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MARIE, MERE DE DIEU

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s’alUibuait l’initiative des réunions conciliaires. Ce spectacle, si éloigné de nos mœurs, n’était pas entièrement nouveau. Cent ans plus tôt, on avait entendu Constantin — simple catéchumène — ailicher naïvement la prétention d’être l’évêque du dehors, et son ingérence dans les matières de foi avait cruellement éprouvé l’Eglise ; son fils Constance, pris dans les iilels de l’arianisme, ne se souvint que trop des exemples paternels. L’histoire byzantine présente, à chaque page, de tels empiétements. Celui que venait de commettre Théodose II, et qui mettait le pape en présence d’un fait accompli, devait tromper l’espérance du patriarche de Constantinople, qui l’avait provoque. Mais dans le premier enivrement de sa victoire, Nestorius ne gardait aucun ménagement. Loin de souscrire aux anathématisræs des Alexandrins, il leur opposait douze contre-anathéraalisræs ; voici le premier : Si quelqu’un dit que l’Emmanuel est Dieu Verbe, au lieu de dire qu’il est Dieu atec nous, qu’il a habité une nature conforme à la notre, en s’unissant à noire chair qu’il a prise de la Vierge Marie : s’il appelle la Sainte Vierge Mère du Dieu Verbe et non Mère de l’Emmanuel, s’il prétend que le Dieu Verbe lui-même fut changé en la chair qu’il prit pour manifester sa dii-inité en acceptant la condition d’homme, qu’il soit analhème.

Cet énoncé, où la doctrine catholique est confondue avec l’hérésie apoUinariste, offre un bon spécimen de la tactique où allait se renfermer l’hérésie.

Cependant le concile s’assemblait à Ephèse, comme sur un terrain neutre entre Constantinople et Alexandrie. Si la désignation du lieu est imputable à Nestorius, le geste ne manquait pas de hardiesse, car la métropole d’Asie Mineure était célèbre dans tout l’Orient pour sa dévotion à Marie, et il résulte du témoignage de saint Cyrille, Ep., xxiv, P. G., LXXVII, iS^B, que la grande église, où allaient siéger les Pères, était justement placée sous le vocable de la Mère de Dieu : c’est même l’exemple le plus ancien, le seul que nous connaissions à cette date, d’un tel vocable. Il y avait là une apparence de déli.

A la date lixée, c’est-à-dire à la Pentecôte, 7 juin 43 1, Nestorius était là, avec seize évêques de son patriarcat et une escorte aux ordres du comte Irénée. Cyrille y était aussi, avec cinquante sullragants et une troupe de marins et de moines. Memnon, évêque d’Ephèse, avait déjà réuni quarante suffragants, plus douze évêques de Pamphylie. D’autres métropolitains se firent attendre : Juvénal de Jérusalem et Flavien de Thessalonique arrivèrent après quelques jours. Jean d’Antioche et ses « Orientaux » manquaient encore ; mais par une lettre très cordiale, adressée au patriarche d’Alexandrie et reçue un peu jdus tard, Jean s’annonçait pour le cinquième ou sixième jour. Cyrille redoutait manifestement l’in(luence de Jean d’Antioche, favorable à la personne de Nestorius. Après l’avoir attendu quinze jours, comme il le déclare dans une lettre aux clercs de Constantinople, fort des droits que lui conférait l’investiture du Saint-Siège, il décida de passer outre. Le concile s’ouvrit le 22 juin, malgré la proteslation formulée la veille par soixante-huit évêques, notamment par Théodoret de Cyr,.lexandre d’Apaniée, Alexandre d’Hiérapolis, et malgré l’opposition du commissaire impérial, couite Candidien. Entre Cyrille d’Alexandrie et Nestorius, qui s’anathématisaient réciproquement, ce tiers parti avait escompté la médiation de Jean d’Antioche. Mais Cyrille entendait bien ne céder à personne la présidence du concile. Quant à Nestorius, il se tenait enfermé dans sa maison, sous la garde de soldats impériaux. Trois sommations lui furent faites inutilement ; alors le concile aborda l’examen de la question dogmatique.

