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1859

LIBERTE, LIBRE ARBITRE

1860

An six’siècle, Pie IX revendiqua, contre le traditionalisme, l’aptitude de la raison humaine à établir le fait du libre arbitre (i 855). Proposition de BoNNETT Y, 2, D. B., 1650 (1506). Le concile du Vatican signala, parmi les caractères de l’acte de foi salutaire, la liberté, qui en fait un acte méritoire d’obéissance rendue à Dieu sous l’influence de la grâce (24 avril 1870), Sess. III, Constitutio dogmatica de fide catliolica, 3, D. B., 1791 (iC40).

III. Controverses pendantes sur le libre arbitre. — Les délinilions de l’Ejjlise, en protégeant la doctrine du libre arbitre contre les erreurs qui la compromettent par excès ou par défaut, laissent un large cliamp ouvert à la discussion. Dès qu’on entreprend de concilier l’exercice du libre arbitre avec la prescience divine et le gouvernement divin, spécialement avec les opérations de la grâce, on rencontre le mystère. Saint Aucrsnx le constatait déjà, Liber de gratia Christi, xLvii, 52, P. L., XL1V, 383 : Isla quæstio, uhi de arbitrio vtiluntatis et Dei gratia dispiitatur, ita est ad disceriiendum di//icilis ut qtiando defenditur liherum arbitrium, negari Dei gratia videatur, qnando autem asserilur Dei gratia, liberiim arbitrium putelur auferri. Sur cette question diflicile entre toutes, la pensée thcologiqiie a enfanté des systèmes, dont l’exposition détaillée serait déplacée ici. Nous ne dirons qu’un mot des célèbres controverses /Je auxiliis (grutiae) qui, à la lin du xvi » siècle, mirent aux prises deux écoles, sur une question toujours pendante.

L’une et l’autre école prétendait bien exposer la doctrine catholique conformément à la pensée du plus illustre Père de l’Eglise latine, saint Augustin, et du plus grand des scolastiques, saint Thomas d’Aquin. Mais pour expliquer les déterminations du libre arbitre, elles suivaient des voies différentes. La première école insistait principalement sur le souverain domaine de Dieu, moteur premier et universel, et le dominicain Ba.Xez, représentant extrême de cette tendance, faisait tout procéder d’une prédétermination pliysique, œuvre deDieumêrae, en vertu de ce principe par lui énoncé, In. I, q. 14, a. 13 : [Deus] est prima causa dans esse et i-irtutem et determinationem omnibus causis. L’autre écolerevendiquait pour la volontélibre l’initiative de ses déterminations ; elle rendait d’ailleurs compte de l’infaillibililé du gouvernement divin par la connaissance que Dieu a des déterminations liypothétiques de la volonté créée, connaissance à la lumière de laquelle il choisit les moyens convenables pour mener la créature à ses lins. C’est le système de la science moyenne, développé par le jésuite Moi.ina dans son livre célèbre : Liberi arbitrii cum gratine donis, divina præscientia, providenlia, prædestinatione et repnibatinne Concordia, publié pour la première fois à Lisbonne en 1588. Cette divergence fondamentale avait pour corollaires des conceptions différentes touchant le partage et la nature des grâces ; touchant le rôle du libre arbitre sous l’action de la grâce, selon la définition du Concile de Trente (sess. vi, can. ! ^, D. B., 814 [693]) ; touchant la tliéorie de la libertchumaine.

Dès son apparition, le livre de Molina fut dénoncé par Bafiez à l’Inquisition d’Espagne, et ce conflit entre deux théologiens devint la querelle de deux ordres religieux. Les dominicains accusaient la doctrine moliniste de restaurer le naturalisnie pélagien ; les jésuites reprochaient aux propositions bannésiennes de favoriser les erreurs protestantes sur le serf arbitre.

