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LIBERALISME

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15 août 183-2, fut un coup de foudre ; mais elle apporta la lumière, car rien n’est plus clair que l’Encyclique Miiari vos, si ce n’est l’Encyclique Quanta cura de PiK IX. L’acte pontitical révéla ce qu’il y avait au fond des cœurs. A de très rares e.xccplions près, les jeunes disciples du grand homme s’inclinèrent, et, nous dit un témoin de ce temps, l’année suivante, l’école étant dissoute et les élèves étant rentrés dans leurs diocèses respectifs, les évêques exigeant un acte de soumission à TEncyclique, cet acte de foi fut signé avec un esprit de foi parfaite : M. de Lamennais resta seul à la Chênaie abandonné.

Ici finit la première période du libéralisme catholique. Et il y eut jusqu’à 1848 une époque où les catholiques militants, voulant forcer le régime de 1830 à tenir sa promesse, menèrent contre le monopole universitaire et en faveur d’une sérieuse liberté d’enseignement, une campagne bien conçue dont Dieu devait tinir par bénir les efforts. On peut lire dans les Mélanges de Louis Veuillot, dans les œuvres du comte i>E MoNTALEMBBRT, dans les discours du Père LAConovinB, dans les écrits simples, clairs, d’une logique irréfutable du grand évêque <le Langres, Mgr Pauisis, tout ce que cette défense des droits de la famille a inspiré de pages enflammées parla passion surnaturelle, et rehaussées par l’éclat d’une forme magnifique. Que, dans le feu et la poussière de la bataille, l’on n’ait pas quelquefois un peu oublié les principes de l’Encyclique et que, dans l’entraînement de la polémique journalière, il ne soit pas arrivé aux catholiques de ne pas assez se tenir sur le terrain strictement lé)ial, dans l’hypothèse. comme on dira plus lard, en s’égarant sur le terrain de l’absolu, c’est ce qu’il est impossible de nier. C’est ce que le plus sage de tous, le plus fermement théologien, Mgr Parisis a confessé, en retirant plus tard du commerce la première édition de ses fameux dis de conscience politiques, et en en donnant une édition nouvelle, bien différente de l’ancienne.

Sur ces entrefaites, éclate la Révolution de 18^8. Nous louchons à la Seconde période du libéralisme catholique, /.a seconde République et le second Empire. Nomelle condamnation pontificale du libéralisme. — Avi lendemain de la journée du 2/1 février, tout le monde eut la fièvre, et il faut convenir qu’il y eut beaucoup d’excès commis de bonne foi et qui portaient leur excuse avec eux-mêmes.

L’Encyclique J/iVari paraissait bien vieille, ensevelie sous la poudre des années : on disait même que le nouveau pape l’avait déchirée. Le P. Lacordaire songea à ressusciter l’Avenir. Il eut d’abord la pensée de dénommer le nouveau journal l’Ere chrétienne, mais on lui fit remarquer que l’ère chrétienne durait depuis 1848 ans, et qu’iln’y aurait là rien de bien nouveau. L’illustre dominicain sentit la justesse de cette réflexion et le journal s’ap|)ela l’Ere nouvelle. Ce journal mêlait à des tendances sociales, assez rares alors chez les catholiques, son libéralisme très avancé et son amour de la démocratie et (le la république, que nous avons retrouvé plus lard sur les livres et sous la plume de nos démocrates contemporains du.’Villon. Avec Lacordaire, deux hommes d’un mérite inégal, M. l’abbé Ma rut qui devait finir dans le gallicanisme que l’on sait, et le pieux et docte Ozanam couvraient de leur patronage ce nouvel Avenir. h’Ère nouvelle eut d’abord un succès rapide, mais ardemment combattu par MoNTALEMBBRT et par ITnivers du, à côté de Louis VEUir.LOT. on remarquait le savant Melcliior Dulac, d’une science si claire et si sûre. Sa destinée fut courte, et il disparut au bout de quelque temps.

