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LOI DIVINE

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hommes, qui sont nos égaux, mais à la loi de Dieu, que nous nous soumettons.

3) — Un autre caractère de la loi morale, c’est qu’elle est obligatoire et qu’elle commande absolument. Or l’homme pourrait-il se commander à lui-même ? ou, s’il se commandait par la loi morale, ne dépendrait-il pas de lui de modilier à son gré les ordres de celle loi ? Et cependant il n’en est rien. Le devoir ne peut donc nous être imposé que par une volonté qui soit la règle de la nôtre, et qui ait un droit absolu sur nous. Cette volonté ne saurait être que la volonté divine qui veut et impose toutes les lois dont l’intelligence inlinie aflirme la convenance. Par conséquent, si nous voyons que le devoir s’impose à nous et que notre liberté ne doit pas s’exercer sans règle, c’est parce que nous comprenons que nous sommes des êtres essentiellement bornés et dépendants.

En allirmant la loi morale, nous atlirmons donc que nous avons un maître. Ce maître, qui est Dieu, nous le connaissons plus ou moins bien, suivant la notion que nous avons de la divinité, nous pouvons même douter qu’il existe ; mais alors même, c’est devant lui que nous nous inclinons, sans en avoir conscience, en nous soumettant à l’autorité des lois qu’il nous impose.

4) — Enlin un dernier caractère de la loi morale, c’est qu’en justice elle exige une sanction. Cette sanction que la justice réclame, qui pourra l’appliquer ? Est-ce l’homme qui se punira ou se récompensera lui-même de ses fautes et de ses actions vertueuses ? Xon ! car, malgré les remords qui parfois le torturent, l’homme aspire au bonheur et le poursuit toujours, même quand il est coupable. Est-ce à la société que ce soin appartiendra ? Elle dispose sans doute de l’opinion qui estime le bien et stigmatise le mal ; elle a pour certaines actions des châtiments redoutables ou des récompenses ambitionnées ; mais qu’elle se trompe souvent dans ses arrêts, qu’il est d’actions secrètes qui ne peuvent être évoquées à son tribunal ! Et pourtant la justice réclame que tout acte méritoire soit récompensé et que toute faute soit punie. Quel est donc le juge qui connaîtra la valeur morale de toutes nos actions ? Qui pèsera avec équité la part de responsabilité que nous avons dans nos diverses déterminations ? Qui disposera des événements, du temps et des personnes, de manière à rendre à chacun ce qui lui est dû ? Dieu seul peut le faire. Pour que la sanction soit appliquée comme la justice le réclame, il faut donc absolument que Dieu lui-même l’applique. Nous démontrons ailleurs (voir l’art. Amk, t. I, io5), que s’il ne le fait pas dans le temps, c’est parce qu’il le fera pendant toute l’éternité.

Ainsi, quelque caractère de la morale qu’on envisage, c’est en Dieu qu’il faut en chercher la raison et le fondement. Si l’on considère cette loi comme l’expression du bien et du mal, c’est l’intelligence inlinie qui en est la règle ; si l’on tient compte de son caractère obligatoire, c’est dans la volonté divine qu’on en trouve la source ; si l’on cherche comment peut être réalisée la sanction des lois morales que la justice exige, il n’y a que Dieu qui possède la science, l’équité et la puissance nécessaires pour faire droit à ces légitimes réclamations. C’est donc en Dieu seul que la l<ii morale trouve sa règle, son principe et son couronnement.

II. Faux systèmes modernes sur la nature et les fondements de la loi morale

Plusieurs de ces systèmes sont nés d’une métaphysique erronée. Comme nous consacrons un article spécial au Pessimisme, qui est le plus étrange de ces systèmes, nous n’en parlerons pas ici. — Les autres,

que nous devons étudier, sont les corollaires de fausses théories sur l’origine des idées ou des premiers principes de la raison. Les uns dérivent du sensualisme : ils ne voient dans les lois morales que des données purement expérimentales ; les autres dérivent du subjeclivisme de Ivant et regardent les lois morales comme des données a priori, à la formation desquelles l’expérience ne concourt point.

Tous ces systèmes s’accordent à chercher les règles et les bases de la loi morale en dehors de Dieu. Nous allons exposer et réfuter les principales de ces théories.

1" Systèmes qui se rattachent au sensualisme et regardent les données de la morale com.me purement expérimentales.

On peut en distinguer six, qui ont tenu dans les préoccupât ions de nos contemporains, une place assez considérable : i<= l’utilitarisme de Bentham, qui ramène le bien de chaque individu au bien de tous ; 2° l’utilitarisme inductif de Stcart Mill, qui cherche l’explication de la loi morale dans l’association de nos sensations ; 3" la morale évolutioniiiste d’HEBBKRT Spencer, qui la cherche dans la théorie du transformisme et de l’évolution ; 4" la morale des positivistes franrais, qui la cherche dans des tendances et des lois physiologiques ; 5" la morale indépendante, qui prétend fonder la morale, en dehors de toute métaphysique, de toute théodicée et de toute religion ; 6° la morale dite scientifique, fondée sur la sociologie.

i" Utilitarisme de Bentham.

Exposé. On appelle utilitarisme la théorie qui fait reposer les principes de la morale sur l’utilité, et suivant laquelle le bien moral n’est autre chose que cequi nous est utile, c’est-à dire ce qui nous prociu-e du plaisir. Bentham (Anglais, 1748-1832) donna à cette théorie des développements ingénieux et importants. Pour expliquer les diverses prescriptions de la loi morale, il soutint que le plus grand bien de chacun est, en même temps, le plus grand bien du plus grand nombre. Il faut donc calculer quel est le plus grand bien, c’est-à-dire la plus grande somme de plaisirs, pour déterminer quel est le bien moral. Bentham composa une arithmétique des plaisirs où il en apprécia les divers éléments, l’intensité, la durée, lacertitude, la proximité, etc., et fixa les moyens d’en connaître la quantité. Selon son système, il y a moralité, quand le résultat final d’une action a été bien calculé, de façon à produire la plus grande quantité de plaisir ; si le résultat final a été mal calculé, il y a immoralité. — Voir Bentham, Déontologie, trad. fr.

Bé/utation. Ce système est dénué de preuves et n’explicpie pas la loi morale, i" Il est dénué de preuves ; car Bentham allirme sans preuve que l’utilité de chacun répond au plus grand bien du plus grand nombre ; pour qui nie les récompenses de la vie future, son allirmationest manifestement fausse. Quant aux bases de sonarithmétique des plaisirs, elles sont à peu près arbitraires ; car les divers plaisirs sont d’ordre différent et ils ne sauraient être comparés les uns avec les autres, comme des quantités mathématiques. 2" Ce système n’explique pas la loi morale. Il ne rend compte, en elTet, ni du caractère absolu et immuable de cette loi, ni de l’obligation qu’elle impose. Qu’est-ce qui m’oblige, en effet, à rechercher ce qui me procure le plus de plaisir ? La morale fondée sur l’intérêt n’est pas évidemment celle dont j’entends la voix au fond de ma conscience.

2° riililarisme inductif de Stuart Mill.

/r.i/)osé. Stcart Mill (Anglais, 1806-1873) appartient à l’école associationiste. Il explique la formation de nos idées morales, par une induction