En ir)g4, , CLKMKNr’VIII évoqua la cause à son tribunal. Ce fut le signal des discussions fameuses qui s’ouvrirent en fait le 2 janvier 15g8 et durèrent dix

ans. Les dominicains y furent représentés par leur Maître général Beccaria, par les théologiens Alvarez, Ripa, Lemos, par le cardinal Berneri (Asculanus) ; les jésuites par leur Général Aquaviva, par les théologiens’Vasquez, Cobos, Arrubal, Bellarinin (bientôt créé cardinal), ’Valentia, Bastida. Après la mort de Clément Vlll (5 mars 1605), les débals reprirent sous Paul . Ils furent clos le 28 août 1 607 par une séance que présida le pape en personne, et à laquelle prirent part les cardinaux Pinelli, Berneri, de Givry, Blanchetto, Arrigone, Bellarinin, BufTalo, Taberna, du Perron. Le jjrocès-verbal de cette réunion, écrit de la propre main de Paul’V, a été retrouvé par le P. G. ScuNKEMANN.S. J., à la Bibliothèque Borghèse, et publié par lui en 1881 (Contro^’ersiarum de divinae gratine Uberique arbitrii concordia initia et progressas, p. 287-291. Reproduction phototypique à la fin du volume). En voici les conclusions. Sur les neuf consulleurs, trois se prononcèrent dans le sens bannésien, l’un avec beaucoup d’énergie (cardinal Berneri), les deux autres mollement (de Givry, Blanchetto ) ; deux parlèrent très énergiquement dans le sens molinisle (Bellarmin et du Perron), les quatre autres ne se prononcèrent pas. Voici le jugement personnel de Paul V :

Touchant la grâce divine, le Concile (de Trente) a défini que nécessairement le libre arbitre doit être mû par Dieu ; la ditBcuIté est de voir s’il est ntù pliysi(]uement ou moi-alement. Il serait bien désirable qu’on pùl écarter ces discussions de l’Eglise de Dieu, parce que les dissentiments engendrent souvent des erreurs, c’est pourquoi il importe de bien trancher les questions. Toutefois nous ne voyons ] » as que celle nécessité existe, parce que l’opinion des Dominicains dilTt-re beaucoup de celle de Calvin, atteiuîii qu’ils disent que la grâce ne détruit pas le libre arbiti’mais le perfectionne et fait que l’homme agi là sa manière, c’est-ù-dire librement : les Jésuites diffèrent des pélagien ^ qui mettaient en nous le commencement du saint, car lU atîîi’ment tout le contraire. Donc aucune nécessité ne presse d’en venir à une définition ; on peu ! remeltie l’alYaire, en attendant que le temps porte conseil. Quant à la proposition de faire une constitution pour déclarer les points qui sont hors de controverse, elle paraît inopportune, parce qu’elle n’est pas nécessaire et donnerait prise aux railleries des hérétiques ; s’il y a des jjfnpositions fâcheuses, on peut en recueillir quelques-unes et le saint Otlice pi’océderait contre ceux qui les ont émises.

On peut donc examiner plus mûrement cette question paiticiiliêre des propositions îi censurer) et en conférer avec les universités et les autres tliéologiens.

Que les censeurs regagnent leurs résidences ; que leurs secrétaires demeurent (ce qui fut tt|)prouTê de tous) ; qu’ils ne ]> ; irlent pas des résolutions et des discours tenus en congrégation ; qu’ils disent seulement que Nous ferons connaître plus tard la décision ; qu’en attendant, les censeurs et orateurs ont re^n leur congé. Nous avons défendu sous peine de censures de parler de tout ceci, même aux consulleurs.

Malgré ce dénouement, quiconsacrait le statu qu", le bruit se répandit, et fut entretenu avec persévérance, qu’à l’issue des controverses De auxiliis une bulle de condamnation contre la doctrine molinisle était toute prête, et que des raisons d’ordre politique en avaient seules arrêté la publication. On invoquait de prétendus ^Icta des Congrégations De auxiliis, attribués à Fr. Peila (}- 1612), auditeur île Rote, cl à Th. de Lemos, O. P. (f 1629). qui avaient été mêles à ces débats ; on produisait même le texte de la bulle de condamnation Apres un demi-siccle. Innocent X intervint (28 avril i(j5.’|) pour déclarer que ces documents ne méritaient aucune confiance : nullam ommino esse fîdem adliibendam, neque.,. allcguri passe aiit debere. Il y avait eu, de fait, un projet de bulle, dfi à la plume de Pierre Lombard, archevêque d’Arinagh ; mais ce document, œuvre d’un théologien