Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 3.djvu/106

Cette page n’a pas encore été corrigée

199

MAUIE, MERE DE DIEU

200

2° Virginité perpétuelle

La croyance à la virginité perpétuelle de Marie renferme, outre la croyance à la conception virginale, sur laquelle nous ne reviendrons pas, deux affirmations distinctes : i" Pas plus après qu’avant la naissance de Jésus, Marie n’a connu d’époux (virginité posi partum) ; 2° La naissance de Jésus, aussi bien que sa conception, fut miraculeuse : il vint au jour sans détriment poiir l’intégrité virginale du corps de sa mère (virginité in partu).

I" Sur la virginité post partum, le sens chrétien a rarement liésité. Une convenance impérieuse veut que le corps consacré par l’Incarnation du Verbe soit demeuré à tout jamais un temple inviolé. On a vu ci-dessus les diflicultés, plus on moins spécieuses, fondées sur l’Evangile (Matt., xii, /16-50 et parall.. xui, b ! ^-b-) et parall.) ; difficultés largement discutées dans l’article Frèrbs nu Seigneur. Ces difficultés n’ont pas troublé la foi des premiers siècles chrétiens à la virginité de Marie pa$t partum. Si Tbrtullirn parait atTirmer qu’après la naissance de Jésus Marie connut un époux (De monogamia, vui : Semel miptura post partum ; cf. De virginilius i’elandis vi ; IV Adv. Marclonem, xix ; De carne Christi, vu ; et notre Théologie de TertuUien, p. 196-197). son affirmation n’a pas trouvé d’écho. Origkne mentionne (fn Luc, Ilom. vii, Irad. de saint Jérôme, P. G., XIII, 1818 A) un auteur assez insensé pour avoir osé prétendre qu’après la naissance de Jésus Marie eut commerce avec Joseph : In tantam quippe nescio quis prorupil insaniam ut assereret negatam fuisse Mariam a Salvatore, eo quod post nativilatem illius iuncla fueritlosepli ; et locuius est quæ quali mente dixerit, ipse noverit qui locutus est. Dans cet auteur anonyme, qu’Origène flétrit entre les hérétiques, il faudrait reconnaître TertuUien, d’après le II. P. Durand, L’enfance de Jésus-Christ, p. 233-234. Et de fait, on ne voit pas quel autre pourrait être visé. Au vi « siècle, l’assertion relative au commerce de Marie avec Joseph fut renouvelée par les Anlidiconiarianites en Orient, par Helvidius en Occident. Nous avons résumé ci-dessus la réponse faite par saint Epiphane aux Anlidiconiarianites. et la réponse beaucoup plus solide faite par saint Jérôme à Helvidius.

Ces docteurs n’ont fait que renouer la chaîne d’une tradition plus ancienne. Le titre de toujours vieri^e,

« iTTa/sfco ; , était déjà décerné à Marie par saint Atoana.

se, Or. Il contra Arianos, lxx, P. G., XXVI, 296 B. On le retrouve chez un autre Alexandrin, Didymb l’aveugle. De Trinitate, I, xxvii, P. G., XXXIX, 404 C.

Dès l’année 890, un synode romain avait condamné l’erreur d’Helvidius, renouvelée par Jovinien et Bonose. Le pape saint SmicE y revint dans une lettre adressée, en 392, à Anysius évêque de Thessalonique, D. B., 91 (1781). On y lit : Mérita yestram sanctitatem abltorruisse quod e.r eodem utero virginali, ex quo secundum carnem Christus natus est, alius partus eff’uSHS sit. Le nom de à’.mdpSv^ùi, déjà décerné à Marie par le symbole de saint Epiphane, D. B., 13, entrait dans l’enseignement catholique explicite. Il figure dans la lettre du pape Jean II aux sénateiu-s de Constantinople (534), D. B., 202 (143) ; dans le 2’et le 6* anathèræ du V° concile œcuménique (Constantinople, 553), D. B., 214-218(173-177). Particulièrement solennelle est la déclaration du Concile de Latran sous Martin I"’(649), can. 3, D. B., 266 (204) : i’i qnis secundum Sanctos Patres non confitetur proprie et secundum veritatem Dei genitricem sanctam semperque i’irginemet immaculatam Mariam, utpote ipsum Deum Verbum… incorrupliliiliter genuisse, indissohihili permanente et post partum eiusdem virginitate, condemlatus sit.

