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MARIE. - IMMACULEE CONCEPTION

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Aussi, quel prodige de sainteté et de grandeur, que Marie, telle qu’elle nous est dépeinte dans le commentaire oratoire de la salutation angélique ! c Vous avez orné la nature humaine, surpassé les

l' ordres des anges, obscurci l'éclat des archanges…, vous avez laissé bien loin derrière vous toute créature ; car, plus que toute autre créature, vous avez brillé de pureté, et cela parce que vous avez reçu, porté dans votre sein et engendré le Créateur de toutes les créatures…./eiou*- salue, pleine de gnice : te Seigneur esl afec io » s. Que peut-il donc y avoir, o Vierge Mère, que peut-il y avoir de supérieur à

I cette grâce qu'à vous seule Dieu a accordée ? Quelle

î grâce, quelle splendeur est au-dessus de la vôtre ? Il n’est rien de plus merveilleux que la merveille que vous êtes ; aucun, parmi les meilleurs, qui, par rapporta vous, ne soit au second rang… Vous êtes bénie entre toutes les femmes, car vous avez changé la malédiction d’Eve en bénédiction… J’e criignez rien, n Marie ; car vous avez trouvé auprès de Dieu

1 une grâce inamissible, une grâce excellente entre toutes, une grâce souverainement enviable, une grâce de toutes la plus splendide… Beaucoup de saints ont paru en vous, mais aucun n’a été rempli de grâce comme vous ; aucun n’a été béatifié comme ous ; aucun n’a été exalté comme vous. > Urat., ii, 18, ig, 22, 25, col. 3238 s., 32/|2, 32/46 s.

Mais cette grâce-là, dira-t-on, c’est, d’après Sophrone lui-même, celle de la maternité divine. Oui, si vous considérez cette grâce dans son terme ; mais

! > terme suppose, dans la pensée et la doctrine du

saint docteur, une préparation préalable et proportionnée : « L’Esprit-Saint descendra sur vous l’Immaculée, ijil oi, T>, v àfii’ju-jTO-j, pour vous rendre plus pure etvous donner la vertu fécondante. » /Ijid., 43, col. 3273. Ainsi, purification relative, par accroissement d’une pureté positive déjà existante, et pour rendre la bienheureuse Vierge vraiment digne des merveilles qui allaient s’accomplir en elle, in rotcùri^yj -jyiîj iJi-fv-'itiat ^^(WTKu Jbid., 2^, col. 32/15. Ce n’est I)as seulement un sein éclatant de chasteté » <[u’elle peut offrir alors au Dieu s’incarnant ; c’est tout à la fois « un corps, une âme et un esprit libres (le toute contagion, r.xi 7r « vT « ; ihjSspy.i /l’AO^y-xToi roù tï

y/rv cô/^Ky. /.v.i Ijyr.-jy.v.i àt’J.J^iy.J. « K pist. STUod., COl.3l60.

Cette nouvelle Eve, Sophrone la met en parallèle avec l’ancienne, considérée non pas simplement comme vierge dans le mariage, mais comme « encore innocente et toute simple, 'J-nw, p', -^ cùjav xxl y-nlx^ro-j. » Ora !., II, 33, col. 3261. Aussi, après avoir dit, loi. 3a48 : « Aucun n’a été rempli de grâce comme vous, etc. », l’orateur ajoutait-il : « Aucun n’a été purifié à l’avance comme vous, oiiSsii y.a.rk li

T.OTA'.y.y.Bv-pTVi. »

Quel est le sens exact du mot np’j/t/y.dy.prt/.i ? Dé signe-t-il simplement la purification préalable qui

eut lieu au moment de l’Annonciation, en vue de

l’enfantement virginal qui allait s’accomplir ; ou

bien désigne-t-il la sanctification initiale de Marie,

opérée au premier instant de son existence et dis I tlnguée de la purification vulgaire en ce que, faite

'< comme par anticipation, elle suppose une réelle

; préservation de toute tache ou souillure du péché 7

Que le second sens réponde mieux au mouvement

de la pensée, d’après l’ensemble de tout le passage,

i Ballerini le montre dans une note reproduite par

1 Migne, loc. cil. Saint Sophrone peut donc être con , sidéré comme un témoin probable de la croyance au

I privilège mariai, sous une forme dogmatiquement

] équivalente.

