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MARIE.

IMMACULEE CONCEPTION

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En cours naiuram. Et ideu præ céleris inaiorem detniit a Clirisio gratiæ plenitudinem ohlinere.

Dans l’ascension continue de Marie vers la lumière divine, on peut, avec saint Thomas, ibid., ad 2’", distinguer trois stades. Le premier, antérieur à l’Incarnation : dès le terme de ce stade, Marie est saluée par l’ange, pleine de grâce. Le second stade s’ouvre sur l’Incarnation et se ferme sur la mort de la Vierge. Comment douter que le Verbe divin, venant s’incarner en Marie, l’ait enrichie merveilleusement ? A cette idée, on ne peut objecter que la plénitude même de la grâce qui élait en Marie, et qui ne laissait plus de place à un nouvel afflux de grâce, comme dans un vase trop plein. Mais ces analogies matérielles sont en défaut, quand il s’agit de décrire les opérations divines. C’est en effet le pro]ire de la grâce, de dilater le vase qu’elle remplit et de créer sans mesure des capacités nouvelles. Le troisième stade s’ou^Te dans la gloire céleste, où Marie contemple Dieu, non pas sans doute de plus près, mais d’un regard plus limpide, alïranchie qu’elle est de toutes les ombres à travers lesquelles l’homme chemine icibas.

Nommer ces trois stades est facile ; mais, dès le premier, notre impuissance éclate à suivre la radieuse ascension de Marie. En alUrniantque la grâce initiale de Marie surpassa la plus haute grâce (inale accordée aux plus séraphiques des anges et des hommes, SuAHEZ croit ne rien avancer que de pieux et de vraisemblable, et rappelle qu’on lui a souvent appliqué le texte du Psaume lxxxvi : « Ses fondements sont sur les montagnes saintes », pour marquer que la sainteté de la Vierge commence 1 » où exjiire celle des âmes les plus élevées. Ile mvsteriis yitæ Chiisti. Disp. IV, s. I, n. li, éd. Vives, t. XIX, p. 67. Etant donnée l’intensité de son amour et l’ardeur de son élan vers Dieu, le progrès de sa vie intérieure échappe à toute conception. Ce ne sont point là vaines rêveries, mais déductions solides, de prémisses appuyées sur l’Evangile. Nous ne saurions les poursuivre, mais nous renverrons aux auteurs qui, de nos jours, ont essaj’é d’éclairer ces persjjeetives inlinies, par exemple, Terrien, La Mère de Dieu, t. II, 1. VII, p. lyi-Sii. Plus brièvement, de la Broise, La Sainte Vierge, c. xii, p. 226 sqq.

Si l’on entre dans ces pensées, on ne sera point porté à réprouver les manifestations de la piété envers Marie, comme une concession faite par la divine Providence à la dureté de cœur des hommes (expressions de J. IJ. Mayor, art. Mary, dans Dictionary of tlie Bible, éd. Hastings, t. III, col. 292 B) ; bien plutôt y verra-t-on l’expression d’un sentiment très délicat et très Juste, qui proportionne l’hommage au mérite, sans perdre de vue la distance qui sépare la créature du Créateur.

A. d’Alès.


[questions spéciales] 4° Immaculée Conception.

L’Immaculée Conception s’entend du privilège, propre à la bienheureuse Vierge Marie, d’avoir été conçue sans péché, c’est-à-dire exempte, au premier instant de son existence, de la tache du péché ori .ginel. Délini par PiK IX, le 8 décembre 1854, ce privilège ne rencontre actuellement de réels adversaires

que parmi les rationalistes, les protestants, les grecs » orthodoxes » et les vieux catholiques ; mais les croj’ants eux-mêmes peuvent éprouver quelque embarras devant l’éclosion tardive de la croyance à l’Immaculée Concejition. Certaines attaques récen tes, venant du camp moderniste, vonluioins contre

le dogme lui-même que contre l’interprétation de In croyance au cours des siècles ou contre les fondements du privilège tels qu’ils sont habituellement présentés. Les adversaires faussant parfois la vraie notion du dogme catholique, il importe d’en établir le sens d’après la bulle de déUnition. Le plus souvent, cependant, l’opposition dénonce dans l’Immaculé. Conception un dogme « nouveau », dont elle prétend expliquer la genèse et l’évolution purement naturelle ; aussi parait-il nécessaire de résumer la marche de la croyance à travers les siècles chrétiens, avant de faire la synthèse des fondements du dogme.

De là trois parties dams cette étude :

i" partie. Sens du dogme ; l’attaque.

2° partie. La croyance à l’Immaculée Conception de Marie dans les siècles postéphésiens.

3* partie. Synthèse des fondements du dogme.

i" PARTIE. Sens du nor.jiE de l’Immaculée Conception ; l’attaque.

( ! Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine suivant laquelle, par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout-puissant et en vertu des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, la bienheureuse Vierge Marie aété préservée de toute tache du péché originel au premier instant de sa conception, est révélée de Dieu et doit, par conséquent, être crne fermement et constamment par tous les Udèles. s Telle est la formule de ilélinilion, comprise dans la bulle Ineffabilis Iteiis, qui est comme l’exposé des considérants. C’est donc d’après cette formule et d’après la bulle qu’il faut déterminer le sens précis du dogme délini par Pie IX.

A. Sens du dogme. — Quatre choses sont à considérer dans le privilège revendiqué pour la Mère de Dieu : le sujet, l’objet, le mode et la certitude.

i. Sujet du privilège. — C’est la bienheureuse Vierge Marie, considérée au premier instant de son existence humaine, healissimain f’irginem Mariam in primo iiistanti suæ conceptionis. Sous ce rapport, la formule employée par Pie IX diffère de celle qu’avait employée, en 1661, Alexandre VII. Dans la bulle Sollicitiido omnium ecclesiarum, le sujet du privilège élait directement l’âme de Marie, e/us aniniam in primo creationis instanli atque infusionis in corpus. Les mêmes termes figuraient dans le premier schéma de la bulle de définition, rédigé par le P. Perrone, animam healissimæ Virginis Mariae, cum primant fuit creata et in saum corpus infusa : ils furent maintenus dans un nouveau schéma elles multiples retouches qu’il subit, jusqu’au moment où se fit la réunion des évêques chargés de l’examiner. Alors Mgr Francesco Bruni, évêque d’Ugento, proposa de faire (lorter l’exemption non sur l’âme seule, mais sur la personne : de persona, non désola anima, asserenda sit. Le cardinal Joseph Pecci, évêque de Gubbio, parla dans le même sens au consistoire qui suivit ; il fallait, dit-il, éviter tous lestermessusceptiblesde ramener l’opposition mise parles scolastiques entre le corps et l’âme à propos de la conception de Marie, et, poureela, faire tomber la définition sur la personne même, il a ut definitio respiceret personam Mariae. La motion l’ut agréée, et l’ancienne formule disparut pour faire place à la nouvelle et définitive : beatissimum Virginem Mariam in primo instanli suæ conceptionis. Mgr Vincenzo Sardi, La sdlenne definizione del dognia delV /mmacolato Concepimcnto diMaria Santissima, t. II, p. 33, 87, 242-45, 292, 3 12. Uome, 1904.

La conséquence de ce qui précède, c’est que dans le membre de phrase in primo instanli suæ conceptionis, le mot de conception s’entend, non de l’acte