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LOI DIVINE

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faire ce que noire iiitérêl nous suggère, et qui, lors- l que nous avons eu le malheur de violer gravement ses iléfenses, nous le reproche comme un crime. Supposons que nous ayons assassiné un ami, que cet assassinat nous ait procuré richesses, honneurs, plaisirs ; que tout nous sourie, que personne ne connaisse noire faute et que nous soyons absolument sûrs de l’Impunité. Pourrons-nous être heureux ? Non, car notre conscience nous reprochera amèrement cette action. Et pourquoi nous la reprochera-t-elle ? Parce que nous savons que l’assassinat est un crime, quelque avantage qu’il nous procure. Notre sens intime nous affirme donc l’existence de la loi morale.

Bien des raisons confirment ces preuves. En effet, étant donné que nous sommes libres (voir l’art. Libre Arbitre), ne faut-il pas qu’une loi nous dicte ce que nous devons faire ?.utrement cette liberté serait une cause permanente de désordre.

Supposons que la loi morale n’existe pas, comment la société pourrait-elle subsister ? Ou bien tous les rapports sociaux seraient réglés par la force et la contrainte, et, en entrant dans son sein, nous serions réduits à un esclavage abrutissant ; ou bien nous pourrions agir au gré de notre caprice, et elle ne pourrait subsister un seul jour. Pour que les sociétés existent, il faut donc la loi morale.

Cette loi est encore nécessairepourquenotre libre arbitre ne soit pas soustrait à la dépendance de son Créateur, et que Dieu ne soit point dépouillé de son domaine souverain ; car comment ce domaine s’exercerait-il sur des créatures libres de toute contrainte, si la loi morale ne s’imposait à elle ?

11° — Quelle est la nature de la loi morale ?

Les obligations qui s’imposent aux hommes, au nom de la loi morale, sont nombreuses et variées. On peut distinguer tout d’abord celles qui résultent des lois positives et celles qui résultent de la loi naturelle Les lois positit’es ont été fixées par la libre volonté de Dieu ou des législateurs humains. Telle est la loi qui prescrivait la circoncision aux Juifs, et celle qui prescrivait aux Spartiates des repas en commun. On comprend que ces lois doivent changer avec les lieux et les temps, suivant la volonté de Dieu et des législateurs humains. La loi naturelle, au contraire, ne dépend pas de la volonté arbitraire des législateurs ; elle est fondée sur la nature même des choses. Klle ne peut donc varier d’un lieu à l’autre, ni d’un temps à un autre temps, qu’autant que les choses auxquelles elle s’applique sont elles-mêmes changées. On peut même distinguer dans cette loi un ensemble de règles qui ne peuvent absolument pas être modifiées, parce que les choses auxquelles elles s’appliquent ne changent pas. On appelle préceptes primaires de la loi naturelle ces règles qui tiennent à l’essence immuable des choses. Telle est tout d’abord cette loi générale : C’est un devoir de faire le bien et d’é^’iter le mal. On appelle préceptes secondaires ceux qui tiennent à des conditions variables.

Or ce sont ces règles primaires qui constituent le fond de la loi morale ; toutes les lois naturelles secondaires n’en sont que des applications, et les lois positives n’en sont qu’une extension.

Saint Thomas, I » II » ", q. gi, art. 2 : Hoc est ergo primum præceptum Legis, quod bonum est faciendum et prosequendum, et malum vilaiidnm ; et super hoc fundantur omnia alla præcepta legis naturæ. Je disque les lois naturelles secondaires n’en sont qu’une application ; car, comme nous l’avons vu, encore qu’elles tiennent à des conditions qui changent, elles sont néanmoins fondées sur la nature des choses. En effet, elles ne prescrivent et ne défendent

aucune action qu’autant qu’elle est bonne ou mauvaise par suite des circonstances ; or on ne peut juger que telle action est bonne ou mauvaise par suite des circonstances, qu’en vertu de principes qui établissent ce qui est bien et ce qui est mal ; par conséquent, c’est des premiers principes de la loi morale que toutes les lois naturelles secondaires découlent.

J’ai dit que les lois positives ne sont qu’une extension de là loi naturelle. Elles ne peuvent, en effet, rien prescrire qui lui soit contraire et elles ne sont justes que si elles la complètent. C’est aussi de la loi naturelle qu’elles tirent leur force obligatoire ; car elles doivent être portées par Dieu ou par des législateurs revêtus d’une autorité légitime ; or il est dans la nature des choses que les seules lois portées par Dieu ou par des hommes revêtus d’une autorité légitime obligent ; c’est donc en vertu de la loi naturelle que les lois positives sont obligatoires.

Après ces observations, on comprend que c’est surtout des premiers principes de la loi naturelle qu’il importe d’étudier la nature ; car c’est d’eux que toutes les autres lois morales tirent leur valeur et leur caractère moral.

i) — Un premier caractère de ces principes, c’est qu’ils sont universels et immuables et qu’ils s’affirment comme tels. Leurs applications ont varié et varient. suivantlescirconstances ; maisen eux-mêmes, ils ont été admis de tous les peuples anciens, comme ils sont admis de tous les peuples modernes ; le sauvage du centre de l’Afrique les regarde comme sacrés et s’incline devant eux, aussi bien que l’Européen le plus civilisé. Bien plus, ces principes sont regardés par tous comme immuables. On ne conçoit point qu’il puisse être jamais permis de les violer. C’est qu’en effet ils tiennent à l’essence des choses, et du moment qu’il s’agit de choses qui ne changent point, les obligations qui en découlent nécessairement ne peuvent se transformer.

Ainsi il est dans l’essence immuable des choses que Dieu soit notre souverain seigneur et notre créateur, c’est donc pour tous les hommes un devoir imprescriptible de l’adorer et de lui obéir ; il est dans l’essence des choses que nous respections notre nature, il est donc des devoirs envers nous-mêmes qui s’imposent absolument à tous ; nous sommes faits pour vivre en société, et la société ne jieut exister sans des devoirs et des droits, il est dcmc dans l’essence des choses que nous respections les droits de ceux avec qui nous vivons et que nous pratiquions des devoirs envers notre procliain. Les applications de ces principes sont elles-mêmes immuables, en ce sens, qu’étant données les mêmes circonstances la nature des choses nous impose les mêmes obligations. Pour les lois positives, si elles varient, les principes sur lesquels elles reposent ne varient pas ; car nous devons toujours obéissance à Dieu et à ceux qui ont une autorité légitime, dans les choses qu’ils ont le droit de nous prescrire.

a) — Un autre caractère de la loi morale, c’est qu’elle est absolue et indépendante de notre volonté, et même, d’une certaine manière, de toute volonté. Sans doute une partie des obligations qu’elle impose se transforment suivant les circonstances et les législations ; mais, du moment qu’elles existent, elles sont au-dessus de notre volonté. Je voudrais bien que telle obligation ne s’imposât pas à moi, je puis même la violer et me révolter contre elle ; mais dans ma révolte et ma désobéissance, j’ai conscience de manquer à un devoir ; je reconnais, par conséquent, que la loi morale s’impose à moi, malgré moi.

D’après l’enseignement de la plupart des théologiens catholiques, cette loi, dans son principe, ne