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Dictionnaire Apologétique

DE LA

Foi Catholique


LOI ECCLÉSIASTIQUE". — Ses caractères : I. Evululion ; ll. Transcendance.

Pour opérer la sancliticalion du monde, Dieu se sert d’éléments créés, parfois assez vulgaires, auxquels Il communique son inspiration ou sa force, et qu’il transforme en instruments de ses desseins. L’Eglise, mue par le Saint-Esprit, imite dans son action ces procédés divins. Obligée de se donner, pour le bien des lidèles, une discipline, des lois, une vie juridique, elle ne craint pas de laisser pénétrer chez elle quelques institutions ou usages d’origine profane ; mais elle puriûe ces apports, les élève à sa hauteur, et leur assure une efficacité nouvelle. Cette double vérité cçmmande tout le développement du droit canon. L’Église, en construisant son droit, emploie pour partie les éléments que lui fournit le milieu où elle évolue, mais en même temps elle leur communique quelque chose de sa transcendance.

I. Évolution du droit canon. — Le christianisme naquit au sein de l’Empire romain, immense État providentiellement préparé pour abriter le berceau de Notre-Seigneur et recevoir le germe de son œuvre. Quoique persécutée, l’Église se modela dans une certaine mesure sur la puissante machine qui la bro}ait. Le Christ, il est vrai, lui avait tracé les grandes lignes de sa constitution ; en faisant des Apôtres les pasteurs du troupeau, et de Pierre le chef du collège apostolique, il avait créé l’épiscopat et la papauté. Mais les détails d’exécution restaient à préciser, et c’est sur cette organisation concrète du gouvernement ecclésiastique que l’organisation de l’Empire exerça une influence réelle, contenue d’ailleurs dans des limites qu’il est difficile de déterminer. {Corpus Juris, Decreti /" pars, Dist., lxxx, c. i, c. 2 ; cf. PuiLLiPs, Kirchenreclit, t. II, § 68, p. 20 sqq. ; Wernz, Jus Decretalium, 2° éd., t. II, §715, p. 483.) La division politique du territoire en cités, en provinces, en diocèses, en préfectures, fournit un cadre auquel s’adaptèrent naturellement les circonscriptions ecclésiastiques. De même que l’Église institua, à côté des fêtes païennes et souvent aux mêmes jours, ses solennités à elle et son culte, qui

1. L’auteur de ces considérations, disparu au cours des combats d’août 1914, n’a pu écrire l’article qu’il destinait au Dictionnaire apologétique. C’est aux Etudes (20 avril 1914) que nous empruntons l’expression d’idées qui lui étaient chères, certain de remplir ainsi le vœu de ce bon ouvrier. Quelques phrases, écrites par lui au présent, seraient aujourd’hui à mettre au passé.

N. D. L. D.

Unirent par supplanter les antiques superstitions, de même elle établit, parallèlement à la hiérarchie laïque des présidents, des vicaires, despréfets du prétoire, sa hiérarchie toute religieuse d’évêques, de métropolitains, de primats, de patriarches, et quand la première eut croulé sous le flot des invasions barbares, l’autre resta debout par la vertu du Christ.

Libre, à partir de Constantin, de se développer largement, forcée par la disparition de l’Empire de se suffire à elle-même sous tous les rapports, l’Église dut se pourvoir d’un régime juridique complet ; et comme ses clercs admiraient profondément tout ce qui restait de la culture romaine, comme elle-même, dans le système de la personnalité des lois, vivait selon la loi romaine (secundum legem romanam, quam Ecclesia vivit, Lex Ripuariorum, LVIII, § i), le droit qu’elle élabora se trouva tout pénétré d’éléments romains. Si elle avait grandi à une autre époque ou dans d’autres régions, elle se serait assimilé une technique différente ; mais Dieu l’ayant placée dans le milieu romain, c’est cette civilisation qu’elle utilisa. Tantôt elle canonisa purement et simplement les règles qu’avaient tracées les empereurs ou les jurisconsultes classiques (Cf. Benoit XIV, De Synodo dioecesana, L. IX, c. x ; Laurin, Inlroditctio in Corpus Juris canonici, Appendix, § 30, p. 262), tantôt elle s’inspira de leurs décisions pour légiférer de son chef (Cf. Laurin, loc. cit., p. 268 ; Wernz, loc. cit., t. I, § 195, II, p. 296). Le droit romain fut reçu, devant ses tribunaux, comme source subsidiaire générale : c’est à lui, quand les canons se taisent, que les juges d’Église doivent emprunter leurs solutions (X. v, 32, c. i ; cf. Bouix, De Judiciis, t I, p. 19 sqq. ; Laurin, loc. cit., p. 263 ; Wernz, /oc. cit., 1. 1, p. 297). Par cette voie, la procédure romaine fut transportée dans le domaine ecclésiastique, et devint la procédure canonique CVoir par exemple saint Grégoire le Grand, Epist., L. XIII, ep. xlv ; P. L., t. LXXVII, col. 1294 sqq. ; cf. Bouix, loc. cit., p. 21 ; DevoTt, Instituiionum cancH/carum Lib. IV, tit. i, § 5, t. II, p. 220) ; le système romain des contrats fut adopté par les archidiacres ou les évêques, sauf modifications de détail, comme l’expression merveilleusement exacte et fine de la justice (Cf. Wernz, loc. cit., t. III, S ; 228, IV, p. 232). Beaucoup d’infiltrations du même ordre amenèrent des éléments romains jusque sur des terrains où l’Église édifiait des constructions originales. Pour n’en citer qu’un exemple, la parenté légale née de l’adoption devint, grâce aux souvenirs de la jurisprudence impériale, uji empêchement au mariage chrétien (C. xxx, qu. 3,