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LAICISME

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ministère Méline). Les évêques de la province d’Avignon sont déféi-és au conseil d’Etat, pour avoir enseigné aux lidèles leur devoir électoral (17 avril 18t)2). Il en va de même de Mgr Turiuaz, évoque de Nancy, en raison de sa brochure : Saurons la France chrétienne (avril 181J2) ; de Mgr Gouthe-Soulard, archevêque d’Aix, des évêques de Luçon et de Rennes, qui ont inséré dans leurs catéchismes diocésains une leçon sur le devoir électoral (1=’mai et 12 avril 1892).

Innombrables sont les appels » comme d’abus », et les suppressions de traitement, qui frappent les membres du clergé coupables, aux yeux du gouvernement, du moindre excès de langage et d’un empiétement sur les droits intangibles du pouvoir civil.

Ce n’est pas d’ailleurs seulement à l’égard de l’Eglise catholique que le gouvernement de la m » République entend revendiquer sa pleine et totale indépendance. C’est à l’égard de toute religion. Ce n’est pas une simple sécularisation qu’il opère, c’est une laïcisation radicale. Il est l’incarnation de l’esprit laïque, tel que nous l’avons décrit plus haut.

De là vient qu’il refuse de prier, d’adorer, de rendre grâces, et qu’il s’abstient de ces pratiques de religion qui ont été et sont encore en usage chez tous les peuples, dans les joies ou les calamités publiques. Les prières pour la rentrée du Parlement, qui avaient été prescrites par la loi du 16 juillet 1875, sont supprimées par celle du 14 août 188.’|. La formule : « Dieu protège la France », qui était inscrite sur la pièce de 20 francs, est remplacée par les mots : Liberté, Egalité, Fraternité (décret du 5 janvier 1907). Par exception, le gouvernement avait assisté au service funèbre qui eut lieu à Notre-Dame à l’occasion de l’incendie du Bazar de la charité (9 mai 1897). Quelques jours plus tard, en réponse à l’allocution du P. Ollivier, qui avait rappelé la grande loi chrétienne de l’expiation, M. Henri Brisson, i)rèsident de la Chambre, proféra les plus odieux blasphèmes et bafoua le dogme de la Providence. La Chambre vota l’affichage (iS mai 1897).

C’est vraiment le règne de l’athéisme officiel. Jamais ni le chef de l’Elat ni aucun de ses représentants n’invoque ni même ne prononce le nom de Dieu. L’abstention va jusqu’à la démence et au ridicule. M. Loubet n’ose assister à la prenuère communion de son lils (14 mai igo3). M. Fallières se rend à Toulon pour assister aux obsèques solennelles des victimes de l’Iéna, présidées par Mgr l’évêque de Fréjus, mais intentionnellement il se retire au moment de la cérémonie religieuse. M. Poinoaré, témoin au mariage de l’un de ses amis, assiste à la cérémonie civile à la mairie, mais ne paraît pas à l’église. Dans son voyagea travers le sud-ouest de la France, la première année de sa présidence, le [irotocole qui en a lixé tous les détails ne lui permet pas une seule fois de visiter les joyaux de l’architecture du pays, non seulement dans les grandes villes, mais dans les hameaux même, où l’on a prévu des halles et où l’église est la seule ciTiosiié{Chroniqæ de la Presse, 25 sept. -2 oct. igiS).

Il va sans dire que cette exclusion systématique, non seulement de toute pratique religieuse, mais de déférence, d’urbanité à l’égard d’un culte respecté par la majorité du pays, vénérable par son ancienneté et par les services rendus, ne peut avoir son excuse dans un sentiment de neutralité, même bienveillante, pour la minorité, d’ailleurs assez restreinte, des libres penseurs convaincus et des incroyants. Qui pourrait s’offusquer, avec quelque apparence de raison, d’entendre prononcer le nom de Dieu ?

