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LIBERALISME

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donner une brève analyse. Les calboliques, dit Montalembert, sont généralement faibles et impuissants dans la vie publique. Pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas encore pris leur parti de la Révolution qui a enfanté la société nouvelle. Or le fait évident, c’est que la démocratie grandit toujours ; ce déluge monte sans cesse. Pour qu’elle ne soit pas funeste, il faut corriger la démocratie par la liberté ; concilier le catholicisme avec la démocratie. Voilà ce que doivent faire les catholiques. Pour y arriver, qu’ils renoncent au vain espoir de voir renaître un régime de privilèges, ou une monarchie absolue favorable à l’Eglise ; qu’ils ne donnent aucun prétexte aux déliances populaires. La démocratie réclame avant tout deux choses : l’égalité politique et la liberté religieuse ; lorsqu’ils l’auront pleinement rassurée là-dessus, les catholiques pourront lui apprendre à aimer aussi la liberté politique. Celle-ci est nécessaire à l’Eglise ; elle lui est plus avantageuse que la protection des rois ; le catholicisme français fut plus brillant au temps de l’Edit de Nantes qu’après la Révolution ; la religion, impopulaire sous Charles X, a retrouvé son prestige sous Louis-Philippe. C’est ce que n’ont pas couqiris certains catholiques français, imiirudemiuent ralliés à l Empire. Certes, la démocratie est menacée par de grands dangers, l’esprit révolutionnaire, la jalousie contre toute supériorité, les progrès d’une centralisation étoulfante. C’est la religion qui peut remédier à tous ces défauts, pourvu que les catholiques inspirent pleine confiance dans leur sincérité.

Le second discours de Montalembert est consacré spécialement à la liberté religieuse. Les catholiques se délient d’elle, et à tort. Ils la croient d’origine antichrétienne : c’est l’Eglise qui l’a inaugurée au tem])S des martyrs. Ils la voient invoquée surtout par les ennemis de l’Eglise ; mais ce sont précisément ces derniers qui l’ont violée contre les catholiques, pendant la Réforme et la Révolution. Ils croient que l’Eglise perdra au régime de la liberté, mais elle n’a rien à y perdre : la protection des gouvernements absolus en Espagne, en Portugal, en Piémont, a provoqué des réactions furieuses contre l’Eglise. Elle n’a qu’à y gagner, puisque dans la plupart des pays européens les catholiques souffrent surtout du manque de liberté. Les témoignages de nombreux évéques prouvent que ce régime na rien de condamnable. Faudra-t-il donner aussi la liberté, à l’hérésie, à l’erreur ? Oui : la persécution faite au nom de l’Eglise est aussi odieuse que la persécution dirigée contre elle. N’imitons pas la déloyauté de certains catholiques inlidèles à leurs promesses. Le droit commun est à l’heure présente le seul asile de la liberté religieuse. L’Eglise aujourd’hui est assez forte, assez vivante pour n’avoir rien à craindre de la liberté donnée à tous. Il y avait là une paraphrase de la formule célèbre : L’Eglise libre dans l’F.tul libre.

Les discours de Montalembert em-ent un retentissement énorme. Comme après le concile de Ilimini, saint Jérôme aurait pu dire que le monde se réveilla étonné d’être libéral. Rome, moins accessible aux surprises d(^ l’cnlhousiasme, se recueillit. Elle pratique volontiers les sages temporisations, et personne mieux qu’elle ne connaît l’art de se taire et de parler quand il faut. Pib IX s’abstint d’un blâme public, il se contenta de faire témoigner son mécontentenu’ut à Montalembert par une lettre confidentielle du cardinal Antonelli. Le grand orateur ne parut pas au second congrès de Malines, en 186, ’i ; mais comme le libéralisme sous cette forme plus récente n’était pas en(H)re ofliciellement condamné, Mgr DuPANLoui’et le P. Félix lui-même allèrent en

Belgique, soutenir des idées semblables à celles de leur ami. Le célèbre conférencier de Notre-Dame, dont l’esprit de mesure était bien connu, aflîrma que l’Eglise, après avoir résisté à la persécution comme à la protection des rois, saurait bien s’accommoder de la liberté : il en donnait comme preuve la Grande-Bretagne « où chaque degré ascendant de la liberté publique mesure le progrès croissant delà vie catholique », et l’Amérique « où cinquante nouveaux diocèses, fondés en moins de cinquante ans, montrent, à ceux qui savent voir et comprendre, comment la liberté nous tue ».

