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1869

LIEUX SAINTS (AUTHENTICITE DES)

1870

et les écrivains, qui allirment unanimement ce fait, l’interprètent, par une pente assez naturelle, comme une tentative volontaire pour détruire les souvenirs de la Passion et de la Résurrection du Sauveur. Quant aux auteurs de cette impiété, Eusèbe, suivi par tous les historiens grecs les plus anciens, ne les désigne que d’une manière vague : y.dtot rtvsç v.v.i o-j-jzt-Ctf : . Saint Jérôme (Ep., Lviii, 3, P. I.., XXII, 581) fait remonter les travaux au temps d’Hadrien, et c’est cet empereur qui aux yeux de la tradition en a gardé la responsabilité. Bien que le relief du terrain ait déjà pu cire modifie lors du siège de 90 (cf..Tosk-PHE, B, J., V, ^^I, 3), il est de fait assez naturel que le Veneraiium du Golgotlia ait été élevé lors de la reconstruction et des embellissements d’Aelia Capitolina, à l’époque d’Hadrien. S’il était démontré que l’emplacement fut choisi tout exprès pour faire pièce aux chrétiens, nous posséderions du coup une chaîne de tradition moralement ininterrompue, puisque le sanctuaire d’Hadrien existait encore au temps de Constantin, et que la persistance du culte ou des souvenirs chrétiens en 136 ne pouvait se fonder que sur une tradition apostolique.

Malheureusement, le fait d’une intention antich ré tienne de la part d’Hadrien n’est pas sullisamment démontré. De VooiiÉ (Aoiice archéologique sur tes monumenls encore existants en Terre Sainte et qui iint r » les événements racontés dans les Evangiles, en append. à l’éd. de 1870 de : Les Eiang. et la crilir /iie au A/X" siècle, par Mgr Meignan. pp. 463-464) attribue à Hadrien une intention politique : voulant, suivant la pratique romaine, absorber le culte local au lieu de le détruire, il aurait substitué au culte du Christ mort et ressuscité le culte analogue d’Adonis-Tammouz. Wilson (Golgotlia, p. g3) en appelle même à la similitude de nom entre le Golgotlia et Golgos, fils d’.starte et d’Adonis, fondateur de la ville de Golgoi en Chypre, où se trouvait un grand temple d’-Vslarte. Pour notre part, nous inclinerions à croire que le choix de l’emplacement du grand sanctuaire eut des raisons purement topographiques. Un coup d’ail jeté sur un plan hypsométrique de Jérusalem, par exemple celui de Kuemmel, montrera que l’église actuelle du Saint Sépulcre occupe une sorte de plate-forme en bordure de la grande rue à colonnades qui traversait la ville du N. au S., et au point le plus élevé de la partie centrale de cette rue, entre les deux tétrapj-les C’est exactement la situation du grand temple de Djérach, presque contemporain d Aelia. Le choix de remplacement aurait donc été commandé par le relief du terrain, et la superposition du sanctuaire d’Hadrien aux souvenirs chrétiens aurait été purement fortuite.

Comment rejoignons-nous alors la tradition de l’âge apostolique ? La continuité des traditions chrétiennes, bien qu’on ne la trouve affirmée d’une manière explicite que chez des écrivains postérieurs, reste possible etmème probable. C’est ce qu’accordent par exemple Gitbk (Art. Grah dans la lieulencycl., VII, 48), ÂViLsox (Golgotlia, p. 69), Sanday (Sacred sites, p. 77). Mais par bonheur, l’emplacement du Golgotlia était consacré en outre par une tradition juive très ferme. Xous avons vu les Evangélistes appeler le Calvaire le lieu du crâne, comme d’un crâne déterminé et connu. Cette appellation ne peut venir de l’aspect du rocher : saint Epiphane nous le dit positivement (ffær., XLVI, v, P. G., XLI, 8’14 C) ; elle fait allusion à la tradition juive qui mettait au Golgotlia le lieu de la sépulture d’Adam. Ce rapprochement n’est pas une rêverie de la mystique chrétienne ; il nous est rapporté par un bon nombre d’écrivains anciens qui, quoique chrétiens, en allirment l’origine judaïque : le Poema contra Marcionem (11, 4, P. L., II,

