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JUIFS ET CHRETIENS

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la plus iiisvirni()nlivl>lc…, celle du déshonneur a qu’il y a, d’apiès (Uine niiixime aussi fausse ([ue ci’uelle », pour un honnête homme à changer de religion, — où, humainement, loin de gagner, on perd beaucoup à se convertir, où converti l’on a une dignité de vie, une beauté de caractère, une fermeté de convictions, des ardeurs de dévouement qui témoignent d’une sincérité parfaite. E. Dhumont, La France juii’e devant l’opinion, la’édit., Paris, 1886, p. 31, dit qu’il existe, « dans cet ordre, des faits véritablement attendrissants ». I.imhrmann, le premier juif moderne que l’Eglise ail béalilié, les deux frères Ratisbonnb, le P. Heumann’, les deux Lf.mann, pour ne nommer que ceux-là, ont montré éloquemment jusqu’où peut atteindre la valeur d’une conversion juive.

§ V. Les attaques contre le judaïsme et le ton

DE LA POLÉMIQUE

88. Les duretés contre les Juifs. — La polémique antijuive a été souvent d’une vivacité extrême. Le pseudo-HARNADiid’abord, ÏEUTULLiEN ensuite, avaient donné le ton. Saint Jérôme le monta encore. Même des esprits qui passent pour paisibles, nolaranicnl un PiERHE LB ViiNÉRADLE, s’oublièrent à des excès de langage qui déconcertent. Les Juifs convertis n’eurent pas toujours pour leurs anciens coreligionnaires la douceur qu’il aurait fallu.

Ces outrances des polémistes s’expliquent en parlie par le genre de leurs ouvrages et par les habitudes du temps. Qu’il s’sgisse des chrétiens ou des Juifs, il y a là une excuse valable dans certaines limites. Quand, par exenqile, le diacre Guillaume de Bourges, juif converti, cf. Hom-MEY, Supplemenliini Patrnni, p. 416-/|l7, divise son traité contre les Juifs entrente chapitres quia Judæi pro triginta argenteis Christum sibi traditum per irn-idiam tradideruni, le procédé est blessant et, du reste, malhal)ile, car les Juifs ne sauraient être attirés par un début pareil. Mais, au préalable, p. /(13, il nous dit qu’en apprenant qu’il allait composer un livre de controverse, les Juifs le taxaient d’audace, d’ignorance, et lui jetaient ces mots : Tues asinus, tu es canis. Ceci aide non à approuver, mais à comprendre cela.

Il y a autre chose pour amener les violences d’expression des polémistes : c’est l’indignation que leur procurent les blasphèmes des Juifs. A pro|)os du Perfecto odio oderam itlos du psaume c.xxxviii, 2j, saint Jérôme dit :.Si expedil ndisse homines et gentem aliquam detestari, iniro odio Ufersor circumcisionem, usque Itodie enim persequuntur Dominuni nostrum Je.ium Christum in synagogis Satanae. Un Agobard. un Amolon, qui reprennent, celui-ci. Contra Judacos, xli, le verset du psalmiste, celui-là, De judaicis siiperstitionibus, x, elle verset et le commentaire de saint Jérôme, sont émus et ne se possèdent pas, en quelque sorte, uniquement à cause des malédictions des Juifs contre le Christ et de leur guerre au christianisme. Tous les écrivains ne sont pas aussi vifs. Ceux qui les imitent cèdent à la même impression.

83 La bienveillance pour tes Juifs. — Graktz, trad., l. V, p. 78, dit que saint Jérôme a » inoculé au monde catholique sa haine du Juif ». Non, saint Jérôme ne liait pas les Juifs. S’il était bon d|p haïr un homme et une nation, si expedit orfisse, c’est cette nation et ce sont ces hommes qu’il délesterait, en raison de leur acharnement blasphématoire. El Agobard les déclare souverainement haïssables. De jud. sup., ix-x, oui, mais en tant que blasphémateurs, mais dans le sens où l’Ecriture invite à les haïr.

siculi et odiendos illos demonstrat Scriptura. Les chrétiens haïssent l’erreur et le mal ; ils ne haïssent pas les méchants et ceux qui se trompent. La polémique antijuive, quels que soient ses emportements regrettables, n’est pas à base de haine pour les Juifs.

