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LIBERALISME

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plus général ? Tel est, suivant nos conjectures, celui d’une nébuleuse éparse en amas divers dans l’iinmensitc des cieux. l’eul-on encore allirmer que la conservalion ilu système planétaire entre dans IVinivre de l’auteur de la nature ? etc. i>.

Et Laplace continue en disant que, s’il est prouvé que l’attraction ne peut, par elle-niènie, compromettre cet ordre, il resterait à examiner si certaines autres causes physiques ne pourraient intervenir. Puis il ajoute :

« I.eibnitz, dans sa querelle avec Newton sur l’invention

du calcul inlinitésimal, critique vivement l’intervention de la divinité, pour remettre en ordre le système solaire : a C’est, dit-il, avoir des idées bien Il étroites de la sagesse et de la puissance de Dieu. » Newton réplique par une critique aussi vive de l’Harmonie préétablie de Leibnitz, qu’il qualifiait de miracle perpétuel. La postérité n’a [loint admis ces vaines hypothèses ; mais elle a rendu la justice la plus entière aux travaux mathématiques de ces deux grands génies, etc. »

Ces « vaines hypothèses » sont évidemment et l’harmonie préétablie, et « l’intervention de la divinité pour remettre en ordre le système solaire ».

Ainsi l’examen des textes de Laplace vient à l’appui de l’explication proposée par M. Faye. Rien absolument n’autorise donc à dire que Laplace ait traité Dieu d’hypothèse ; il parle de l’auteur de la nature, de la divinité, delà suprême intelligence, d’une façon absolument correcte et sans que l’on puisse jamais remarquer le moindre mot déplacé, sceptique ou railleur.

Mais, outre le texte de Laplace, nous avons encore sou exemple, et la remarque me semble piquante.

Laplace raconte en effet quelque part (Exposition du système du monde, 6* édit., livre V, chap. iv, p. 426) l’anecdote d’Alphonse X, roi de Castille. Ce prince, aussi célèbre par son amour i)our les sciences ([ue par les malheurs de son règne, avait confié à des astronomes juifs et maures la rédaction de ses Tables SiSlronomiques surnommées alphonsines, ma.i’i, s’il consentait à faire d’énormes dépenses pour l’exécution de ce travail, il paraît ne pas avoir été convaincu de l’exactitude des théories astronomiques alors en cours.

« Doué d’un esprit juste, dit Laplace, Alphonse

était choqué de l’embarras des cercles et des épicycles dans lesquels on faisait mouvoir les corps célestes ; Si Dieu, disait-il, m’avait appelé à son Conseil, les choses eussent été dans un meilleur ordre. Par ces mots qui furent taxés d’impiété, il faisait entendre que l’on était encore loin de connaître le mécanisme de l’univers. »

N’est-il pas frappant de voir ici Laplace expliquer, et fort justement, une parole qui, prise au pied de la lettre, aurait pu faire accuser Alphonse d’impiété ? et n’est-il pas juste, dès lors, d’userenverslui dumême procédé bienveillant ?

La fin chrétienne de Laplace est peu connue etellc vient apporter en quelque façon le sceau à la justification de ce grand savant. Le journal I.a Quntidienne du mercredi 7 mars 1827 (n » 06), p. 2, annonce, comme il suit, la mort de Laplace :

Paris, G mars.

« AL le marquis de Laplace, pair de France, membre

de l’Institut, auteur de la Mécanique céleste et de plusieurs autres ouvrages qui l’ont fait placer parmi les plus grands géomètres de ces derniers temps, est mort hier dans son hôtel, rue du Bac, entre les bras de ses deux pasteurs, M. le curé des Missions étrangères et M. le curé d’Arcueil, qu’il avait fait appeler

pour en recevoir les derniers secours de la religion. Nous aurons à publier une notice sur la vie de ce savant célèbre ; mais nous devons dès ce momentfaire remarquer ce que su mort a présenté d’édifiant à sa famille, à ses amis et à ses admirateurs. C’est un contraste que nous aimons à opposer au récit de morts scandaleuses qui font la joie des ennemis de la religion. Ses obsèques auront lieu demain mercredi, 7, en l’église des Missions étrangères. Le fils de M. de Laplace, qui hérite de la pairie, est chef de bataillon de l’artillerie de la garde. »

L’Ami de la Religion et du / ?oj, du même jour, donne la même nouvelle (il confond cependant Auteuil avec Arcueil) etajoute : « Il nous est doux de pouvoirannoncer avec assurance que l’auteur de V Exposition du système du monde et du Traité de mécanique céleste a rendu hommage dans ses derniers jours à des croyancesentourées detant de preuves irrécusables. »

J. 1)H JOANNIS.


LÈPRE. — Une légende qui ne paraît pas remonter plus haut que le xviii" siècle veut que la lèpre ait été apportée en Occident par les chrétiens qui revenaient de la croisade. Cette légende, popularisée par r£/ic)c/o^é</(e et reproduite sans contrôle par les historiens du xix’siècle, ne résiste pas à l’examen. Une multitude presque innombrable de témoignages, se répartissant du iv « au xii’siècle, atteste que la lèpre a existé en Occident dès l’époque de la domination romaine. Des léproseries ont existé en Gaule et dans les pays voisins à i)arlir du v’et du VI* siècle. Plusieurs conciles, notamment cekii d’Orléans en 5^9 et celui de Lyon en 583, prescrivent aux évêques de veiller à l’entretien des lépreux de leurs diocèses. Le pape saint Grégoire II défend qu’on refuse de les admettre au banquet eucharistique, mais ne veut pas qu’ils participent aux festins profanes avec les gens bien portants. Le pape Etienne II permet de séparer les époux quand l’un d’eux est lépreux. La législation civile s’occupa des lépreux dès le vu’siècle : Rotharis, roi des Loniliards, veut qu’on les séquestre avec la plus grande rigueur ; les capitulaires des rois carolingiens, en 757 et en 789, renouvellent et confirment à leur sujet les dispositions canoniques. Il en est de même des lois galloises de Hoëlau x » siècle. Enfin, nous avons dans les vies des saints de nombreux exemples de leur charité envers les lépreux, qu’ils soignent de leurs mains avec la plus touchante abnégation ou qu’ils guérissent d’une manière miraculeuse.

Tous ces faits sont démontrés jusqu’à la dernière évidence par une multitude de textes que j’ai recueillis et commentés dans ma brochure intitulée : /.a lèpre en Occident ayant les croisades (Paris, Bloud, 1907).

Godefroid Kurth.


LIBÉRALISME. — I. Position de la question et définitions. — IL Histoire du Libéralisme. — III. Critique. — Conclusions. — Bibliographie.

I. Position de la question. — Il faut tout d’abord circonscrire notre champ d’étude et préciser le point de vue auquel nous nous plaçons.

Le Libéralisme, en tant qu’il implique l’indépendance de la raison à l’égard de la Révélation et — je ne dirai pas, la distinction, ce qui est la vérité — mais la séparation de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel, revendiquant pour celui-là le droit de se constituer, de se développer, d’agir, sans tenir compte de celui-ci, mérite à proprement parler. les noms de libre pensée, de rationalisme, de naturalisme.