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MARIE. — IMMACULÉE CONCEPTION

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adiectis ijiiibiifdtim documenlis coiietiiiieis, Fribourg-en-Brisynii, i(jo4 ; E. Yacandaicl, Les origines de la fête et du dogme de l’/mnuiculée Conception, loc. cit. ; Kellner, lleortologie, lac. cil.

3. La controverse enFranceau.Ml’siècle. — Dans sa lettre à l’abbé Anselme. Osbeil de Claie affirmait (lue, sur le continent, des évoques et des abbés célébraient aussi la i’ête de la Conception. Cette circonstance allait donner lieu à une nouvelle controverse, d’une portée plus grande. Saint Bernard, abbé de Clairvaux de 1115 à 1 1 5. ?, connaissait le fait signalé par le moine anglais ; il s’en préoccupait, mais s’était abstenu jusqu’alors d’intervenir, « eu égard à la dévotion de ceux qui agissaient ainsi par simplicité de cœur et par amour de la Vierge ». Sur ces entrel’aites, il apprit que la Icle avait fait son apparition dans l’église primatiale de Lyon ; il crut devoir protester dans une lettre aux chanoines de Saint-Jean, Episl. cLxxiv, P. L., CLXXXII, 332, écrite au plus tard en ii^o, au plus tôt vers 1128-1130 (date préférée par M. Vacandard). La fête est dénoncée par lui comme

« un rite étranger à l’Eglise, manquant tout à la fois

de fondement rationnel et d’appui dans la tradition ».

L’argumentation présentée du point de vue rationnel est particulièrement importante. Elle revient à ceci : Marie a été sanctifiée ou avant la conception, ou au moment même de la conception, ou seulement après la conception. La première liypotlièse est inadmissible : Marie n’a pas pu être sanctilice avant d’exister, et elle n’existait pas avant d’avoir été conçue. La seconde hypothèse est également inadmissible : Marie n’a pas été conçue du Saint-Esprit, comme le Sauveur ; elle a été conçue, comme les autres hommes, d’un père et d’une mère par voie de génération soumise à la loi de la concupiscence ou loi du péché. II Gomment y aurait-il sainteté sans l’Esjirit de sanctification ? ou bien comment y aurait-il société entre l’Esprit saint et le péché ? ou du moins, comment n’y aurait-il pas eu péché là où il y a eu

concupiscence

Reste la troisième hypothèse

Marie sanctifiée après sa conception, mais avant sa naissance.

Omettons les efforts infructueux qui out été faits, soit pour nier l’authenticité de cette lettre, soit pour l’interpréter de manière à ne pas voir dans l’abbé de Clairvaiix un adversaire de la pieuse croyance. La seule argumentation qui vient d’être rapportée sulfit à montrer que le docteur cistercien s’attaque à la doctrine en même temps qu’à la fête. Il n’a pas fait, il est vrai, du moins formellement, la distinction fondamentale entre l’acte générateur (conception nc(iie) et le terme de cet acte (conception passire), ni la distinction classique entre la conception passive imparfaite ou parfaite (conceptio cnrnis, conceptio prolis) ; mais les arguments dont il se sert sont tels qu’ils vont au rejet de la sainteté dans la conception l)assive, soit imparfaite soit parfaite, aussi bien que dans la conception active. Il raisonne évidemment sous l’inlluence de la théorie augustinienne, qui considère toute génération sexuelle comme souillée, dans l’ordre actuel, par la concupiscence et (]ui rattache à cette circonstance la transmission du péohé originel. Cette théorie, Bernard l’applique rigoureusement à la conception de la Vierge, en sorte que pour elle, comme pour les autres descendants d’Adam, il y a connexion inéluctable entre la conception aclive soumise à la loi de la concupiscence et la conception passive dans le péché.

