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LIBERALISME

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soutenue par aucun lliéologien calliolique autorisé ». — C’est un inconvénient grave, en elFet ; mais ce qui est beaucoup plus grave, c’est que l’Eglise enseigoe et impose une doctrine toute difTérente. Un autre écrivain catholique, historien de très grande valeur, membre de l’Institut, M. Imb.vut de La Tour, a, dans le Bulletin de la Semaine (2, 8 août, 20, 37 décembre 1911, 10 et 17 janvier 1912), à propos d’un livre du P. Laberthonnicrc, et d : in5 une réponse étendue aux critiques faites dans les Etudes, 5 octobre igi I, par le P. Yves de la. Bkiërb, formulé une doctrine qui nous ramène bien en arrière, aux jours où le libéralisme religieux doctrinal s’alfirmail delà façon la plus nette. Le savant professeur est, dans ses divers écrits, l’adversaire décidé de la thèse traditionnelle, sanctionnée à diverses reprises par le Magistère infaillible. Son réquisitoire habile, courtois, n’est pas, quoique généralement mesuré, exempt de passion, et l’on peut y surprendre, en plus d’un endroit, une ardeur qui cadre mal avec la gravité requise chez l’historien ou l'écrivain qui ]>énètre lans le champ de la théologie. — M. Imljart de La Tour, n’est pas le premier venu, son manifeste — je puis bien lui donner ce nom — est un événement dans le monde de la pensée catholique, car il est l’expression éloquente, raisonnée et savante, d’un groupe nombreux de jeunes hommes qui semblent avoir trop oublié et trop peu appris. Les vieilles discussions soulevées par l’Ai’enir sont engagées de nouveau. Depuis quelques années, elles reprennent vie et chaleur. Je n’accuse personne en particulier de mépris, pas même d’indilTérence pour la parole des Souverains Pontifes ; mais je n’en ai pas moins la ferme conviction que des doctrines condamnées par l’Encyclique Mirari vos de GniÎGoiUE XVI, par l’Encyclique Quanta cura de Pie IX, par l’Encjclique linniortale Del de LiioN XIII, trouvent souvent place aujourd’hui dans des publications ou des discours faits au nom et dans les intérêts de la religion. Nous avons donc le devoir impérieux de dire le droit et la vérité, et d’exposer dans son intégrité, sans l’exagérer et sans diminuer, la doctrine traditionnelle et catholique. C’est ce que nous allons faire, après que nous aurons consacré quelques lignes à ce qu’on peut appeler le Libéralisme économique.

Noie sur le Libéralisme économique.

h’Economie sociale est, à bien prendre la chose, a La science des lois qui doivent gouverner l’activité humaine, dans l’ordre des intérêts matériels de la société ».

Le socialisme inscrit en tête de son programme : propriété collective et nationale des instruments de travail ; administration des forces économiques exercée directement par l’Etat, représentant la démocratie.

L'école catholique et traditionnelle cherche la solution de la question sociale dans la liberté individuelle el corporative, aidée par l’Etat, ins[)irée par l’Eglise, par la justice et par la charité chrétienne.

L’Ecole libérale a pour devise : liberté individuelle absolue dans l’ordre économique ; abstention de l’Etat.

Le libéralisme économique applique dans l’ordre des intérêts malcTies le postiilatum de la liberté, si cher à tous les libéraux. Tous les maux proviennent des restrictions imposées à la liberté. La liberté dégagée de toutes les entraves est le seul élément de progrès, d’harmonie et de paix sociale. Les partisans de cette école aiment à répéter que l’Intérêt personnel amènera infailllblrment l’individu libre à agir pour le plus grand bien du corps social,

et que la libre concurrence est une loi providentielle d’harmonie entre les diverses classes sociales. L’intérêt personnel, mobile unique de l’activité économique ; la libre concurrence, principe fécond de prospérité ; des lois naturelles produisant nécessairement l’harmonie sociale, voilà les dogmes fondamentaux de la jeune école libérale.

Les premiers, les pliysiocrates, au xviii' siècle, disciples de la philosophie de l’Encyclopédie, ont avec QuESNAY, Le Tros.ne, Tchgot, conformément à la philosophie de l'époque, enseigné que le sensualisme est la base de la morale et de la société, que les lois fondamentales de la vie sociale découlent des besoins physiques de l’homme, que l’action du gouvernement doit tendre uniquement à assurer la liberté des conventions par lesquelles les hommes disposent de leur propriété, qu’il ne faut demander à la loi qu’une seule chose : permettre aux hommes de prendre leur intérêt personnel pour seul guide. Et en tout ce qui ne nuit pas à la liberté d’autrui : laisser faire, laisser passer. »

Adam Smith, le chef de l'école anglaise.s’est inspiré des idées et des travaux des physiocrates, pour construire un système d'économie politique d’après un ordre de libeité naturelle daus laquelle tout se meut sous la loi de l’intérêt. Dans la formule que Say donne de l’Etat, aucune sauvegarde n’est accordée aux intérêts supérieurs de la morale publique ou de la protection des faibles.

En France, avec J.-B. Say, avec Joseph Gabnier, et avec de Molinari, le représentant le plus brillant de l'école libérale a été Bastiat. Pour lui, le but supérieur de l’homme, c’est la jouissance. Il aime à comparer la mécanique sociale et la mécanique céleste : toutes deux sont appelées par une loi naturelle à produire l’ordre el l’harmonie dans leur sphère respective. Sous une autre forme, il reproduit la formule célèbre des physiocrates : le monde va de luimême. De nos jours, et sous la pression des événements, ce libéralisme s’est singulièrement atténué. .insi M. LeroyBbailieu s’est pleinement rallié aux mesures établies en. gleterre pour la iirotcclion du travail des femmes et des enfants. En principe, les économistes modernes admettent une certaine restriction à la liberté du travail, dans le cas où l’hygiène et la morale publique se trouvent gravement compromises. En fait, ils rejettent dans bien des cas cette intervention de la loi. — A cette fraction modérée on peut rattacher, dans une certaine mesure et avec des nuances très variées, un groupe de catholiques très antilibéraux en religion et en politicpie, et qu’on peut appeller semi-libérau.r en économie sociale, qui a pris le nomd’Eccle d’Angers, et qui aime à interpréter, en les ramenant à un minimum, les enseignements de l’Encj’clique lierum nmaruni, en opposition avec l’Ecole plus stricte, dite Ecole de Liège.

III. Critique et discussion. — Précisons ce que nous entendons par le Libéralisme, suivant sa signification condamnée et condamnable. Il consiste dans la négation plus ou moins accentuée de la dépendance de rhonime envers Dieu et envers ceux qui participent à son autorité souveraine : c’est la rupture plus ou moins complète avec l’ordre voulu et établi par Dieu.

Dans l’ordre social et politique, le libéralisme tend à l’alTranchissement (les sociétés vis-à-vis de Dieu même, et vis-à-vis de Jésus-Christ et de son Eglise.

Le libéralisme, qui allirme l’indépendance de l’Ktat à l'égard de Dieu, n’a jamais été professé, que je sache, par aucun catholi<jue.