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MARIE. — IMMACULEE CONCEPTION

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générateur, mais de son terme, et de celui-ci parvenu à sa perfection, au moment iiièræ où l’àme est unie au corps, puisqu’alors seulement il y a personne buraaine. La conception ainsi envisagée s’appelle, dans la terminologie scolastique, conception passive consommée. Conception passive, par opposition à la conception active, qui estl’acte générateur des parents ; conception passive consommée, par opposition à la conception passive commencée, dans l’hypothèse philosophique où l’embrjon ne serait viviiié par une âme humaine qu’après une certaine période de préparation et de développement. La définition de 1854 "e tranche pas cette question controversée, de savoir à quel moment précis se fait l’animation ou l’union de l’àme et du corps ; elle ne dit pas dans quelle condition se trouverait la chair de Marie dans la supposition d’une conception passive d’abord imparfaite, puis parfaite ; elle dit seulement qu’au premier instant de son existence comme personne liumaine, la bienheureuse Vierge jouit du privilège allirmc.

Il résulte des mêmes principes que, dans la formule : Immaculée Conception, l’épithète d’immaculée tombe sur la conception de Marie, et non pas sur la conception de sainte Anne. Ce que paraît ignorer l’auteur d’un article publié en iSS’j dans rEùyy/sii^î ; Kf, pu^ d’Athènes, t. I, p. 262, sous ce titre : Histoire du nouveau dogme latin de l’immaculée conception de sainte Anne. Voir bibliographie. Ce titre fausse la doctrine de l’Eglise romaine en laissant entendre de la conception active ce qu’elle affirme uniquement de la conception passive.

5. Objet du privilège. — Pie IX revendique pour la Mère du Sauveur l’exemption de toute tache de la faute originelle, ab omni originalis culpæ labe præaenatam immunem. Ce privilège singulier suppose la loi commune, suivant laquelle tout homme descendant d’Adam par voie naturelle est soumis, du fait même de sa conception, à la tare héréditaire. En quoi consiste proprement la faute originelle, considérée dans les descendants d’Adam, l’Eglise ne l’a pas formellement délini, mais elle en a déterminé les effets essentiels : privation de la sainteté et de la justice originelle, mort de l’àme, inimitié divine. Dans l’ordre actuel, ces effets cessent, et cessent uniquement par une rénovation intérieure, en vertu de laquelle les rejetons du premier Adam passent de l’état d’injustice où ils naissent à l’état de grâce et de filiation adoptive en Jésus-Christ notre Sauveur, le second Adam. Concile de Trente, sess. v, can. 1 et 2 ; sess. VI, cap. i, 4, ’7. Denzingbr-Bannwart, Enchiridion symbolorum, n. 788 s., ’jgS, 796, 79g (670 s, , 67.5, 678, 681). Aussi, dans la doctrine catholique, le privilège de l’Immaculée Conception ne se borne pas à l’exclusion du péché originel et de ses effets essentiels, notion purement négative ; il implique, en outre, la notion positive opposée, c’est-à-dire la possession de la grâce sanctillante et, par elle, la vie de l’àme, l’amitié divine, la filiation adoptive. De là une double façon d’énoncer le privilège mariai, comme on peut le remarquer déjà dans la bulle Sollicitudo d’Alexandre VII : façon négative, par exclusion de ta tare héréditaire, a macula peccati originalis immunem : façon positive, par affirmation de l’état de grâce ou de sainteté initiale, præveniente scilicet Spiritus Sancti gratia… animam B. Mariæ Virginis insui creatione et in corpus infusione Spiritus Sancti gratia donatam.