Prenez les plus violents des polémistes, un Agobard, un Amolon, un Pierre le Vénérable ; vous constatez qu’ils ne sont pas étrangers aux sentiments de bienveillance. Acioiiahi) précise. De insolentia Judæorum, iv, qu’on ne doit pas les molester, ni en vouloir à leur vie, à leur santé, à leurs richesses, qu’on doit allier l’hunuinité à la prudence. Amolo.-<, Contra Judæos, xlviii, lix, lx, lui fait écho : il veul que, loin de leur nuire en ipielque chose, on ait à C(eur leur salut, compassioncm et benignitateni ajiostoli, Ilom., ix-xi, quunluin, Dco largiente, possumus, studentes imitari. Pieiuie lk Vénkhahlk,.Idversus Jadæorum inveteratani duritiem, iro., les presse de se convertir : Cur saltem lioc non moet, dit-il, cur non moi’et hoc quod totum robur fidei cliristianae, quod tota spes salutis humanae, ex vestris litteris originem habet ? Cur non moi’et quod patriarclias, quod prophetas prænuntiatores, quod apostolos prædicatores, quod summam ar supercoelestem Virgineni matrem Cliristi, quod Christum ipsum, auctorem snluiis nostrae, qui et expectatio gentium a propheta vestro dictus est…, de génère veslro, de stirpe magni Abrahæ descendentes suscepimus ? Si les écrivains belliqueux tiennent ce langage, il n’est pas surprenant qu’on le retrouve sous la plume des esprits iréuiques. Saint Justin, Dial., xviii, xxxv, xcvi, cviii, leur dit : « Vous êtes nos frères », et alhrme que les chrétiens leur rendent amour pour haine. Ne parlons pas de Nicolas de Gués, pacifique et concessionnisle avec excès, dans son y>e pace seu concordantia fidei, puisque, pour réunir toutes les religions sous la bannière de l’Eglise, il était prêt à sacrifier les cérémonies du culte chrétien et à accepter la circoncision, ni du bienheureux Raymond Lulle, si impartial, si courtois, dans son Lii’re du gentil et des trois sages. Mais comment ne pas mentionner saint Beunaud, Epist., cccLxv, et dans ce discours de Mayence où il disait aux croisés excités contre les Juifs : « Ne touchez pas aux fils d’Israël et ne leur parlez qu’avec bienveillance, car ils sont la chair et les os du Messie, et, si vous les molestez, vous risquez de blesser le Seigneur à la prunelle de l’œil » ? Cf. T. Ratis-BONNR, Histoire de saint Bernard et de son siècle, 5’édit., Paris, 1864, t. II, p. 9Ô-97 (extraits de R. Joseph bbn Josiiua ben Meïh, qui avait assisté enfant aux scènes qu il raconte, sur le rôle de Stiint Bernard). Comment oublier de belles pages peu connues de saint Thom.4.s, In epist. ad liomnnos, ix, lect. I’, Opéra, Parme. 1862, t. XIII, p. yi-f)3, sur l’amour de saint Paul pour les Juifs ses frères el sur leur dignité multiple, résultant, en particulier, corum ex proie, cum dicit : L’x quibus est Christussecundum carneni ? Au xvii’et au xviii’siècles, il y eut toute une littérature sympathique aux Juifs. Nous en avons un sj)écimen caractéristique dans le Discours adressé aux Juifs et utile aux chrétiens pour les confirmer dans leur foi du frère Archange, Lyon, 1788. L’auteur invite les chers Israélites », les « cliers enfants de Jacob », le « cher peuple », ainsi qu’il les appelle, à se rendre à Jésus : « Né de voire sang, fils de l’Eternel, il est votre frère, tout puissant auprès de noire père commun. »

Ce serait un beau florilège que celui des paroles de bienveillance des chrétiens à l’adresse des Juifs.

On y réunirait, en premier lieu, les textes qui regardent la prière pour les Juifs. Avec la prière oiricielle de l’Eglise le vendredi saint, il y a la prière et les exhortations à prier des âmes croyantes et