d’histoire ecclésiastique, VIII, n. 2-4 ; IX, n. 2, Louvain, 1908 ; Mgr Péohenard, 1^’Immaculée Conception et l’ancienne Université de Paris, dans lievue du clergé français, igoS, t. XLI, p. 226, 383 ; A. Krôss, S. J.. Die I.elire von der Untipfleckten Empfangnis auf dem h’onzil von Trient, dans /.eitschrift fur kaiholische Théologie, t. XXVIIl, p. ^58, Inspruck, 1904.

Sur l’histoire de la croyance et de la fête : Th. Strozzi, S. J., Controversia délia Concezione délia B. V. Maria, 2’éd., PaIerme, 1708 ; B. Plazza, .S. i., Causa Immaculalæ Conceptionis Sanctissimae Matris Dei Mariæ Dominæ nostrae, Palerme 1747 et Cologne 1761 ; M. A. Gravois, O. F. M., De ortu et progressa cultus et festi Immaculati Conceptus beatæ Dei Genilricis V. M., 2" éd., Lucques 176^ (réimpr. dans Su/nma aurea, VIII, 289). En outre, on trouvera des matériaux énormes, mais de valeur inégale, dans les nond)reux ouvrages de Pierre de Alva : Armamentum Seraphicum, Madrid 1648 ; lUbliotheca Virginalis, 1O49.’Sol veritatis. 1660 ; Uadii Solis veritatis ; Militia universulis, Louvain,

1663, etc., et surtout dans les recueils publiés par ce Père dans cette dernière ville et contenant des traités ou sermons d’anciens auteurs sous le titre général de Monumenta immaculatæ conce/jtionis : antiqua… ex variis authoribus, 2vol., iGG4 ; antiqua… ex novem authoribus, 1664 ; antiqua seraphica, i&&b ; doniinicana, 1666 ; italo-gatlica, 1666.

III" PARTIR. Synthèse des preuves.

La bulle Ineffabilis Dtus ne représente pas, dans son fonds, une élucubi-atioii personnelle. A la suite des travaux de la Commission préparatoire, un résumé fut fait des arguments dont le rédacteur devrait s’inspirer : « Silloge degli argomenii da servire ali estensore délia Bolla ». Sardi, op. ci/., t. ii, p. 46. Trois chefs de preuves étaient spéciliés : la convenance, l’Ecriture sainte et la Tradition. Les trois arguments, inégalement développés, se retrouvent dans la bulle ; ils forment les assises du dogme délini.

I. Convenance. — Cet argument se rattache au litre incomparable de Mère de Dieu et au rôle unique qui en résulte pour Marie dans l’œuvre de la rédemption. Aussi Pie IX commence-t-il par rappeler, comme raison dernière des insignes privilèges accordés à Ik bienheureuse Vierge, l’union étroite qui existe, dans le plan divin, entre le Verbe incarné et sa Mère bénie. De toute éternité. Dieu décrète le rachat du genre humain par son Fils unique, et il lui choisit une mère, aimée d’un amour de prédilection ; de là ces incomparablesprivilèges de grâce, en particulier la parfaite exemption du péché et la pleine victoire sur l’antique serpent ; c’était de toute convenance, et quidem decehat omnino.

Que cet argument ait des racines profondes dans l’ancienne Tradition, toute l’étude qui précède le démontre ; nous l’avons rencontré chez les Pères grecs, plus lard en Occident chez ceux qui, les premiers, iléfendirentexpressément le privilège mariai, Eadmer el autres théologiens du xii’siècle. Les grands orateurs chrétiens en ont tiré, comme on le sait, un parti magnifique ; Bossuet, par exemple, dans ses sermons pour la veille et pour la fête de la Conception : « Je dis que les malédictions si universelles, que toutes ces propositions, si générales qu’elles puissent être, n’empêchent pas les réserves que peut faire le Souverain, ni les coups d’autorité absolue. Et quand est-ce, ô grand Dieu, que vous userez plus à propos de cette puissance qui n’a point de bornes et qui est sa loi à elle-même ; quand est ce que vous en userez, sinon pour faire grâce à Marie ? — Si tout est singulier en Marie, qui pourra croire qu’il n’y ait rien eu de surnaturel en la conception de cette Princesse, et que ce soit le seul endroit de sa vie qui ne soit marqué par aucun miracle ? Et n’ai-je pas beaucoup de raison, après l’exemple de tant de lois dont elle a été dispensée, de juger de celle-ci par les autres ? » DF.uvres oratoires, éd. Lebarcq, t. I, p. 233 ; t. ii, p. 246.

Sous sa forme complète, l’argument de convenance aboutit à l’affirmation du privilège : Potuit, decuit, ergo fecit. ()ne rapport entre les prémisses et la conclusion " ?Une explication le fera comprendre. Quand il s’agit des œuvres divines, deux sortes de convenance sont à distinguer. Il peut être question de la simple convenance qui s’attache à tout ce que Dieu opère ell’ectivement, convenientia rci fnclne, car Dieu ne peut rien faire d’inconvenant ; mais cette simple convenance n’em|)orte jias, de soi. l’inconvenance positive de l’effet contraire, deux choses également faisables par Dieu pouvant avoir la raison de moyens suflisants pour la fin qu’il se propose : aussi cette première sorte de convenance n’engage Dieu à rien