Après le coup d’Etat, les divisions qui avaient

Tome II.

commencé à se faire jour parmi les catholiques ne firent que s’aggraver. Il n’entre pas dans le plan de ce résumé historique d’en faire le récit. Il suffira de dir » qu’il y eut dans l’Eglise de France vin parti nettement ultramonlain et antilibéral, et un parti semigallican et libéral, d’un libéralisme plus ou moins accentué, ayant, l’un son journal, l’Univers, et l’autre une revue très bien faite, le Correspondant. Autour de celui-ci se groupaient MM. de Montalkm-BERT, UE Falloux^ DE Broglie, Augustin CociiiN, auxquels venaient donner une aide puissante deux hommes éiuinents dans le clergé : l’un le P. Lacordaire, retiré à Sorèze, l’autre Mgr Dupanloup, l’actif et vaillant évêque d’Orléans, déjà connu par une brochure qui avait fait bruit sous le litre de La Pacification religieuse. Dans l’autre camp, il faut signaler au premier rang Mgr Pis, qui, tout jeune encore, avait marqué sa place parmi les plus illustres pontifes de l’Eglise de France, et le très docte abbé de Solesmes, le restaurateur de la liturgie romaine parmi nous. Les communautés religieuses elles-mêmes n’échappaient pas à la scission, et jusque dans les Instituts les plus fermement attachés à la tradition, on vit se produire des défaillances et des fléchissements. Les deux partis, le libéral et l’antilibéral, suivaient le sentier de leurs afTirmations et de leurs prétentions avec des vicissitudes diverses et des soubresauts de querelles qui ne s’apaisaient jamais tout à fait. Pie IX, auquel certains avaient voulu, à cause des débuts de son pontificat, faire une réputation de libéral, accusait, par des allocutions et par des actes significatifs, ses préférences pour l’école antilibérale. Force était bien de l’avouer, et l’on ne pouvait se dissimuler que le Pape, qui avait, au début de son règne, soulevé les acclamations dos enthousiastes de la liberté, continuait la tradition doctrinale du Pape de l’Encyclique Mirari vos. Les libéraux ne se découragèrent pas, et ils afiirmèrent leurs idées par un livre et par un discours.

Le livre : Les Principes de S9 et la doctrine catholique, fut écrit en 18bi par M. l’abbé Godard, professeur au grand Séminaire de Langres. Il étudiait la. Déclaration des Droits de l’Homme rédigée par la Constituante, et confrontait chaque article successivement avec les opinions des trois grands théologiens classiques, saint Thomas, Bellarmin et Suarez. L’accord paraissait complet à l’auteur. L’article x, par exemple, sur les opinions religieuses, est acceptable pour les catholiques : en permettant de punir des manifestations dangereuses, il exclut la liberté illimitée que l’Encyclique Miruri vos a seule condamnée. Certains catholiques pensent que la liberté des cultes est bonne par elle-même. D’autres la jugent mauvaise en principe, mais acceptable dans l’intérêt de la société civile. Le commentaire des autres articles montre également que les catholiques peuvent accepter la Déclaration des droits : ce que les papes ont condamné, ce sont les interprétations abusives présentées par les révolutionnaires. Le livre, très vanté par M. CocniN, fut mis à l’Index ; mais l’auteur obtint par l’entremise de Mgr Dupanloup la permission d’en donner une seconde édition très expurgée, sans l’être peut-être assez au jugement de certains.

Le discours — ou plutôt les discours — furent prononcés les 20 et 21 août 1863, au grand Congrès catholique de Malines par le comte db Montale.m-RKRT. Ces harangues, dans lesquelles le grand orateur ne voulut rien laisser au hasard de l’improvisation, donnent la formule la plus complète, la plus vigoureuse du libéralisme catholique, tel que la comprit cette génération.

L’importance de ces discours nous engage à en

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