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LAICISME

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surnalurellc, grâce divine, peu imiiorle. Le fait est là : il n’ose pas éli’C homme, être libre, cire soi i>… {Foi laïque, p. igS.) De là, une règle s’ensnil. L’esprit laïque ou la libre pensée — ce qui est la même cliosc

— « exige que ses adhérenls aient expressément rejeté, non seulement toute croyance imposée, mais toute autorité prétendant imposer ses croyances ». (A’oi laïque, p. 198.) « Cliaque individu, dit de soncôlé M. Paul SAiî.viiF.n, n’a pas plus le droit de renoncer à un de ses devoirs ou à une de ses prérogatives, qu’il n’a le droit de s’émasculer. Nos frères aînés, il y a trente ans, curent des remplaçants, qui, ]>our mille ou deux mille francs, faisaient en leur nom leur service militaire. Or, voici qu’après à peine une génération, cette seule idée du remplacement nous paraît une monstruosité. » Aussi ne peut-il pas être permis de nous abandonner au jugement d’un autre. Qu’un autre puisse juger à noire place, paraît aussi impossible « ([ue de demiinder à un autre de manger cl de digérer pour nous ». (./ propos de la séparation des Eglises et de l’Elal, p.’68.) De là vient qu’il faut réprouver toutes les tutelles qui « sont inspirées par la déliance de la nature humaine d, qui « croient rendre service à la nature humaine en contiuuant indéliniment de la protéger contre elle-même… Nous n’acceptons pas pour l’Iiomme ce rôle de perpétuel mineur. Nous souhaitons de le mettre le plus tôt possible en possession d’une volonté qui soit la sienne, d’une raison et d’une conscience qui soient les siennes ». Car nul danger n’est comparable à celui de se résignera n’être pas soi-même, à penser et à vouloir par prootration » (Foi laïque, p. 99).

De pareils principes, on le conçoit, ne sont pas sevilement la négation de toute autorité religieuse, médiatrice entre l’homme et Dieu, la négation de tout clergé et de toute église. Ils sont la négation de l’autorité même de Dieu, et de toute religion.

Sans doute, on s’en défend. Ce que nous voulons combattre, c’est l’idée cléricale, c’est l’organisation cléricale », écrit M. F. Buisson, mais « rien de ce qui est humain ne nous est étranger. Nous n’entendons nullement fnire la guerre à l’idée religieuse, encore moins supprimer la liberté religieuse. » (Foi laïque, p. 159.) Kn vertu des principes posés, on se croira néanmoins en droit de dénoncer toutes les confessions religieuses, comme incompatibles avec l’esprit laiqtie. Et il est fort vrai qu’elles le sont, si l’esprit laïque consiste à poser en |irincipe l’émancipation totale de l’individu à l’égard de toute autorité étrangère, à ériger le respect de la personne liuinaine, de la raison, delà conscience, du vouloir, de l’élan et de l’instinct individuels en une sorte de culte, à transporter les attributs de la Divinité à l’individu, qui par dslinition deviendrait le Maître, (I celui qui s’appartient et nepejitpnsne pas s’appartenir 1) en vertu d’une suprématie absolue, inaliénable, essentielle. A ce comple-là, il n’est plus de clergé, plus d’Eglise possible. Mais on se demande quelle iilafc [)eut être réservée dans ce système à la Divinité, et en ipioi peut y consister la religion.

Il est plus loyal et plus frans d’écrire, comme les journalistes, a l’Uumani’é », et d’appeler cette religion nouvelle, avec J. M. Guvau, tout siraplemenl a V Irréligion ».

Tel est l’idéal laïque ; l’homme substitué à Dieu dans le culte du genre humain : l’homme d’hier, qu’il faut vénérer comme la source de la vie et dont l’histoire suffit à nous révéler tous nos devoirs ; l’homme d’aujourd’hui, auquel doivent aller toutes nos sollicitudes ; et l’homme de demain, en qui doivent dis-I )araitre de plus en plus toutes les défaillances, qui s’achemine vers un progrès indélini, et devant lequel il faut s’agenouiller.

