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MARIE. — IMMACULEE CONCEPTION

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Parfois même, l’épilbète de sainte tombe sur la bienlieiireuse Vierge, envisagée non pas d’une façon générale et indéterminée, mais d’une façon spéciale et précise, comme ce petit enfant que sa mère conçoit : « Anne stérile et affaiblie déjà par l’âge, mais persévérant avec constance dans la prière, vous conçoit dans sa vieillesse, ô trône du Saint, comme lin petit enfant saint : rj// « /*Càv£i… Try.iôiw ^i i’-/i «. » Canon. Tv, Ode 7, ibid., p. 72. Et d’Anne il est dit :

« Dieu a exaucé voire prière ; vous enfanterez un

petit enfant saint et immaculé, xy.i tesei ; av jETtriv n^dSi’^v ci.fi.wiJ.oj. » Condacia, î. lhid., p. 156.

La liturgie grecque proprement dite n’est pas seule à nous présenter Marie comme sainte dès le début de sa vie. Dans l’oflice très ancien de la Nativité de la sainte Vierge, l’Eglisesyriaquecbante : « La prière de JoacUim s’envola doucement vers le ciel, et Anne conçut aussitôt Marie dans l’innocence. » J. HoBKiKA, Témoignages de l’Eglise srro-maronile, p. 27 ; comparer le témoignage du P. Joseph Bksson, missionnaire en Syrie au xvii" siècle, dans Civiltà Cattolica, 1872, série IX, t. XII, p. 513. L’Eglise arménienne, dans le même office, adresse à Notre-Seigneur ce chant de reconnaissance. « O vous qui avez été engendré par le Père avant tous les siècles, vous nous avez donné en ce jour votre Mère temporelle, pure dès le sein de sa tnère, en vue de votre incarnation merveilleuse. » Citation du P. Besson. /hid. Paroles dont on peut rapprocher ce passage de l’écrit apocryphe Œ transita Mariae, d’après le texte syriaque : « La bienheureuse Vierge fut sainte et choisie de Dieu dès qu’elle fut dans le sein de sa mère ; et elle naquit de sa mère glorieusement et saintement ; et elle se garda pure de toute mauvaise pensée, pour qu’elle pût recevoir le Messie son Seigneur qui vint en elle. » W. Wright, The Departure of my Lddy Mary from tliis isorld, dans The Journal of sacred literature and Itililical record, avril 1865, p. 130.

D’après ce dernier texte, la sainteté nous apparaît comme s’attachanl à la personne de Marie, non seulement quand elle nait, mais antérieurement dès qu’elle fut dans le sein de sa mère ; en d’autres termes, la sainteté s’allache à sa personne aussi bien dans sa conception que dans sa naissance. C’est la même idée que Passaglia met en relief pour l’Eglise grecque, en rapprochant, n. 1681, les expressions employées dens les Menées, au 8 septembre (fêle de la Nativité) et dans VAnthologion, au 9 décembre (fête de la Conception). La raison du l’ait est très simple et très instructive à la fois : l’Eglise grecque ancienne ne considère pas Marie d’une façon différente en ces deux moments de son existence : la naissance au sein de sa mère et la naissance au monde extérieur, parce qu’à ces deux moments elle voit en Marie la Âlère de Dieu, la UUe de Dieu, la nouvelle Eve, les prémices de notre relèvement ; elle la voit préparée dès lors à sa mission future, non par une pure dénomination extrinsèque ou simple destination, mais par une consécration intérieure q>ii conslitue comme les arrhes de notre future rédemption et qui fait de la conception et de la naissance de Marie une conception et une naissance hors pair, a C’est maintenant que la porte inaccessible se commence, maintenant que la cité toute lumineuse s’élève en brillant ; en ce jour l’ange annonce aux justes celle qui, par un privilège unique, est de tout point sans tache… Les oracles des prophètes s’accomplissent : la sainte montagne s’établit dans les entrailles d’Anne, l’échelle divine se dresse, le trône du grand Roi se prépare, la demeure divine s’orne, le buisson ardent commence à germer, et le vase de sanctification se met à sourdre… En ce

