Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée

GALILEE

178

Sl.-Oflice une assurance de sa lionne foi el une attestation oiKcielle de son orthodoxie.

3" Réponse aux objections. — Après ce que nous venons de dire, il nous est jdus facile de répondre aux ol)jeclions que l’on pense tirer de la condamnation de Galilée.

Notons, en premier lieu, que l’inraillibilitc de l’Eylisc est complètement liors de cause.

L’autorité personnelle du Souverain Pontife n’est jias non plus cn^’agée, puisque les décrets qu’il a approuves ne l’ont été que iii fornia conununi.

D’une manière très générale, l’autorité de l’Eglise enseignante n’est pas en question, puisque les décrets de 161O et de 1033 sont des décrets disciiilinaires.

Les considérants sont doctrinaux, il est vrai ; mais, 1 comme nous l’avons fait remarquer, ces considérants n’engagent pas la responsabilité des congrégations ; ils ne sont imputables qu’à chaque juge individuellement.

Pratiquement donc, l’erreur des juges de Galilée se réduit à ceci : ils ont jugé le système de Copernic contraire à la lettre de l’Ecriture, alors que, de fait, la lettre <le l’Ecriture, entendue correctement, n’exige pas le sens qu’ils lui donnaient.

Les juges île Galilée ont donc commis une erreur objective, matérielle. Reste à savoir s’il était sage et prudent <le leur part d’agir comme ils l’ont fait. — Nous dirons plus loin les circonstances qui les mirent dans la nécessité morale de condamner Galilée. Mais nous pouvons, dès maintenant, justifier leur conduite.

C’est une règle courante en exégèse, qu’il faut ])rendre les textes au sens propre, toutes les fois que l’on n’a pas de motifs plausibles d’en agir autrement. Or, à l’époque de Galilée, l’interprétation courante des passages discutés les entendait au sens propre et cette interprétation était légitime, car non seulement on n’avait aucune raison de les prendre au sens métaphorique, mais l’accord de ces passages, entendus au sens propre, avec les données de la science du temps, semblait, à lui seul, une raiscm sulhsante de les entendre dans ce sens. — Sans doute, il eût été préférable, en soi, de ne pas perdre de vue les règles très sages d’exégèse préconisées par St..ugustin et St.Thomas, et d’admettre que l’Ecriture fait complètement abstraction du point de vue seientilique ; mais, pour nous, il s’agit de ce qui a été et non pas de ce qui aurait pu être.

Ceci étant donc, du moment que, comme nous l’avons montré, Galilée n’apportait pas de preuves péremptoires de la vérité du système de Copernic et, par suite, de la fausseté de celui de Ptolémée, il n’existait aucune raison décisive de ne pas entendre les passages de l’Ecriture au sens propre. Les juges de Galilée n’avaient donc rien ()ui pût les porter à qiiitler l’interprétation Iratlitionnelle, et ils auraient fait preuve de légèreté en agissant autrement.

Mais, dira-t-on, les arguments de Galilée indiquaient au moins la possibilité d’une preuve scicntilique du système de Copernic, et il eût été plus prudent, devant cette possibilité, de ne pas confirmer le sens pro[)re des passages discutés par une décision onicicUe. Nous répondrons : 1° Quelques-uns des juges de Galilée, Bellarmin spécialement, ont admis la possibilité d’ime preuve et ils ont allirmé fort raisonnablement que, du jour où cette preuve serait fournie, l’Eglise se rangerai ! au sens métaphorique ; 2" précisément parée que la Congrégation du St.-Ollice était I)rudente, elle s’est gardée de donner, sur ce point particulier de l’interprétation au sens propre, aucune décision doctrinale. Elle a seulement témoigné, par une décision disciplinaire, qu’elle prohibait, de fait, une doctrine qui, sans motifs suffisants, contredisait

cette interprétation. C’était son droit ; on peut même ilire que c’était son devoir, et nous allons essayer de le montrer.

Nous le dirons plus loin, bien des motifs secondaires, très humains el très peu surnaturels, sont inler^cnus dans la condamnation de Galilée ; mais le motif dernier et prineij)al qui guida les auteurs de cette eondamnation fut, très certainement, le désir de sauvegarder l’intégrité de la doctrine catholique. Objectivement parlant, le système de Copernic se présentait de façon très défavorable : on ne voyait guère qiuds avantages il oll’rait au point de vue scientifique, tandis que l’on voyait nettement les ellets de démolition et de destruction qu’il opérait dans l’étlifice très complexe de la théologie du temps, si intimement mêlée à la philosophie et à la cosmographie, et étajée, l)ien qu’à tort, de leurs conclusions. Sans doute, la théologie peut, par elle-même, rester debout, sans ces appuis caducs ; mais fallait-il, au nom d’une hypothèse scientifique, nouvelle venue et n’ayant pas fait ses preuves, saper ces étais qui en étaient arrivés à faire corps avec le reste : fallait-il, pour contenter Galilée, et pour se l’anger à un avis encore très discutable, troubler cette harmonie qui avait fait l’admiration de grands esprits, jiendant des siècles ?

Il y a plus ; au imimenl où le système de Copernic fut défère en cour de Home, le protestantisme faisait rage en.Vllemagne, en Autriche, en France ; la guerre de Trente ans (1618-16^8) n’allait pas tarder à conférer aux hérétiques une existence légale el des droits politiques. L’un des plus grands soucis de la papauté était de préserver de la contagion les Etats de l’Italie et elle prenait dans ce but îles mesures énergiques. De lui-même, le système de Copernic n’avait rien qui pût elTarouclicr les plus rigides censeurs, du moins s’il se contentait de demeurer un système scientifique et, en f.iit, nous avons vu que, tous les premiers, les protestants lui firent 1res mauvais accueil, ce qui pouvait être unebonnenote aux yeux des catholiques. Mais, du moment que Galilée s’en constituait le champion, la situation changeait. Galilée plaçait la question sur le terrain théologique et exég’étique ; il prétendait interpréter à sa façon et dans un sens contraire au sens communément reçu, les textes de la Sle. -Ecriture et l’on pouvait voir là un essai de libre interprétation protestante. De plus, Galilée était en relations constantes avec r.llemagne et l’Autriche ; ses correspondants, Marc Wclser, Kepler étaient eux-mêmes en relation avec des Jésuites’ ; mais, en Italie, on n’était pas forcé de le savoir. Le seul fait de cette correspondance avec des paj s hérétiques fit mauvaise impression ; les pièces du procès en font foi. On s’explique dès lors que les juges de Galilée aient tenu en suspicion et jugé défavorablement une opinion qui, sous coxileur scientifique, pouvait favoriser, d’insidieuse façon, les erreurs que l’on redoutait. Peut-on dire que cette crainte fût chimérique ? Dès lors, une mesure de police doctrinale, comme celle qui fut portée, se trouvait légitimée.

D’ailleurs, il y a lieu, croyons-nous, de considérer les choses de plus haut encore, et nous dirons ici le fond de notre pensée. L’Eglise, en condamnant Galilée, n’a fait que suivre ses principes ordinaires de conduite, et l’objection tirée de cette condamnation n’est qu’une des variantes de l’assertion, plus générale, que l’Eglise a toujours tenté de barrer le chemin à la science. Sans nous étendre à montrer ce que l’Eglise a fait pour la science, nous répondrons simplement ceci :

1. Cf. Jean Janssen, VAUemagne et la Hi’fvrnw, t. VII, p. 308 aqq.