Tel est l’idéal, idéal ol)ligatoire : c’est vraiment la religion de l’Irréligion.

II. Le Régime laïque : la République démocratique. — L’homme ne vit pas, il ne peut pas ivre isolé. La vie en société s’impose fatalement à lui. Elle est d’ailleurs un puissant moyen de propager, de fortilier, de faire régner l’esprit laïque. De là, la nécessité d’avoir un prograuiine social et politique. La libre pensée entend bien ne pas abandonner l’homme au seuil de la société. Elle ne peut « se contenter d’opinions purement spéculatives… il lui appartient de fournir une règle de vie aux sociétés aussi bien qu’aux individus ». (Foi laïque, p. 199.) Ce sera l’œuvre du nouvel évangile. De cet évangile, l’esprit laïque est l’àme, la laïcité en est l’expression sociale et politique. Elle en est le terme. Comment réaliser l’une sans être inlidèle à l’autre ? voilà le problème. L’esprit laïque en effet, c’est, on l’a vii, rindéjiendance absolue de la j)ersonne humaine ; or toute vie en société suppose coordination des membres ; interdépendance, soumission à des lois, à une autorité qui centralise les efforts particuliers dans l’intérêt général. Quel régime peut concilier ces termes contradictoires ? Ce régime, les partisans du laïcisme pensent l’avoir trouvé. Ils ont coutume de le désigner’I sous le nom de démocratie ou de république ». (Foi laïque, p. 193.)

Nous ne disons pas que l’esprit laïque ne puisse être réalisé par une autre organisation, ni que toute république doive nécessairement être engendrée par l’esprit laïque et façonnée d’après lui. Nous constatons simplement que les propagateurs du laïcisme, i]uenous étudions ici, se sont servis d’une forme de gouvernement qu’ils ont appelée Hépubliipie ou Démocratie, ou encore République démocratique, et qu’ils ont prétendu incarner sous celle forme politique leur idéal laïque.

La Uéiiublic]ue, telle qu’ils la conçoivent, est, « par définition, le régime sou= ! lequel chaque homme doit s’afTirmermajeur, responsableetaulonome ; il lui faut des citoyens qui s’appartiennent, et non des lidèles ([tii relèvent d’une autorité étrangère ». (Foi laïque, p. 74.) M. IL*.N0TAUx, examinant les principes de la Constitution de 1 876, ne tient pas un autre langage :

« L’esprit démocratique qui l’a inspirée, dit-il, est

avant tout un esprit de révolte : c’est cette inspiration ([ui est au fond du cœur de l’homme : Pas de contrainte I notre ennemi, c’est notre maître ! » (f£ist. de la III’République, III, p. 877.) Et ailleurs, à propos des premiers qui menèrent la campagne en faveur de la laïcité : « Ils appuyaient, dit-il, sur la terre le levier que d’autres suspendent au ciel. » Pour eux, « l’humanité se suflU à elle-même : soumise aux règles de la nature, elle implorerait vainement de la volonté divine un dérangement ([uciconcpie aux lois que rien ne trouble. Les fabricateurs d’espérance céleste et d’intervention providentielle, sont des im]>ostcurs ». (L. c., IV, p. 151-152.)

C’est pourquoi le postulat essentiel de la Républi que dénu)cratique, c’est que la société soit une oeuvre exclusivement humaine. Dieu n’y a aucune part. Tout vient del’homme. Ce régime « se distingue des régimes monarchiques, aristocrati(iucs, oligarchiques, p : ir ce trail essentiel que tout nu>mbre du corps social est supposé en ])ossession d’une sorte de droit naturel, remplaçant le droit divin, base des antres régimes ». (Foi laïque, p igi) Dans la u llépub ! ique démocratique » ainsi conçue, le droit de l’individu à l’indépendance demeure tout entier, an moins en théorie. Il n’est primé par rien, ni par la fortune, ni par les services rendus, ni par l’hérédité. L’individu est censé garder sa siq)rématie