Il est évident <[u’un tel parti pris sous-enlend une

doctrine. On ne s’en cache pas, d’ailleurs. C’est toute la doctrine de la Déclaration des droits de l’homme et de la Révolution française, qui aboutit à la glori-Ucation de la Raison. « La foi en Dieu n’est pas une de ces obligations que la société puisse inscrire dans ses lois. Nos lois, nos institutions ne sont plus fondées sur les Droits de Dieu, mais bien sur les Droits de l’homme… elles n’agissent et ne parlent plus au nom de Dieu ou par la grâce de Dieu, mais au nom de la nation et avec une autorité purement humaine. » (Foi laïque, p. 206.) « La laïcité est le corollaire de la souveraineté populaire. »

L’homme est substitué à Dieu. Telle est la doctrine. Aussi la logique requiert que, non seulement du gouvernement de la cité, mais de tous les organes de la cité et de la cité tout entière, Dieu soit totalement exilé.

B) Laïcisation des services publics. — La laïcité de l’Etat s’étendra tout d’abord aux services qui dépendent immédiatement de lui. La société qui s’inspire de l’esprit laïque, écrit encore Ferd. Buisson,

« a pour premier devoir d’enlever à tous ses services

publics (administration, justice, instruction, assistance, etc…) tout caractère confessionnel, par où il faut entendre qu’elle doit les rendre non seulement neutres entre les diverses confessions religieuses, mais étrangers et réfractaires à toute influence religieuse, rigoureusement exclusifs de tout dogmatisme explicite ou implicite. La laïcité intégrale de l’Etat est la pure et simple application de la Libre pensée à la vie collective de la société… »

Ce programme a été ponctuellement exécuté.

L’armée a perdu tout caractère religieux. La messe militaire a été interdite. Les troupes ne peuvent assister en corps à aucune cérémonie religieuse (Circul. de J. Ferry, 7 et 29 décembre 1883). Elles ne peuvent même pénétrer à l’intérieur de l’église pour rendre les Iionneurs militaires à un défunt (Cire, de J. Ferry, 23 oct. 1883). Pareillement, toute cérémonie religieuse est bannie des fêtes qui ont lieu au régiment (circul. de M. Berteaux, igo5). Les aumôniers militaires sont graduellement supprimés dans les régiments (loi du 8 juillet 1880) ; dans les colonies (1887) ; dans les hôpitaux militaires (décembre 1884 ; I"’janvier 190C).

Il en va de même dans la marine. Toute cérémonie religieuse est supprimée à bord des navires (5 nov. 1901). Les aumôniers sont licenciés par suppression d’emploi à partir du 10 mars 1907. Non seulement tout service religieux, mais les religieuses sontexclues deshôpilaux de lamarine (i 1 nov. igoS). Les derniers sacrements ne peuvent être administrés que s’ils sont réclamés par les malades eux-mêmes

« reconnus en danger ». Les usages traditionnels du

vendredi-saint sont interdits dans tous les ports de Fr.Tuce (Circul. de Lockroy, 188O. Circul. de M. de Lanessan (13 avril 1900). Cette interdiction est ensuite étendue à tous les ports étrangers où les navires français peuvent se trouver le vendredi saint. Rapportée parliellejncnt en 1912 par une circulaire secrète de M. Baudin ([ui en laissait l’application au jugement des amiraux et des commandants, elle fit l’objet d’une campagne de presse, et, en tin de compte, elle fut, en igi^, maintenue de nouveau par M. Gauthier, ministre de la marine.

Les services de la justice sont à leur tour laïcisés. Le ministre de la justice, M. Cazot, interdit aux membres des cours judiciaires et des tribunaux d’assister en corps aux processions de la Fête-Dieu (Circul. du 23 mai 1880). Conservée, quoique rendue facultative, la messe du Saint-Esprit, dite messe rouge, est dclinitivement supprimée en igoi. Les emblèmes religieux sont enlevés des palais de justice et des