Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/948

Cette page n’a pas encore été corrigée

1883

LIGUE CATHOLIQUE (LA SAINTE)

1884

amplement la critique qu’en faisait déjà le gouverneur de Bourgogne, Gaspard de Saux-Tavannes :

« Sans la faveur de la reine et de la cour, les ligues

des liuguenots n’eussent ni commencé, ni duré. »

Non moins que les catholiques, la coalition politico-hu } ; uenote inquiétait les grands seigneurs, qui se voyaient amoindris dans leur fortune par le progrès récent de certains de leurs égaux. Les ligues avaient trop bien réussi les dernières années pour qu’ils n’essayassent pas de ce moyen, dont l’iiérésie venait de tirer bon parti, et la confusion des intérêts religieux et temporels, qui entrait dans les mœurs du temps, se jusliliait chez les orthodoxes plus encore que dans l’autre camp. La première ligue catholique, qui s’organisa en Picardie, avait pour objectif d’empèclier le prince de Condé, hérétique relaps, de prendre possession de la province, que lui assignait le dernier traité ; elle avait pour instigateur le sieur d’Humières, qui ne voulait pas lui livrer la place de Péronne. Le duc de Guisk la généralisa entre princes, seigneurs et gentilshommes catholiques, et le manifeste de l’association unit en un même programme le bien [lolitique et religieux de la monarchie et réclama le retour aux anciennes libertés et franchises provinciales, que l’on attendait des prochains Etats généraux, dont le traité avait promis la convocation.

Moins exigeantes se montraient les classes populaires, qui ne se souciaient que de leurs croyances menacées. Paris, dont la population se distinguait par sa ferveur, par ses pratiques de dévotion multipliées, messes, réunions pieuses, prières publiques, pèlerinages (au témoignage d’un contemporain,.Michel DE Castelnau, cité par BAunniixvnT, L’Eglise catholique, la Henaissance et la liéforme, p. 1681Cg), Paris prit la tête du mouvement. On y avait mal accueilli le dernier édit de pacilication, et les listes d’adhésion à la nouvelle ligue, patronnées par les La Bruyère père et lils, et par le président au parlement Hennequin, rencontrèrent de la faveur, même dans le monde parlementaire. La haine de l’hérésie, en dehors de toute préoccupation politique, animait ceux que l’ambition des Guise laissait indilTérents, mais elle ne sullit pas à empêcher le premier président Christophe de Thon, porte-parole des gallicans, de mettre des entraves à la propagande, et même, quand le roi eut accepte l’association, d’en modiUer la formule, au nom de l’ordre public et des traditions monarcliii]nes.

Henri III l’avait pourtant adaptée aux droits de la couronne, en se proclamant le chef de la ligue, ipu ; seul, de par sa préro(çative royale, il devait faire servir au bien de la religion et de la monarchie. Il avait accepté à contre-C(L>ur la paix de Beaulieu, il devina promplement ce que la manifestation avait à la fois de dangereux et d’opportun, et prit la tête du mouvement pour prévenir la catastrophe qu’on pouvait déjà prévoir. Il écrivit en province h plusieurs reprises pour accélérer le développement de la ligue.

Là était le salut, mais il aurait fallu un autre clief, plus énergique, plus persévérant, moins déconsidéré aussi, inspirant conûance aux peuples, ne donnant pas prise aux exigences et aux passions d’une noblesse qui ne savait plus obéir. Trop soumis à sa mère, la fenimeaux i)etits moyens, Henri III. comme tous ceux de sa famille, ne rencontrait déjà plus que déliancp, crainte ou mépris, et tout lui manquait, en lui et autour de lui, pour réaliser le programme qui s’imposait, de grouper contre l’hérésie les forces catholicpies dont la monarchie disposait. L’opinion publique ne croyait les Valois capables que d’intrigues, de folles dépenses, de combinaisons mesquines ou louches.