Au siècle suivant, saint ANnnii de Crète (-[- 7/I0) marque un nouveau progrès. Né à Damas, il se rattache à l'église de Jérusalem par la formation qu’il y

Tome m.

reçut, pendant les premières années de sa jeunesse, au couvent du Saint-Sépulcre. En dehors de ses œuvres liturgiques, dont il sera question plus loin, il nous i)résente huit homélies sur la sainte Vierge, quatre sur la Nativité, une sur l’Annonciation et trois pour la fête de la Dorinition. Comme Sophrone. et plus strictement encore, il unit dans sa pensée le double rapport, de la nouvelle Eve au nouvel Adam, et de la Mère au Fils. Le conseil divin de racheter le monde par le Verbe fait homme appelle le concours d’une vierge pure et sans tache, comme jadis il fallut, pour la formation du premier Adam, l’argile d’une terre vierge et intacte. Orat., i, In Aatii-itatem Dei^>arae, P. G., XGVII, 813 s. La pureté <lont il s’agit n est pas la simple virginité du corps ; c’est aussi celle de l'âme, la pureté dans toute l’acception du mot et s'étendant dès le début à toute la personne de Marie, en sorte qu’au jour même de sa naissance, elle puisse être présentée à Dieu « comme les prémices de notre nature (restaurée)… Les hontes du péché avaient obscurci la splendeur et les charmes de la nature humaine ; mais lorsque nait la Mère de celui qui est le Beau par excellence, cette nature recouvre en sa personne ses anciens privihges et est façonnée suivant un modèle parfait et vraiment digne de Dieu. Et cette formation est une parfaite restauration ; et cette restauration est une divinisation ; et celle-ci une assimilation â l'étal primitif… El pour tout dire en un mot, aujourd’hui la réformalion de notre nature commence, et le monde vieilli, soumis à une transformation divine, reçoit les prémices de la seconde création ». Jbid., col. 812 (traduction Jugie). Ailleurs encore, l’orateur salue en Marie « les prémices de notre réformation… la première qui a été relevée de la première chute des premiers parents ». Orat., iv, In Nativit., col. 865, 880.

On verra plus loin que la pensée du panégyriste, célébrant la sainteté initiale de Marie, s'étend â sa double naissance : naissance au monde extérieur, alors qu’elle fut enfantée, et naissance au sein de sa mère, alors qu’elle fut conçue. Rien que de naturel en cela : c'était la préparation lointaine du palais où le Roi devait descendre. Orat., m. In Natitil., col. 850. Une raison plus haute encore est énoncée â propos de l’Assomption de Marie : « Il convenait que Dieu disposât les destinées de sa Mère conformément aux siennes. » Orat., 11, /n Dormitionem, col. 1081. Principe dont la portée dépasse manifestement, dans la pensée de l’orateur, l’application qu’il eu l’ail à la résurrection et à l’assomption de la Vierge Mère ; car ce qu’il voit en ce double événement, ce n’est rien autre chose que le couronnement splendide du plan providentiel de renouvellement commencé à l’aube même de l’Incarnation, c’est-à-dire avec la première apparition de Marie.

Nous retrouvons la même doctrine, fortement accentuée, dans un contemporain d'. dré, plus célèbre que lui, saint Jean Damascéne, mort vers le milieu du viii' siècle, le dernier des Pères grecs dont l’Eglise romaine ail ceint le front de l’auréole doctorale. Mieux encore que ses devanciers, il a compris et énoncé dans ses trois homélies sur la Dormition et une autre sur la Nativité (la [iremière, moins douteuse), que le vrai centre de la théologie niariale se trouve dans le privilège de la maternité divine, que tout en Marie tend à cette maternité et que tout en dérive. Aussi nous représente-t-il souvent la Vierge bénie comme l’objet dune prédilection, d’une prédestination qui se termine non seulement à ce privilège de la maternité divine, mais à ses sublimes corollaires. S’adressant à la petite enfant qui nait : « Vous aurez, lui dit-il, une vie supérieure à la nature, mais vous ne l’aurez pas pour