jour est clairement annoncée la pourpre du Christ, cette immaculée tissue par la grâce dans un sein stérile. » Menées, 8 et g déc, Venise, 18g5, p. 53, 58, 60. « En ce jour, la nature humaine reçoit en votre conception, o Vierge, comme un commencement de fertilité par rapport à Dieu. » Canon v, Ode /), dans Toscani, op. cit., p. 85. « Nous admirons en vous, ô Mère de Dieu surglorieuse, une création prodigieuse ; votre conception est extraordinaire, votre origine sort des lois communes. » Menées, 9 déc, p. 65.

D’ailleurs, si la conception de Marie sort du commun, ce n’est pas là dans sa vie une exception ; c’est l’application particulière d’une règle générale : « O Vierge exempte de toute tache, extraordinaire est votre conception, extraordinaire votre naissance, extraordinaire votre entrée et votre vie au temple ; extraordinaire, admirable, au-dessus de nos paroles el de nos pensées, est tout ce qui vous concerne. Il S. Joseph t’IIvMNOGBArHK, Canon ii, In pervigilio ingressus in templum SS. Deiparae, Ode 5, P. G., CV, 994.

Les discours composés pour la fête de la Conception confirment les conclusions que nous avons tirées des écrits liturgiques. « Si l’on célèbre à bon droit les dédicaces des églises, dit Jf.an d’Eubée, avec combien plus de zèle et de ferveur ne convient-il jjas de célébrer cette solennité ! Car on n’y pose i)oint des fondements de pierre matérielle, on n’élève point à Dieu un temple bâti de la main des hommes ; mais il s’agit de la conception de Marie, la sainte Mère de Dieu, en laquelle, par le bon plaisir de Dieu le Père et la coopération de l’Esprit très saint et vivifiant, Jésus-Christ Fils de Dieu, la pierre angulaire, se bàlit à lui-même une demeure. » Sermo in Conceptionem Deiparae, 21, /’. G., XCVI, i/igS. Personnifiant la nature humaine, Pierre d’Argos nous la montre qui tressaille d’allégresse en voyant dans la conception de Marie les gages de la réconciliation el les prémices du retour à l’état primitif ; En ce jour, lui fait-il dire ensuite, une rose poussant dans le sein d’Anne, je veux dire Marie, fait évanouir l’infection que j’avais contractée avec la corruption du péché ; en me pénétrant de sa bonne odeur, elle me fait participer à sa joie céleste. » Oral, in Conceptionem S. Annae, 1, 10, I’. G., CIV, 13yi, 1360. Dans les quatre discours de Georges DE Nicomkdie sur la Conception, on trouvera sans doute le panégyrique de sainte Anne, mais encore plus celui de la Vierge Marie,

« fruit très saint de parents saints » ; on y entendra

chanter la construction du tabernacle divin, la pourpre royale tissue en ce jour, les prémices du salut et les arrhes données à notre nature déchue dans la personne de cette fiancée divine, dès maintenant choisie et parée par son céleste Epoux.

Mais l’existence en Orient de la fête de la Conception de saint Jean-Baptiste n’enlève-t-elle pas toute valeur aux considérations qui précèdent ? — L’objection vaut contre ceux qui prétendraient déterminer l’objet des deux fêtes uniquement d’après le titre olUciel qu’elles portent dans la liturgie grecque, ou même d’après telles et telles épithètes appliquées communément à l’une et à l’autre conception ; on peut, en effet, supposer pour la bienheureuse Vierge et pour le Précurseur une conception fêtée comme miraculeuse et comme sainte, au sens large et moral du mot. Mais cette supposition est, dans le cas présent, inadmissible. Si l’on consulte, comme on doit le faire. l’olTîce de la Conception de sainte Anne ou de Notre-Dame et les discours qui se rattachent à cette fête, on constate qu’à l’idée de conception miraculeuse s’ajoute une autre idée, plus importante et plus féconde, celle de conception propre à la Mère de