Ce furent ces dispositions qui firent échouer les elTorts du monarque aux Etats de Blois, i ô^ô-iS^’j ; il ne put obtenir du tiers état, ni même du clergé, les ressources indispensables pour ouvrir la guerre contre les protestants ; le clergé, en prenant à sa charge et sous sa surveillance l’entretien d’un corps d’armée, donna la mesure de la contiance que la nation gardait aux Valois. D’ailleurs le monarque jusliha en quelque sorte l’attitude de l’oiiinion à son égard, en faisant assaut de ruses et d’intrigues avec les Etats pour rejeter sur eux la responsabilité de la déclaration de guerre, et prouva sullisamment qu’il manquait de l’autorité nécessaire, aussi bien que de netteté et de franchise. Jaloux de l’inlluence que prenait le duc de Guise, de l’activité qu’il déployait contre les hérétiques, il renonça à rétablir l’unité de religion, 2 mars 1577- La paix de Bergerac, qu’il signa peu de temps après, réduisit de moitié les concessions arrachées par les protestants, mais l’édit conlirmatif de Poitiers interdisait les ligues d’une manière générale et absolue, par conséquent les catholiques aussi bien que les huguenotes (art. 56, fin lâ^j). Celles-ci ne désarmèrent pas et préparèrent de nouveaux aliments et de nouveaux motifs de discorde.

Quant à la ligue catholique en voie de format ion, elle sedissipa d’elle même, abandonnée, puis condamnée par le pouvoir légitime. Néanmoins cette première concentration des forces orthodoxes leur avait donné conscience de ce qu’elles pouvaient, de ce qu’elles devaient, et, à côté des grands comme les Guise, chez qui la religion se subordonnait trop souvent aux intérêts privés, les classes inférieures de la nation, petite noblesse, bourgeoisie, le peuple surtout, villes et campagnes, plus généreuses, plus désintéressées, se rendaient coniptedesdangers qui menaçaientl’Eglise, étaient prêtes à défendre leur foi dans la mesure de leurs forces. Elles avaient montré que les Français savaient s’unir dans ce but, répondre à l’appel que leur adressaient leurs chefs naturels, ou à leur défaut ceux qui consentiraient, pour n’importe quel motif, à prendre la direction du mouvement.

La situation anormale dont nous avons parlé s’accentua les années suivantes ; le divorce se consommait entre la nation et son souverain, et les événements préparaient la première à se lever en armes contre l’hérésie. Le règne des mignons, accompagné de dépenses insupportables, les abus grandissants d’un régime qui s’enfonçait de plus en plus dans une politique arbitraire et d’expédients, surexcitaient partout le mécontentement et une sourde irritation, qui couv.T longtemps, ne se manifestant que par des doléances passagères ou des désobéissances isolées. Peut-être n’eùt-elle ])as éclaté en une conflagration générale, dit M Mahirjol (Iliui, p. 289), sans la redoutable inquiétude que sonlevala mort duduc il’.Anjou, dernier rejeton des Valois. La France catholique se résignait à être gouvernée par un mauvais roi, elle frémissait d’horreur à l’idée de tomber aux mains d’un tyran hérétique. Abandonnée i)ar les politiques, gallicans, parlementaires, même par le haut clergé concordataire, elle triompha néanmoins avec l’appui de la papauté, et en maintenant ses attaches avec l’Eglise romaine, dont ces chrétiens timides faisaient bon marché.

II. La ligue catholique de 1884 et la politique des Guise, ITtH’i-l.’jHd. — La mort du duc d’Anjou, le 10 juin 1.58^, remit en présence le roi et la nation comme au temps de la pai.x de Beaulieu, mais en même temps, l’Europe catholique et l’Europe | protestante. Ib’nri III espérait toujoiirs avoir des enfants, ne comptant encore que 33 ans, et il pouvait se retrancher derrière ce prétexte |)our écarter la