3° Beaucoup plus délicate est la question de la virginité in partu, car ici l’objet même de la croyance est miraculeux, et l’argumentation n’a de recours qu’à la foi. Il est clair que le rationaliste, incrédule au miracle de la conception virginale, repoussera au même titre, et même à plus fort litre, le miracle de l’enfantement virginal. Le rôle de l’apologiste consistera surtout à faire remarquer commenl les deux miracles se tiennent et comment la croyance explicite au premier appelait la croyance au second.

Il devait se passer des siècles avant qu’on s’en avisât. La virginité in parla a été niée non seulement par TertuUien, mais pent-ètre par Origène. Nous avons largement cité en français le De carne Christi de Tbrtullien ; sur le point qui nous occupe, il se résume en quelques mots, xxui : Peperil quæ peperit ; et, si virgo concepit, in partu suo nupsit. | Voir ci-dessus, col. 161-i 63]. Origène tient un langage assez semblable, In Luc, Hom., xiv, P. ( ;., XIII, 1834 A, quand il suppose que Marie était, comme toutes les mères en Israël, soumise à la loi de purilication, et surtout quand il ajoute à la page suivante, 1836 : ilatris… Domini eo tempore vuha reserata est quo et partus edilus. On sait les tempéraments qu’il apporta ultérieurement à sa pensée, et l’hommage sans restriction qu’il a rendu à la pureté de Marie, supérieure à toute pureté. In Matt., t. X, P. (’.. XIII, 877 A ; In Lev., Nom., viii, a, P. G., Xll, 498. II reste que, dans l’Eglise du 11" et du 111° siècle, la croyance à l’enfantement virginal n’était pas encore élevée au-dessus de toute discussion. Ci-dessus, 170-172.

C’est pour beaucoup de critiques rationalistes un fait avéré que la croyance à la virginité in partu pénétra dans l’Eglise au 11" siècle sous l’influence du docétisme, à qui appartiendrait la paternité de cette croyance et de cette idée. Dilïuse dans plusieurs ouvrages protestants, cette théorie a été condensée par G. Hkhzog en quelques pages de la Revue d’Histoire et de la Littérature religieuses, t. XII, T907, p. 483-496. Elle revient à dire que, si l’on s’avisa de soustraire à la loi commune la naissance du Christ, c’est que l’on regardait l’humanité du Chrisl comme étrangère à la condition humaine.

Assurément, il est malheureux pour cette théorie que le premier adversaire du docétisme, parmi les Pères, soit aussi le premier à appeler l’attention sur le mystère de cet enfantement qui donna au monde un Sauveur, et à le mettre en parallèle avec le mj-stère de la conception du Christ et le mystère de sa mort. En effet, saint Ignace d’Antioche ne s’est pas contenté d’allirmer, à rencontre des docèles, que le Chrisl est vraiment né de la Vierge (Ad Smyrn., i, i) ; après avoir indiqué qu’il fut porté dans le sein virginal, il énumère, dans un même contexte, ces trois faits qui échappèrent à la connaissance du prince de ce monde : la virginité de Marie, son enfantement, et la mort du Seigneur : trois mystères retentissants, accomplis dans le silence de Dieu » (Ad Eph., xix, 1). En présentant sur un même plan ces trois ouvrages merveilleux de la puissance divine, Ignace indique assez qu’il y voit des faits de même ordre. L’enfantement de Marie — ô « zîts ; a.ùrn — est merveilleux, au même titre que sa virginité et que la mort du Seigneur. Divers autres textes confirment ce parallélisme (Ad Eph., xviii, a : parallèle entre la conception et la naissance ; Ad Ma’gn., xi, parallèle entre la naissance, la mort et la résurrection). Ce n’est pas chez Ignace que nous trouverons la naissance du Fils de Dieu assimilée purement et simplement à celle du commun des hommes. Par ailleurs, Ignace ne se lasse pas d’aflirmer que le Christ a soulfert vraiment et pas seulement en apparence, qu’il est vraiment homme comme nous. Smyrn., iv,