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LANGUES

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s’efforça Je réprimer. Une partie considérable de la première épître aux Corintliiens est consacrée à cet objet (xiii et xiv). Saint Paul veut avant tout que la charité mutuelle régie l’usage des dons du Saint-Esprit. Ensuite il montre comment le don de prophétie l’emporte sur le don des langues. « Car, dit-il, celui qui parle dans une langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu ; puisque personne ne le comprend. Mais il énonce les mystères sous rinduence de l’Esprit. Celui qui prophétise, au contraire, parle aux hommes pour les édilier, les exhorter, les consoler. Celui qui parle dans une langue, s’éditie lui-même ; celui qui prophétise, cditie l’Église de Dieu. Je désire que vous parliez tous en langues, mais encore plus que vous prophétisiez. Car celui qui prophétise est plus grand que celui qui parle en langues, à moins que celui-ci n’interprète ce qu’il dit… Si donc je ne connais pas le sens de la parole prononcée, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera un barbare pour moi. De même vous aussi, puisque vous aspirez aux dons de l’Esprit, cherchez, pour l’édification de l’Eglise, à les avoir en abondance. C’est pourquoi, que celui qui parle en une langue, demande le don d’interprétation. Car si je prie en une langue, mon esprit est en prière, mais mon intelligence demeure sans fruit. Que faire donc ? Je prierai par l’Esprit, mais je prierai aussi par l’intelligence ; je chanterai par l’Esprit : mais je chanterai aussi avec l’inlelligence. j (I Cor., xix, 2-l5.)

Bornons-nous, pour le moment, à ces citations, et cherchons à déterminer l’objet précis de ce don des langues.

Cette question a suscité chez les exégètes modernes des disputes sans fin. Les uns prétendent que les phénomènes dont il est parlé au livre des.ctes n’ont rien de commun avec le don des langues qui fait l’olijet des ol)servations de saint Paul aux Corinthiens ; les autres soutiennent, avec raison, que saint Luc et saint Paul parlent d’une seule et même faveur de l’Esprit-Saint. Dans les écoles rationalistes on a proposé plusieurs explications propres à éliminer de ce yy-pi^nK tout élément surnaturel.

Tels prétendent que /c/Er/ /jt, ’, - : Tri veut dire parler de la langue, c’est-à-dire agiter la langue pour produire des sons inarticulés, un babil n’exprimant rien d’intelligible,.insi firent, disent-ils, les disciples le jour de la Pentecôte, ce qui les fit prendre pour des gens égarés par la boisson (.Irl., ii, 13). Ainsi faisaient les fidèles de Corinthe : ce qui explique que personne ne les comprenait, qu’ils ne se comprenaient pas eux-mêmes, à moins que quelqu’un ne réussît à interpréter la signification de ces l)ruils désordonnés (I Car., xiv, 2, 6, etc.) ; ce qui explique aussi qu’un homme étranger à pareil phénomène devait les prendre pour des insensés. Quand on objecte à ces auteurs que les Juifs accourus près du Cénacle comprenaient parfaitement les disciples, chacun dans sa langue maternelle, ils répondent que le récit des.Vctes rapporte les événements, non pas comme ils se sont passés en réalité, mais conmie les a transformés la rumeur populaire. C’est une réponse commode pour se tirer d’affaire : elle écarte le problème sans le résoudre et ne repose sur aucun fondement acceptable.

D’autres sont d’avis que parler de la langue ou en langues, c’est parler à voix basse, sans émettre un son perceptible. Pareil langage, dit saint Paul, n’édilie que ceux qui le profèrent, il reste infruclueux pour la communauté : a Car celui qui parle de la langue ne parle pas aux hommes, mais à Dieu ; car personne ne l’entend, n (I Cor., xiv, 3.) Pour que celui qui parle en langues édifie l’Église, il faut qu’il interprète, c’est-à-dire qu’il prononce à haute voix

