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MARIE. — IMMACULEE CONCEPTION

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sens : « Cælestiuiu charisraatuiu inspiralor terreiiarumque mentiuni reparator, qui beatani Dei geni-Iriceiu, angelico concipiendam pi-aeconavit oraculo, vos benedictionum suarum uberlale dignetur locupletare et vii-lutura lloribus dignanter decorare. Amen… Serapilerna (ni) a Deo benedictionem vobis béate Marie virginis pia deposcat supplicatio, quani concipiendam Oranipotens, ex qua eius conciperetur Unigenitus, angelico declaravit preconio, quam et vobis jugiter sulfragari benigno.ut est benignissima, sentiatis auxilio. Amen. » Eniin, le Missel de Léof rie, donné par cet évêque à la catliédrale d’Exeter, contient, pour la fête de la Conception, trois oraisons, dont voici la première, plus expressive : « Deus qui beatæ mariæ uirginis conceptionem angelico uaticinio parentibus predixisti, presta buic presenli familiæ tuæ eius presidiis muniri, cuius conceptionis sacra solemnia congrua frequentatione ueneralur. » Finale dont on peut rapprocher, dans la troisième oraison, Ad complendiim, cette incise : K cuius uenerandara colimus conceptionem. »

L’ensemble de ces documents ne laisse aucun doute sur l’existence de la fête en Angleterre dans la première moitié duxie siècle. Mais sous quelle influence fit-elle son apparition ? Diverses conjectures ont été proposées. La fête aurait passe d’Irlande en Angleterre (Thurston). Elle y aurait été introduire par Théodore de Tarse, qui vint en Angleterre comme primat de Cantorbèrj’(669-690) en compagnie du moine Adrien, ancien abbé d’un monastère napolitain (LEsf : TRE, L’Immaculée Conception et l’Eglise de Paris, p. 16) ; conjectuie conUrmée par la présence, dans les anciens livres liturgiques anglo-saxons, de prières ayant une saveur orientale prononcée et même de mots grecs transcrits en lettres vulgaires (JcGiB, Origines de la fête, etc., p. 532 ; cf. Thurston, The english Feast of our Lady’s Conception, p. 465). Les moines bénédictins de Winchester auraient d’eux-mêmes établi la fête dans leur monastère, d’où elle se serait répandue ; ou ils l’auraient empruntée à l’église deNaples : deux hypothèses émises successivement par Edm. Bishop, art. cité, la première en 1886, la seconde en 190/1, dans la préface de la réimpression. Quoiqu’il en soit de la valeur respective de ces diverses conjectures, la célébration de la fête en décembre semble indiquer, d’une façon générale, une influence grecque ; de même, dans les formules de bénédiction et la collecte du Missel de Léofric, les allusions au récit du Protévangile de Jacques, vulgarisé en Occident par ses remaniements latins, V Evangile de Pseudo-Matthieu et VEvangile de la ^’ativité de Marie.

Quelle était l’objet de la fête, soit irlandaise, soit anglo-saxonne ? Question plus importante, mais obscure. Le simple titre de Conception de Marie, commun aux documents des deux séries, ne nous donne aucun renseignement précis ; il nous indique seulement que l’hommage des moines irlandais et anglo-saxons allait droit à la conception passive ; ce dont témoigne particulièrement le Missel de Léofric, dans la troisième oraison : « Heatæ Mariæ semper virginis, cuius venerandam colimus conceptionem. » Si les formules de bénédiction, dans les Pontilicaux d’E.xeter et de Canlorbéry, insistent sur le message angélique, la prédiction du nom de Marie et sa sanctification ou consécration à Dieu avant sa venue à l’existence, rien de tout cela ne prouve que la conception de la Vierge n’ait paru vénérable qu’en raison de ces circonstances extérieures et accidentelles. Le fait « jue, dans les calendriers de la même époque, on rencontre la Conception de saint Jean-Baptiste mentionnée, comme celle de Notre-Dame, donne lieu à la question déjà touchée à propos de la fête byzan tine : faut-il assimiler complètement l’objet des deux fêles, et, de ce que, dans la première, la croyance n’allait pas, d’ordinaire, au-delà d’une conception miraculeuse, s’ensuit-il qu’il en était de même pour la seconde ? Les remarques faites col. a40, gardent ici leur valeur ; mais, à s’en tenir aux seuls documents, les données sont trop maigres pour légitimer une réponse ferme.