Mais que faut-il entendre par l’exemption de toute tache de la faute originelle, ab omni originalis culpae labe præservatam immunem ? Il ne semble pas nécessaire d’attribuer une portée spéciale à l’adjectif « mm’, à moins qu’on ne veuille considérer le péché sous

son double rapport de tache physique, privation de la grâce sanctifiante, et de tache morale, état de culpabilité devant Dieu. Comme l’Eglise n’a pas pris parti sur la nature intime du péché originel, on a voulu simplement exclure tout ce qui est vraiment péché, sans déterminer d’une façon précise en quoi cela consiste. D’ailleurs, au cours de la bulle, le privilège mariai est souvent exprimé abstraction faite de l’adjectif omni, par exemple : ab ipsa originalis culpæ labe plane immunis, § Inejfabilis ; sine labe originali conceptam, § Eiiimvero ; a macula peccati originalis præservatam, %, Quoniam vero, etc.

En particulier, on ne pourrait pas légitimement faire rentrer dans la formule : ab omni originalis culpæ labe præservatam, l’exemption de la concupiscence, du fomes peccati ; car. d’après la doctrine du concile de Trente, sess. v, can. 5, la concupiscence n’est pas vraiment péché. Denzingeh-Bannwxrt, 792 (676). Il est vrai qu’en proposant de faire porter la définition sur la personne, et non sur l’àme seule de Marie, l’évêque d’Ugento avait ajouté cette réflexion : de la sorte, toute tache serait écartée de la Vierge, non pas seulement la tache du péché proprement, qui se dit de l’àme, mais encore celle du péché improprement dit ou de la concvipiscence, qui se rapporte au corps ; aussi demandait-il qu’à défaut d’une définition tombant sur la personne, on déclarât au moins Marie préservée non seulement du péché proprement dit, mais encore de la concupiscence ou foyer du péché : immunitas ab originali peccato, vel de persona, non de sola anima, asserenda sit, vel saltem declarandum, Beatissimam Virginem non solum ab omni reatu originalis peccati, scd etiam a fomite et concupiscentia præservatam. SAnoi, op. cit., t. ii, p. 2^2 s. Mais on se contenta de faire tomber la définition sur la personne de Marie, sans rien de plus. (, )uelle que soit donc la faveur dont jouit à bon droit la thèse qui soustrait Marie, dès sa naissance à la loi du fomes peccati, quel que soit l’appui qu’elle trouve dans divers textes de Pères utilisés par les rédacteurs de la bulle Ineffabilis, cette doctrine ne peut pas être considérée comme comprise dans la définition elle-même.

3. Mode du privilège, — L’immunité revendiquée pour la Vierge Marie n’est pas une immunité quelconque. Elle ne ressemble ni à celle des saints anges, ni à celle d’Adam et d’Eve avant leur péché, ni à celle de Notre-Seigneur conçu virginalement par l’opération du Saint-Esprit, c’est une immunité par préserva/ ion, præservatam immunem. Il y a eu de la part de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, application non seulement anticipée, mais spéciale de ses mérites à sa Mère bénie. Aux autres, il applique le fruit de ses mérites pour les délivrer du mal où ils sont tombés ; à sa Mère, il applique ce fruit, c’est-à-dire la grâce, au premier instant de son existence, pour qu’elle ne tombe pas dans le mal. Marie est ainsi rachetée d’une façon plus noble que les autres, sublimiori modo redemplam, ’i, Omties autem norurit.

L’affirmation que la Mère de Dieu dut à une grâce de préservation de n’avoir pas été soumise à la loi du péché, suppose objectivement et dans la croyance de l’Eglise romaine, que Marie a été engendrée comme les autres descendants d’Adam, en d’autres termes,

« que saint Joachim et sainte Anne ont eu à la naissance

de leur fille la même part que les parents ordinaires ont à la naissance de leurs enfants ». Gagahin, Lettre à une Dame russe sur le dogme de l’Immaculée Conception, Paris, 1867, p. 13.

« J’insiste sur ce point, continuait le même auteur, 

parce que vous savez très bien, Madame, combien il y a de personnes qui croient ou voudraient faire croire qu’en admettant la conception immaculée de