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LAICISME

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représenlanls du pouvoir spirituel. L’exécution de la loi est conliée aux olliciers de l’Etat. Les inventaires des biens ecclésiastiques se font sous la direction des agents de l’enregistrement et des domaines. Les règlements de police prévoient surtout les écarts des ministres du culte. C’est le pouvoir civil qui, en fin de compte, a la charge de dirimer tous les conflits, par l’intermédiaire du préfet ou des tribunaux de l’Etat.

d) Ainsi l’Etat affecte d’ignorer l’autorité spirituelle. Il ne lui reconnaît aucun caractère juridique ni olliciel. Ce qui équivaut à la nier totalement aux yeux du public.

2) Sé^ation de l’autorité spirituelle des clercs dans l’intérieur de l’Eglise. — Il y a plus. On pourrait en effet supposer que, tout en l’ignorant, le législateur de 1906 laisse à l’autorité spirituelle la faculté d’exister à ses risques et périls. Il n’en est rien. L’idéal laïque a mis sur la loi son empreinte visible par la création d’  « Associations cultuelles », C’est son chef-d’œuvre. Avec les « Associations cultuelles », il ne subsiste plus rien du gouvernement ecclésiastique. En effet : a) Pur leur origine, elles tiennent 1 : /querænt de la loi de 1906 et de la loi droit d’exister. Ce droit lui-même n’entre

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}’//e que par le libre consentement des membres de^Associalions. Elles n’ont pas de chef, mais seuleu^nt des directeurs ou des administrateurs,

de 1901 11

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dont tous les pouvoirs viennent non de Dieu mais de l’homme, et en restent irrévocablement dépendants, h) Par leur fonctionnement, les a Associations cultuelles » n’agissent que dans les limites assignées par l’Etat, qui les surveille, les contrôle, juge des conflits survenus entre elles, peut au besoin les dissoudre. Elles doivent, il est vrai, « être conformes aux règles générales du culte dont elles se proposent de continuer l’exercice », suivant l’article 4. Mais cette conformité n’est exigée que pour la naissance légale des Associations, et c’est en définitive, d’après l’article 8, le Conseil d’Etat qui en est constitué le juge, c) Par leurs attributions, l’adminislration des biens, les infractions aux lois de police, tout l’exercice extérieur du culte relève d’elles, directement ou indirectement. La loi ne stipule, il est vrai, que ce qui regarde le temporel. Mais si les Associations ont seules la charge de fixer le coût des baptêmes et des enterrements, les honoraires de messe, l’achat et la valeur des vases sacrés, les réparations nécessaires à l’édifice, etc., existera-t-il encore une autorité spirituelle, digne de ce nom ? Ne sera-t-elle pas entièrement asservie ? Voir H. Pbélot, Eludes, t. CVIII, 5 sept. 1906, p. 581-599. ^acte pontifical ; A. d’Alès, ibid.. t. CIX, 5 cet. 1906, p. 13-18 : Constitution laïque de l’Eglise.

Le Pape et les catholiques, les adversaires et les partisans de la loi, tout le monde a été unanime à le reconnaître. La loi de 1905 était le triomphe des principes de la Révolution française, de ceux qui avaieut animé toute la politique religieuse en France depuis 1879 i c’était le triomphe du laicisme. « J’approuve le projet de loi, disait au Sénat le protestant libéral Philippe BERŒn, parce ([u’il a changé le pivot de l’Eglise, qu’il Tarais dans l’ensemble des citoyens au lieu de le faire résider dans une hiérarchie qui nous échappe, et dont nous ne sommes pas les mai-Ires. » (Q. A, , ij déc. igoS, p. 153.) « Voter la Séparation, disait M. Rouvibr en ouvrant la discussion au Sénat, c’est accomplir le dernier ])as de la démarche de l’Etat vers l’émancipation totale vis-à-vis de toute puissance théocratique, affirmer une dernière et définitive fois la neutralité de l’Etat à l’égard de toute conception religieuse. » — ^ k Qu’est-ce que cela, répliquait M. db Marcère, la neutralité ?… La