Conclusion. — A partir du ix’ou du x » siècle jusqu’au milieu du xi « , la fête de la Conception apparaît en Occident, mais dans des cercles restreints, sans relation apparente au magistère ecclésiastique, et sous des conditions qui ne permettent pas d’aflirmer une connexion certaine entre la célébration delà fête et la croyance formelle au privilège mariai. Que, néanmoins, le problème fût posé dès lors ou qu’il dût, logiquement, se poser bientôt, la suite nous en convaincra.

Bibliographie. — Passaglia, op. cit., P. III, sect. vii, c. I, a. a ; Edm. Bishop, Origins of llie feast of the Conception of the Blessed Virgin Mary, dans The Downside / ?ei/eii’, Shepton Mallet, 1886, t. V, p. 107 ; réimpression en tiré à part, avec note préliminaire, Londres, 1904 ; H. Thurston, S. J., The English Feast of our Ladr’s Conception, dans The Month, Londres, 1891, t. LXXIII, p. lh’) ; le même, The Irish Origins of our Ladys Conception Feast. Iliid., 1904, t. ciii, p. 449 ; cf. (levue du Clergifrançais, Paris, 1904, t. XXXIV, p. 255 ; F. G. Holweck, Fasli Mariant, p. 288 s., Fribourg-en-Brisgau, 1892 ; X.-M. Le Bachelet, op. cit., II. L’Occident, c. I, § 2 ; c. ii, § i ; A. Noyon, S. J., Les Origines de la fête de la Conception en Occident (x, xi « et xii’siècles), dans Etudes, Paris, 1904, t. C, p.’jCS ; M. Jugie, Origines de la fête de l’Immaculée Conception en Occident, dans lie^ue Augustinienne, Paris, 1908, t. XIII, p. 629 ; E. Vacandard. Les origines de la fête et du dogme de l’Immaculée Conception, [, dans Revue du Clergé français, 1910, t. LXII, p. 15s. ; K. A. H. Ivellner, ILeortolugie, § 28, p. 186 s., 3° éd. Fribourg-en-Brisgau, 1911.

B. La croyance en Occident depuis le milieu du .17’siècle. — Cette période est caractérisée par la grande controverse qui commence au xu* siècle ; à cette occasion le problème, d’abord mal présenté ou mal résolu et compliqué de questions accessoires. Unit par se poser dans toute sa netteté. Les objections sérieuses sont poussées à fond et résolues ; cela fait, la vérité se dégage et le triomphe de la pieuse croyance devient peu à peu complet et délinitif.

[.Préludes delà controyerse. — Au début de cette période, jouant le rôle de précurseur et d’initiateur, apparaît saint Anselme, arehevê(iue de Canlorbéry de iog3 à 1 109. Défenseurs et adversaires de l’Immaculée Conception ont l’ait appel à son témoignage. En réalité, il n’a pas traité directement le problème dans ses œuvres authentiques ; il ne le louche qu’incidemment, Cur Deus homo, 1. ii, c. xvi, P. /-..CLVIII,

j 416. Voulant expliquer l’absolue pureté du Sauveur, il se fait poser cette objection par Boson son disciple :

« Si la conception du Christ comme homme fut

pure et exempte du péché qui s’attache à la délectation charnelle, la Vierge elle-même, à laquelle il doit son origine, a été conçue dans l’iniquilé, sa mère l’a conçue tlans le péché et elle est née avec le péché originel, puisqu’elle a péché, elle aussi, en Adam en qui tous ont péché. » Anselme laisse passer l’assertion sans la relever. Kaul-il en conclure que,

i personnellement, il l’admet ? Beaucoup le pensent,