Lecture fut donnée du symbole de Nicée. puis des dernières lettres échangées entre Cyrille et Nestorius ; tous les Pères présents anathématisèrent la doctrine du patriarche de Constantinople. Après avoir entendu encore la lettre du pape Célestin à Nestorius, notifiant la sentence du concile romain, puis la lettre synodale d’Alexandrie, notifiant les douze anathématismes, le concile formula sa sentence en ces termes (Mansi, t. IV, 1212CD) :

Etant donné qu’eu outre de tous les faits qui lui sont reprochés l’impie Nestorius n’a pas voulu obéir à notre citation et n’a pas reçu les saints et pieux évêques que nous lui avions envoyés, nous avons du procéder à l’examen de ses actes impies. Nous l’avons pris en flagrant délit par ses lettres, par ses autres écr-its. entin par les propos qu’il a tenus récemment dans cette métropole et qui nous ont été certitiés, d’opinions et d’enseignements impies. C’est pourquoi, pressés par les canons et par la lettre de notre saint père et collègue Célestin, évêque de l’Eglise romaine, nous avons dû, après beaucoup de larmes, prononcer contre lui cette triste sentence : Le Seigneur Jésus-Christ, qu’il a blasphémé, iii, par ce saint synode, déclaré Nestorius exclu de la dignité épiscopale et de toute communion sacerdotale.

Cette pièce recueillit plus de deux cents signatures ; notification fut faite à Nestorius le surlendemain, Cyrille put écrire à son peuple d’Alexandrie (Ep., XXIV, P. G., LXXVII, 137) : « Nous étions réunis environ deux cents évêques. Tout le peuple de la ville demeura en suspens du matin au soir, attendant le jugement du saint synode. Quand on apprit que le malheureux avait été déposé, tous d’une seule voix commencèrent à féliciter le saint synode et à glorifier Dieu pour la chute de l’ennemi de la foi. A notre sortie de l’église, on nous reconduisit avec des llambeaux jusqu’à nos demeures. C’était le soir ; toute la ville se réjouit et illumina ; des femmes marchaient devant nous avec des cassolettes d’encens. A ceux qui blasphèment son nom, le Seigneur a montré sa toute-puissance… »

Cependant le comte Candidien avait immédiatement protesté au nom de l’empereur contre la sentence rendue. En même temps que le concile faisait parvenir à la cour une relation des faits, Nestorius écrivait de son côté, et recueillait les signatures de ses adhérents.

Quatre ou cinq jours après l’événement, Jean d’.

tioche et ses évêques orientaux firent enfin leur entrée dans Ephèse. Avec l’appui des comtes Candidien et Irénée, les nouveaux venus et quelques-uns de ceux qui avaient protesté contre l’ouverture du concile se réunirent dans une maison privée ; leur conciliabule, qui comptait quarante-trois évêques, déclara déchus de l’épiscopat Cyrille d’Alexandrie et Memnon d’Ephèse, et les excommunia avec tous leurs adhérents, comme hérétiques ariens ou apbllinaristes. Mansi, t. IV, 1268-1269.

Ce coup de théâtre compromettait l’oeuvre du concile, et la confusion fut portée au comble par un message de Théodose II, frappant de nullité tout ce qui s’était fait jusqu’à ce jour et interdisant aux Pères de se séparer avant qu’une enquête eût été accomplie par les olliciers impériaux. — Mais la lumière allait venir de Home.

Vers le même temps parvinrent à Ephèse les trois légats représentant le pape Célestin. Us étaient porteurs d’une lettre pontificale qui réglait expressément la procédure du concile et mettait à néant les prétentions de Nestorius. Le 10 et le 1 juillet, deux sessions furent tenues par la partie saine du concile dans la maison de Memnon, archevêque d’Ephèse. Les légats remirent la lettre pontificale et demandèrent communication des actes de la session tenue