ce que l’Esprit lui a l’ait dire à voix basse. Selon ces auteurs, le jour même de la première Pentecôte, les disciples auraient commencé par murmurer ainsi des prières, chacun dans son idiome maternel, et ils auraient interprété à la foule, dans leurs idiomes respectifs, ce qu’ils venaient de dire en eux-mêmes à voix basse. Cette explication, développée jadis par Wikseler, est inadmissible : 1° parce que, dans le récit de saint Luc, elle donne au même terme //.Sinac/A deux significations différentes ; car si, dans cette hypothèse, au verset 4 (et ils se mirent à s’énoncer en d’autres langues) cette expression signifie «  i’0(.< liasse, elle a certainement le sens d’idiomes dans cette exclamation de la foule : « Nous les entendons tous parler en nos langues des merveilles de Dieu. » 2° Parler ainsi à voix basse ne peut point s’appeler

« s’énoncer en d’autres langues ». 3° Dans cette hypothèse, 

tous ces Galiléens auraient appris au moins chacun une langue étrangère, et quinze langues étrangères auraient trouvé leurs représentants dans cette assemblée de gens du peuple I 4" L’interprétation des langues ne serait plus un don de l’Esprit ; car tout homme sensé est capable de répéter à haute voix ce qu’il vient de murmurer en lui-même. Et pourtant saint Paul veut que celui qui a reçu le don des langues demande à Dieu aussi le don de l’interprétation (1. c, 13). 5° L’apôtre compare celui qui parle en langues à une trompette guerrière émettant des sons incertains. Il suppose donc que le fidèle investi du don des langues fait, lui aussi, entendre des sons. Seulement ce sont des sons dont on ne peut saisir le sens. 6" Paulin, saint Paul dit : « Sijeprieen une langue (/ywTTv ;), mon esprit prie, mais mon intelligence (/îjç) est sans fruit. » Donc celui qui prie sous l’inlluence du don des langues (à moins qu’il n’ait en même temps le don de l’interprétation), ne comprend pas lui-même les paroles qu’il prononce. Il prie donc dans un idiome qu’il n’a pas appris.

Il y a des exégètes qui veulent donner au / « Jsîv /’/ùzTT, le sens de parler en gloses ; et ils entendent par gloses des expressions vieillies, poétiques, des provincialisnies. Ceux qui avaient le don des « gloses y se servaient, dans leurs prières publiques, de pareilles expressions que l’enthousiasme leur suggérait dans le moment. Cette explication ne rend pas compte du nomlire singulier employé plusieurs fois par saint Paul, et elle ne convient pas au récit du fait de la Pentecôte. L’expression ^f, iôiv.Siy.yt> : zro(Acl., il, &) n’indique pas un provincialisme. Il est synonjme de TK( ; oairipy.t : //ojttki ; ( v. il). Au surplus les Perses, les Parthes, les Egyptiens, etc., n’avaient pas pour langues maternelles des dialectes de la langue grecque on de l’araniéenne.

Uoe autre explication analogue veut que la langue, que parlaient les Corinthiens dont s’occupe saint Paul, fût la langue de l’Esprit, c’est-à-dire une manière de parler enthousiaste et sublime, en rapport avec la grandeur des mystères divins Mais, s’il en est ainsi, en quoi le don de la langue différait-il du don de prophétie ? Comment pouvait-on dire d’un pareil langage qu’il n’était point fait pour édifier les iidèles, qu’il n’était compris de personne ? Que cette l.ingue de l’Esprit ne fut pas celle qu’on parla au Cénacle, on en convient, pourvu que saint Paul fût bien renseigné. Mais on insinue qvie l’idéedelangues étrangères a bien pu être ajoutée nu récit primitif des faits delà Penleiôle. Supposition gratuite !

Un professeur hollandais, M. va.n Hkngul, a émis récemment une explication jilus singulière encore. Selon lui, parler eu langue, c’est parler ni’cc franchise. Jus(pi’au jour de la Pentecôte, les disciples s’étaient lus ou ne s’étaient énoncés sur les choses de In foi que d’une manière voilée et en secret ; après qu’ils