io6-C), OnK ; KNB(/H Jif<., ser., 126, / ». C, XIII, 1777 C), Ambhoise (£/ ;. Lxxi, 10, P. t., XVI, I243), In Lc, s., 1 14, P. L., XV, 1832), Epiphane (l.c), Athanase ( ?) (In Passionem et Crucem liomini, xii, I’. G., XXVIII, 208 A), lÎASiLE DE Césarée (In /s., V, 141, P. G., XXX, 348 C), Basile de Skleucie (Orat. xxxviii, 3, P. G., LXXXV, 409 A) ; cf. aussi : Ad. Sculatter, Der Clironograph nus dem 10’"^ Jahre Antonins, Leipzig, 1894, pp. 83-86. Si l’on a peine à admettre que la petite communauté chrétienne de Jérusalem ait gardé l’exact souvenir des lieux témoins de la Passion et de la Résurrection du Sauveur, on admettra peut-être plus facilement que les Juifs n’aient i)as oublié le site assigné par leurs traditions ou leur folklore à la sépulture d’Adam. Du reste, dans leur récit de la découverte, Rufin, Paulin de Nole, Sozomène, Grégoire de Tours et XicÉPHORE Calliste nous disent ijositivement que des Juifs aidèrent par leurs indications à retrouver le site cherché.

La tradition chrétienne et la tradition juive s’appuient donc et se confirment l’une l’autre. Il est difficile de les rejeter toutes deux en bloc ; il est difficile d’expliquer, sans leur permanence jusqu’à l’époque de Constantin, sur quels indices on choisit l’emplacement à fouiller. Car, enfin, on dut bien avoir quelque motif pour chercher là plutôt qu’ailleurs, malgré les objections que l’inclusion dans la ville devait faire naître à première vue contre l’authenticité du lieu.

Une dernière objection reste à résoudre : n’est-ce pas justement, et uniquement, la présence d’un sanctuaire païen qui a fait choisir, pour y fixer la tradition chrétienne, le site actuel ? Ce serait un cas déplus à ajouter à d’autres déjà connus ; plus d’une fois, en effet, pour l’établissement de ses fêtes ou de ses sanctuaires, l’Eglise sut profiter des habitudes de dévotion païennes en se contentant d’en modifier l’objet. Dans le cas présent, auquel il faudrait ajouter du reste celui de Bethléem, aucune considération apologétique ne nous contraindrait à rejeter à priori cette hypothèse..Mais elle a contre elle deux choses : d’abord la préexistence très probable d’une tradition chrétienne antérieure au temple païen ; ensuite, le silence universel et complet de tous les auteurs ; il serait vraiment curieux que, dans un cas aussi illustre et aussi topique, la pieuse prestidigitation n’eût soulevé ni protestation ni critique dont l’écho ou la réfutation soit parvenu jusqu’à nous.

Nous sommes donc sérieusement fondés à admettre comme historiquement authentique l’emplacement traditionnel du Golgotlia et du Saint Sépulcre. Que si l’on veut descendre dans le détail des localisations, il est clair que la certitude diminuera d’autant. La saillie rocheuse du Golgotha, bien que peu accentuée (cf. Epiphane, 1. c), dut être facilement reconnue lors du déblaiement ; le trou actuel de la Croix est évidemment d’une authenticité beaucoup plus douteuse. Xous ne savons pas non plus, il faut l’avouer, sur quels indices précis on retrouva le Sépulcre de Jésus ; mais le souvenir de son emplacement avait pu rester assez présent pour qu’on le reconnût parmi les quelques tombes contemporaines du voisinage ; nous nevojons pas que de fait on ait hésité à l’identifier (cf. Gcthe, I ! ealencycl., U, 48) Quant aux autres endroits actuellement vénérés, pierre de l’onction, prison du Christ, etc., ils appartiennent, selon toute vraisemblance, à la catégorie des Lieux Saints commémoratifs. C’a été un besoin naturel de la piété de localiser autour des sites vraiment historiques les scènes environnantes de l’Evangile ; mais l’exactitude de ces identifications de détail ne peut s’élever au-dessus d’une pieuse vraisem-I blance.