Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/938

Cette page n’a pas encore été corrigée

1863

LIEUX SAINTS (AUTHENTICITE DES)

1864

adresser les actes de culte ou de respect. Rattacher les souvenirs à des lieux précis n’est à ses yeux qu’un moyen^’aviver la pitié ; moyen d’autant plus efficace que le site sera plus certainement aulbentique et mieux conservé ; mais, quant à juger historiquement cette authenticité, l’Eglise sait que c’est là chose humaine, dont peut se désintéresser son magistère divin. Elle accepte les conclusions raisonnables des sciences, mais sans prétendre en définir ou en sanctionner la valeur, et sans rougir d’abandonner, quand il le faut, des positions nettement démontrées intenables. Ainsi comprise, selon le vrai sens de l’Eglise, la vénération d’un lieu saint, même inauthentique, n’implique pas plus d’idolâtrie que celle d’une image du Sauvem’, évidemment dilïérente de l’original. L’Encyclique Pascendi l’a excellemment montré en parlant des apparitions et des reliques :

«.Ypparitionis cujusvis religio, prout factum ipsum

spectat et relativa dicitur, conditionem semper habet implicitam de verilale facli ; prout vero absoluta est, semper in veritale nititur ; ferlur enim in personas ipsas Sanctorum qui honorantur. Similiter de Reliquiis dicendum. d Que si les âmes trop simples l’entendent autrement, et semblent vénérer matériellement les pierres elles-mêmes, la faute en est, non à l’Eglise, mais à leur manque d’instruction.

La principale cause de confusion et de scandale dans la question présente est l’abus ou l’emploi équivoque du mot tradition. Il ne faut pas oublier que la tradition, en matière religieuse, est de deux sortes : dogmatique ou historique. La première, appelée souvent par antonomase la Tradition, est garantie par l’assistance divine et le magistère de l’Eglise, la seconde ne l’est pas ; mais la similitude du nom lui fait parfois attribuer par inattention une autorité qui n’appartient qu’à la Tradition dogmatique. L’Eglise, elle, maintient la distinction : « Quum autem de piis tradilionilms judicium fuerit, illud meminisse oportet : Ecclesiani tanta in hac re uli pi’udentia, ut tradiliones bujusraodi ne scripto narrari permiltat nisi cautione multa adbibita præmissaque declaralione ab Urbano Vlll sancita ; quod etsi rite liât, non tamen facti veritalem adserit, sed, nisi humana ad credendum argumenta dcsint, credi modo non prohibet. » (Encrrl. Pascendi.) Quand donc, en considération d’une tradition historique respectable, elle permet la vénération d’une relique, concède une fête commémorative, jittachc des Indulgences à la visite d’un lieu saint, elle ne réclame, en faveur du fait qui fonde sa concession, qu’un acte de foi purement humaine, proportionné à la valeur des arguments fournis : « Pie credenda, lide tantum humana, juxta piam, uti perhibent, Iraditionem etiam idoneis testimoniis ac nionumentis conlirraatam. » (Décréta aiithentica S. C. Jiitiium, lll, 3336 ; cf. ib. 3419 ; et J.-V. Bainvbl, De Magisteriu vivo et Traditione, ujoS, n° 107, ])p. I14-i 15 ; n" 121, p. 129).

Au sujet des Lieux Saints, il ne peut être question de tradition dogmatique ; même à supposer démontrée en bloc leur inauthenticité, ni le dogme ni l’autorité doctrinale de l’Eglise ne seraient compromis. Du point de vue apologétique, la question se réduit donc à savoir si l’Eglise a agi sagement en encourageant par des faveurs spirituelles la vénération des sites en (luestiou. Nous sommes en présence, non de la Tradition, comme on le dit parfois, mais de traditions humaines, à examiner selon les règles de la critique historique. On verra du reste que de cet examen la sagesse de l’Eglise ne sort nullement diminuée.

II. Inventaire et critique des sources. (Cf. : P. II. Vincent : Jérusalem, t. 1, fasc. i, introd..

pp. 1-37.) — Avant de discuter en détail les traditions relatives aux principaux Lieux Saints, nous dresserons une sorte d’inventaire sommaire des sources, en donnant quelques principes généraux sur leur valeur relative et leur utilisation.

1° Les Livres Saints.

2* Les Apocryphes, qui ne doivent être cités ici que pour mémoire. Le peu d’historicité des faits qu’ils racontent serait presque suffisamment prouvé par l’absence totale de localisations : tout se passe en pays de fantaisie, non en terrain réel. La contribution est donc ici pratiquement nulle.

3° Les écrivains, spéaialement Eusède, saint

JÉRÙME et JOSÉPHB.

4° Les pèlerins, itinéraires, descriptions et récits.

5° Les traditions juives et populaires.

C° Les monuments et les fouilles. ^ Outre les édilices et les ruines situés sur l’emplacement même des Lieux Saints, il faut citer encore les monuments ligiiratifs, tels que les ampoules du Trésor de Monza, la mosaïque de Sainte-Pudenlienne à Rome, et surtout la grande mosaïque géographique de Madaba.

Ces sources une fois énumérées, quels principes généraux de critique peuvent guider dans leur utilisation ?


Deux grandes catégories se distinguent au premier coup d’oeil : les sources monumentales et les sources écrites. Deux méthodes défectueuses consisteraient à se servir exclusivement soit des unes soit des autres.

Les monuments ont une valeur de tout premier ordre, celle de témoins souvent très anciens, parfois contemporains des faits. Le malheur est qu’ils ne portent d’ordinaire ni leur désignation ni leur date ; et l’exiguïté des fragments retrouvés, le remploi des matériaux, la persistance de certains procédés de technique architecturale, feront parfois hésiter les meilleurs juges, comme c’est le cas pour l’enceinte du Temple de Jérusalem, entre des extrêmes aussi distants que Salomon et Justinien ! L’antériorité de telle ou telle construction par rapport à l’époque de I.-C. sera donc un problème toujours délicat, souvent insoluble par la seule arcliéologie. Il faudra d’ordinaire interpréter les monuments d’après les sources écrites, mais sans oublier qu’il y a des cas d’évidence où les résultats d’une fouille priment toutes les théories et tontes les relations de témoins non oculaires.

Nous avons mentionné parmi les monuments figuratifs la carte mosaïiiue découverte en 1897 àMadaba en Transjordane. Datant probablement de la première moitié du vi’siècle, elle représente, outre une partie de la Basse Egypte, la Palestine méridionale avec Jérusalem. Les noms de lieux sont indiqués, avec de brèves notices historiques ou des textes d’Ecriture ; les édifices eux-mêmes sont figurés avec un souci d’exactitude qui a en bien des cas éclairé l’histoire des sanctuaires chrétiens.

Quant aux sources écrites, la première est l’Ecriture. Abstraction faite de l’inspiration et de l’inerrance, et supposant seulement dcmonlrée l’historicité des Evangiles, c’est à eux qu’il faudra avant tout recourir ; et leur témoignage, malheureusement fort rare, devra avoir, au regard même de la critique, une valeur souveraine et éliminatoire.

Parmi les écrivains, le plus ancien est Josf : pnB : la Guerre Juive parut entre 7.1 et 79, les Antiquilis Juives en gj. Josèphe ne parle directement de Jésus qu’une fois (A. J., XVIU, iii, 3’) ; mais les nombreuses indications topographiques fournies par ses deux

1. La capitulation de Josi’phe est donnée d’après l’édition de (j. Dindorf, Parts 1865.