Pie IX répondit aux libéraux et à leurs défenseurs, trois mois après — 8 décembre 1864 — par l’Encyclique Quanta cura, et par le Syttabus qui y était joint.

La promulgation de l’Encyclique Quanta cura et du Syllabus (voir ce mot) fil entrer le libéralisme catholique dans une troisième phase.

Troisième période du libéralisme catholique. Commentaires de l’Encyclique et du Syllabus. Mgr Dupanloup. Conciie du Vatican. Pontijicat de Léon XIII.

— La publication des documents pontificaux causa dans les rangs de l’école libérale un grand émoi, on le comprend. Toutes les phrases portaient contre eux ; c’était la condamnation de leurs idées et de leurs tendances ; il était impossible de s’j' méprendre.

— Il paraît que MoNrALp ;.MDi ; RT, Coc.hi.n, Bkoglie, étaient d’avis de renoncer à la lutte et de quitter le Correspondant : c’était là le parti le plus sage à prendre ; — FoissET, Mkaux et Fali.oux pensèrent autrement, et Mgr DupANLOUP jugea comme eux. L’action de l’illustre évêque d’Orléans devint prépondérante ; l’iniluencc considérable qu’ilexerça, servie par toutes les ressources d’une riche nature, était en outre rehaussée par l’éclat des services rendus, par une piété sincère, par une austérité de vie sacerdotale édifiante, et par un dévouement que rien ne lassait. — Il se mit à l’œuvre, et avec la rapidité comme foudroyante qui caractérisait son mode d’agir, il fit paraître la célèbre brochure qui avait pour titre : La Convention du 1.’} septembre et l’Encyclique du 8 décembre ISC’i. Presque tous les évêques du monde catholique en reçurent un exemplaire. Six cent trente envoyèrent à l’auteur des félicitations ou tout au moins des remerciements. Pie IX, à qui Mgr Duiianloup fit liomluage de sa brochure, répondit par un bref assi/ vague, et dans lequel, pour qui sait lire, il est facili de saisir une réserve discrète. Rome ne blâmait pas cette explication minimisle de la vérité ; elle laissait passer, et la doctrine de l’Encyclique et du Syllabus, interiirèle de sa pensée olFicielle et publique, demeurait dans sa solide intégrité. Il }’axait un an — en août 1863 — que le savant évêque de Poitiers, Mgr Piii, qui parlait toujours en docteur, avait exposé dans sa Troisième instruction synodale sur les principales erreurs du temps, la pleine et sûre doctrine. Je ne sais pas d’écrit où l’erreur du libéralisme soit aussi clairement exposée et aussi solidement réfutée que dans ces pages de l’illustre successeur (le saint Ililaire. En fait, <piol(iue les mêmes tendances persistassent, habilement atténuées, l’école libérale fut en théorie plus pruilente et moins accentuée. — Les esprits réfléchis et qui ne se laissaient pas emporter par la passion, mauvaise conseillère, revinrent à nue plus saine appréciation des choses. Ecoutons Mgr d’Hlh.st qui, il l’avoue avec nue belle simplicité, était partisan de la thèse libérale ; son témoignage est de poids : « L’Encyclique de iS6/|… fut pour plusieurs une épreuve, mais une épreuve salutaire. J’étais à Home quand elle parut. J’achevais mes études théologicpies, et je n’oublierai jamais la surprise, l’émotion, l’inquiétude où me