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LAICISiME

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à l’égard lie la société, i|iii est un af^réyat, une juxtaposition il’indiviilus ; à l’éyard du lien social, dont la valeur juridiiiue a jjour unique oriyine le contrat libieuient consenti par tous les membres de la société ; à l’égard du bien publie, qui est seulement la somme, pure et simple, des intérêts de chacun.

Rien d’étranger ne se superpose aux individus, dont les volontés particulières constituent « la volonté générale » ; et ces multiples souverainetés forment, en s’additionnant, la souveraineté nationale.

Telle est la fiction qui permet d’aHirmer qu’en République tout individu conserve sa pleine autonomie.

Elle s’opère au moyen du suirr.nge universel qui, conférant à tous les citoyens le même droit politique, empêche toute supériorité et [lar consc<iuent tout empiétement de l’un sur l’autre. Elle a pour condition l’instruction gratuite et obligatoire, qui réalise l’égalité de culture, et, pour corollaire, ee<[ii’on appelle en termes adoucis la justice liscale, en ternies plus crus le socialisme, c’est-à-dire une répartition des charges et une distribution do la fortune qui réalise de plus en plus l’égalité dans la possession des biens économi(iues et même de tous les biens.

On a, en effet, les aphorismes suivants :

Dignité de rhonime requiert liberté absolue.

Liberté absolue requiert souveraineté de chacun.

Souveraineté de chacun requiert suffrage universel.

Suffrage universel requiert égalité parfaite.

Egalité parfaite requiert égalité de tous les biens.

El on arrive ainsi aux équivalences suivantes :

Esprit laïque ou libre penseur = républicain démocrate.

Républicain démocrate = socialiste.

u Est-il possible, écrit M. Buisson, d’être libre penseur sans être républicain, d’être républicain sans être socialiste ? » (Foi tairjue, p. 196.)

Telles sont les lignes principales de la République démocratique. La souveraineté populaire en est le point central ; le sufTrage universel, l’organe essentiel. Grâce à lui, tous les individus exercent leur royauté. U n’y a pas d’autre autorité que celle qui émane d’eux-mêmes. Ils n’ont pas de chefs ; ils n’ont ique des représentants ou des mandataires. M. PoiNCARÉ le redit après Rousseau : « Un peuple est comme une personne : il s’appartient à lui-même. Le souverain, ce n’est pas le chef du peuple, c’est le peuple lui-même, u (Ce que demande la cité, p. 3- ;.)

A leur tour, les mandataires ne doivent avoir rien plus à cœur que de sauvegarder la souveraineté populaire, et ce dont elle est elle-même l’expression sociale, à savoir l’autonomie, la pleine indépendance de l’individu. Mais cette autonomie de l’individu, considérée comme le premier de tous les biens, c’est précisément l’idéal laïque. De là vient que les mandataires du peuple, ou les législateurs et ministres de la République démocratique, ont pour fonction principale de consacrer leurs elTorts à la propagande et à la réalisation de toutes les requêtes de l’esprit laïque.

On a ainsi les équivalences suivantes :

Esprit laïque = autonomie absolue de l’individu, .-autonomie de l’individu =^ souveraineté populaire.

Souveraineté populaire = république démocratique.

République démocrnlique = esprit laïque. L’esprit laïque requiert la Ré[)ublique démocratique, et la République démocratique n’a pas d’autre raison d’être que de réaliser l’esprit laïque.

III. L’œuvre laïque : la laïcité ; l’Etat et la société sans Dieu. — Une fois la souveraineté populaire admise comme système de gouvernement, les

partisans de l’espritlaïque n’ontplus qu’à s’en emparer pour lui faire sortir toutes ses conséquences de laïcité, avec une inexorable rigueur.

D’une part, en effet, une fois maîtres du gouvernement, ils sont censés représenter le peuple, parler et agir en son nom ; d’autre part, ils n’ont qu’à invo(pier les principes qui sont impliqués dans l’essence même du régime démocratique et qui postulent la laïcité la plus absolue. Enfin, quoique simples mandataires, ainsi qu’ils le disent, ils n’en sont pas moins de vrais gouvernants, avec toute l’autorité que cette situation comporte nécessairement : ils ont à leur disposition les budgets, l’armée, la marine, la magistrature et toute la force publique avec le cortège de ses influences. Ce qui constitue, dans un grand pays centralisé, une puissance formidable.

C’est ce qui a fait le succès prolongé du laïcisme sous la ni" République ; succès qui s’est allirmé par une série de mesures qui sont comme les étapes de la laïcité. Ces mesures avaient pour but, les unes, la laïcisation de l’Etat etde tous ses services ; les autres, après la sécularisation du chef et des principaux organes de la société, la laïcisation de la société elle-même ilans ses membres, par la destruction de toute autorité religieuse.

Telle est, dans ses grj^des lignes, l’œuvre dont la iii République, expression de la démocratie politique, a poursuivi sans relâche la patiente et intégrale exécution.

S 1. L’Etat sans Dieu. — A) Sécularisation ou laïcisation de l’Etat. — Emané de l’individu, qui n’a pas de niailre, l’Etat n’a pas non plus à en avoir.

« Vos populations, disait.M. Poincark à Toulouse

en septembre igiS, voient dans la laïcité de l’Etat le corollaire de la souveraineté populaire. » Paroles pleines de substance et de signification. Elles font écho à tout le régime et en révèlent la pensée inspiratrice. Il n’y a rien.in-dessus de l’Etal, parce qu’il n’y a rien au-dessus de l’individu, pleinement émancipé. L’Etat n’a pas à connaître l’Eglise catholique, pour recevoir d’elle des ordres, des conseils ou des admonestations. S’il discute avec elle, cène sera jamais sous la forme « d’un partage d’attributions entre deux puissances traitant d’égale à égale, mais en garantissant aux opinions religieuses la même liberté qu’à toutes les opinions et en lui déniant tout droit d’intervention dans les alTaires publiques. » (Buisson, Foi laïque, p. 200.)

C’est en vertu de ces principes que le gouvernementdela m" République a toujours appliquéle Concordat. Des quarante ou cinquante ministères qui se sont succédé à la tèle du pays, il n’en est pas un qui n’ait affirmé, et souvent avec des insistances réitérées, la suprématie du pouvoir civil sur le pouvoir ecclésiastique. Les plus modérés, comme les ministères Casimir Périer et Méline, aimaient à donner ce gage de leur fidélité à l’esprit laïque.

Les prêtres et les évêques sont toujours assimilés à des fonctionnaires.

Les préfets ont l’ordre de surveiller les allées et venues des évêques et d’en avertir immédiatement le gouvernement (Circulaires ministérielles aux préfets, des II mars 187g et 5 décembre 1881). Les conciles provinciaux ne jieuvent avoir lieu sans la permission de l’Etat (Circulaire ministérielle du 9 juin 1888). Les évêques n’ont pas le droit de promulguer les décrets de Rome avant que ceux-ci aient été revus et autorisés par le Conseil d’Etat (Circulaire de M. Cioblet, 28 septembre 1885). Mgr Bonnet, évcque de Viviers, est privé de son trailement, pour s’être élevé, dans son mandement de carême, contre la prétention de placer le mariage civil sur le même pied que le sacrement de mariage (31 mars 1897,