L’autorité de saint Bernard était trop grande, pour que son intervention restât sans effet. La controverse amorcée continua, comme le prouve, entre autres

faits, la passe d’armes qui eut lieu vers 1180 entre PrBRRE DE Celles, alors abbé de Saint-Rémi de Reims, et Nicolas, moine de Saint-Alban, celui-ci soutenant la fcle et l’autre maintenant les positions de l’abbé de Glairvaux, P. t., GCII, G13-632. Il en résulta, pour la fête, ralentissement, parlois même suppression, comme à Paris sous l’èpiscopat de Maurice de Sully (iiôo-i i sept. iigo). Toutefois il ne semble pas que l’essor ait été notablement entravé. Atton, prieur de Saint-Pierre de la Réole au diocèse de Bazas, décrétant en 1154 l’institution de la fête, observe « que le peuple chrétien la célèbre maintenant en France presque universellement et avec la plus grande dévotion ». MAnxiiNE, l>e antiquis monachoruin ritihns, 1. IV, c. ii, n. l6. Témoignage en partie confirmé, sur la fin du siècle, par la glose d’un canoniste, HoGuss de Pire, De consecrat., dist. III, c. I. Pronunluindum : à piopos du mot A’alivitas, il remarque qu’il n’est pas fait mention de la fête de la Conception, parce qu’on ne doit pas la célébrer ; ce qui ne l’cmpèche pas d’ajouter que l’usage contraire existe en beaucoup de régions, sicut in iiiultis regioniijus /it, surtout en Angleterre.

La croyance au privilège mariai donne lieu aux mêmes discussions que la fête. Parmi les auteurs de cette époque qui touchent assez nettement le problème pour qu’on puisse juger de leur sentiment, les uns admettent avec saint Bernard une sanctification postérieure à la conception ; par exemple, Nicolas de Claihvaux, In Nativil. S. Joannis Baptistæ (aXXvibué à saint Pierre Damien), P. /,., CXLIV, 628 ; Pseudo-Bernard, Serm. iv in Salve liegina, 3, P. L. CLXXXIV, 10^5 ; Garmeh de Langres, Sernt. iii, de Purificatione, P. L., CCV, 649 ; Pierre du Poitiers, Sent. IV, ), P. L., CCl, 1 165 ; Innocent HI, Serm. xii, fn solemnitate Purificationis, P. L., CCXVII, 607. D’autres affirment que Marie fut sanctifiéedanslesein de sa mère, mais sans mettre d’opposition entre la conception et la sanctilication ; par exemple, Gui-BERT DE Nogent, De lande S. Muriue, c. v, P. /,., CLVI, 550 ; per sanctum qui ci ex utero coaluit Spiritum ; Gilbert Foliot, In Cantica Cant., i, i], P. f.., CCII, lioi : « i utero sanctificata. D’autres proclament sans restriction l’absolue sainteté de la Vierge ; par exemple, Hermann de Tournai, Tractatus de Incarnatione, c. viii, P. L., CLXXX, 31 ; semper eam in omni sanctitate et munditia servavit. D’autres enfin soutiennent expressément l’immaculée conception ; par exemple, le vénérable Hervé du Mans, moine de Déols ou Bourg-Dieu, In epist. Il ad Corinth., c. v, P. L., CLXXXI, loli’i : nemine prorsus exerapto, dempta matre Dei.

Parmi les témoignages favorables, certains ont une portée spéciale, parce qu’ils touchent la question ex professa et constituent une réponse à la lettre de saint Bernard. Tels sont trois écrits que le franciscain Pedro de Alva y Astohga nous a conservés dans ses Monumenta aniiqua. Le premier est un traité d’ABÉLARD, de Conceplione beatæ et gloriosæ Virginis Marine ; pour l’aulhenticité sérieusement probable de cet écrit, voir A. Noyon, Notes bibliographiques, § 3. Le second est un sermon De Immaculata Conceptione Virgin is Mariæ matris Dei, mis sous le nom de Pierre Comkstor, chanoine de Troyes (T 79’?) ; d’autres l’attribuent à Richard de Saint-Victor (~ 1173). Le troisième est un autre sermon de Conceptione beatissimæ Virginis Mariae, dont l’auteur est Pierre Cantor, docteur et chanoine de Paris, mort en 1 197 au monastère cistercien de Longpont. Les trois apologistes en sont à peu près au même point qu’Eadmer ; ils affirment le privilège mariai pour sa haute convenance ; Cantor, en particulier, le rattache très justement au plan divin de la