Tome II.

neutralité est un mythe en pareille matière. En réalité, c’est la guerre à l’idée religieuse ; c’est la suite donnée à une théorie qui fut exprimée comme étant l’idée-mèrc delà Révolution, à savoir rémancii)atioii de l’esprit humain, et, pour dire le mot, la révolte contre Dieu. La loi nouvelle voulait que l’on bannit de l’esprit humain toute préoccupation religieuse. La raison devait sullire à elle-même aussi bien dans la conduite individuelle que dans le gouvernement des nations : à toute conception philosophique ou religieuse, on substituait la déification de la raison. » {Q. A., 16 déc. 1905, p. 181.) C’est ce qu’on peut appeler la déification de l’individu. Rien d’étonnant que le Pape Pie X ait condamné la loi de Séparation

« comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, 

qu’elle renie oHîciellemenl en posant le principe que la Rcpubliiiue ne reconnaît aucun culte » — « comme contraire à la constitution divine de l’Eglise, à ses droits essentiels, et à sa liberté » (Encycl. Veltem en ter).

Lois contre les Co ?igrégations religieuses. — Il serait facile de retrouver toute l’âme du laicisme dans les lois qui ont été faites à différentes reprises en France durant ces dernières années contre les Congrégations religieuses, notamment les décrets d’expulsion de 1880, les lois du i^r juillet 1901, du 18 mars 1908, et du 7 juillet igo^. Il serait troji long de le faire ici. A défaut des comptes rendus des discussions du Parlement qu’on trouverait à’Officiel, ou, en abrégé, dans les Questions actuelles, on pourra lire les articles et la controverse de M. Buisson avec Brunetière dans Fui laïque, p. 130 et seq., et les réflexions sagaces que M. Ch. Mauhras a faites à ce sujet dans son ouvrage : La Politique religieuse, p. 211.

On peut ramener à quelques chefs tous les principes du laicisme, exposés à l’occasion des lois contre les Congrégations.

I") Les Congrégations ne peuvent se réclamer d’aucun droit naturel ou divin.

Le droit moderne ou laïque ne connaît que le droit de l’individu et le droit de la nation.

2") Pour les associations, il n’y a d’autres droits que ceux que la nation leur donne, d’autre litre à l’existence que ce qui est concédé par l’Etat.

3") L’Etat a essentiellement pour mission " d’empêcher qu’aucun groupe, qu’aucun homme ne parvienne à confisquer la liberté de ses semblables » (Foi laïque, p. 135).

! i° Il ne peut donc autoriser ni tolérer les Congrégations

religieuses, pas plus qu’il ne peut d’ailleiu-s autoriser l’Eglise, dont toute l’organisation et le programme sont en opposition avec le libre examen et ont pour but de « mettre en tutelle l’esprit humain » (Foi laïque, p. 115). Il ne peut pas y avoir de droit commun pour les Congrégations, « les i)lus admirables appareils de pression intellectuelle et morale, sociale et religieuse, ([ui aient été forgés en ce monde », qui ne songent qu’à assurer le maintien de leur II domination sur les consciences » (Foi laïque, p. m).

En vertu de ces principes, les décrets de 1880 ordonnent à toutes les Congrégations non autorisées de se disperser ; 350 propriétés privées sont violées ; 10.000 religieux sont expulsés de leur domicile.

Les lois de 1884 et 1890 grèvent les biens des Congrégations du double impôt dit d’accroissement, puis d’abonnement, tout à fait en disproportion avec le droit commun.

La loi du 1= juillet 1901 supprime toutes les Congrégations non autorisées. Leurs biens, déclarés sans maître, sont versés aux caisses de l’Etat, ou le plus souvent gaspillés par les liquidateurs.

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