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JUIFS El’CHRÉTIENS

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droit strict. « Jlais, si la règle icidonnée est en droit strict bien fondée, si en certains cas il est opportun de l’observer, on peut, sans contredire Benoit XIV, soutenir qu’il n’est pas toujours expédient de la suivre », dit C. RucH, IJictionnaire de théologie catholique, Paris, igoS, t. II, col. 3^7, à la suite de Marc, Inslilutiones alphonsianae, Rome, 1887, t. II, p. 48 ; Lehmkuul, Theotogia moralis, Fribourg-en-I3risgau, 189O, t. II, p. Ci ; Billot, De Ecclesiæ sacramentis, Rome, I 896, t. I, p. 200. Deuxième cas : l’enfant, au sens usuel du mol, est adulte au sens canonique du mot et reçoit le baptême. S’il l’a demandé, en droit strict il peut être baptisé et validement et licitement contre le gré de ses parents. En revanche, s’il ne veut pas le baptême, il ne pourrait être baptisé ni licitement ni validement, alors même que les parents convertis au christianisme consentiraient à son baptême. Qiiin jam est siii jaris, im-ito etiain parente christiano, potesl mnriere in lieiraisino, dit Pigxatelli, cité dans les Jnalecta juris pontipcii, Rome, 1860, p. 14-ï5 ; alqne kæc ohserfavi ciim essem theologus Jeputatus concionihus quæ ad Hebræos habentur.

B. /lestriclions à la liberté du culte. — Deux canons des Décrétâtes, V, vi, 3, 7, empruntés l’un à saint Grégoire le Grand, lequel reproduisait le droit impérial, l’autre au pape ALEX.iNURE III (1 180), refilent qne, si les.luifs ne doivent pas être troublés dans la possession de leurs synagogues, ils ne peuvent en ériger de nouvelles. Alexandre autorise les réparations et les réédifications nécessaires, pourvu qu’elles ne rendent pas les S3’nagogues plus amples ou plus riches que par le passé. Paul IV (liuUe Cum nimis ahsurduni) décréta qu’ils ne pourraient avoir qu’une synagogue dans chaque ville ou lieu qu’ils habitaient. Les papes ne se firent pas faute, quand ils le jugèrent utile, de dispenser des prescriptions des Décrétâtes et de Paul IV. B.a.snage, Histoire des Juifs, t. V, p. 20^7, nous apprend que de son temps on comptait neuf synagogues à Rome, dix-neuf dans la campagne romaine, trente-six dans la Marche d’Aneùne, douze dans le Patrimoine de Saint-Pierre, onze à Bologne, et treize dans la Romandiole.

Défense fut faite aux.luifs de porter processionnellemenl dans le ghetto la Bible ou l’arche.

S II. La situation civile

68. f.iherté d’être. — A. Les Juifs ne peuvent toujours résider partout. — Ils furent souvent expulsés des Etats chrétiens. L’opinion commune des théologiens, canonistes et juristes, était que les princes, là où ils les avaient admis, ne pouvaient les bannir citra injuriam et peccati notam, sine urgenti et légitima causa, comme s’exprime un juriste sévère pour les Juifs, J. Sessa, Traclatus de Judæis, Turin, 1717, p. 123-12^ ; cf. p. 331, et A. RicciuLLi, Tractatus de jure pcrsonarnm extra Ecclesiæ greinium e.rislentium, II, Li, Rome, 1622, p. 127-129. I.nnocent IV (bulle Sicut tua noliis, aS juillet laô’i) autorisa l’archevêque de Vienne à chasser les Juifs de sa province à cause de leurs agissements contre la foi chrétienne et de leur désobéissance aux statuts de l’Eglise <|ui les concernaient.

Dans les Etats du Saint-Siège, ils résidèrent paisiblement jusqu’au xvi’siècle. Paul IV, Pik V et Clément VIII, nous l’avons vu, restreignirent cette liberté. Clément VIII dut rabattre de ses rigueurs ; il leur permit d’exercer le commerce partout, à la condition de ne contracter domicile qu’à Rome, Ancône et Avignon. Quand le duché de Ferrare (sous Clément VIII) et le duché d’Urbin (sous Urbain VIII) furent recouvrés par le, Saint-Siège, les Juifs ne furent pas rejetés des villes où ils étaient domiciliés : Ferrare, Lugo et Cenlo, dans le duché de Ferrare ; Urbin,

Sinigaglia et Pesaro, dans celui d’Urbin. Officiellement les Etats italiens du pape contenaient donc huit villes que les Juifs pouvaient habiter. Cf. Benoît XIV, constitution l’ostrenio merise (28 février 1748), I2-|3. Ils étaient libres de trafiquer partout.

B. Là où les Juifs peuvent résider^ ils doivent parfois habiter le ghetto. — D’eux-mêmes, avec leur tendance à s’isoler, d’ordinaire les Juifs s’étaient groupés dans un même quartier autour de la synagogue. La juiverie fermée et imposée apparaît au xv siècle en Espagne (1412). Eugène IV (bulle Dudum ad nostram, 8 août 1442) leur défendit, non d’habiter avec les chrétiens — ce qu’avait fait le III concile de Latran, Décret., V, vi, 5, excluant la cohabitation dans la même maison plutôt que dans le même quartier — mais d’habiter inter christianos, et leur prescrivit de vivre entre eux infra certum viculuni seu locum a christianis separati et segregati, e.rtra quem nullatenus mansiones hahere valeant. Cette bulle, et celles de Nicolas V et de Calixte III qui la renouvelèrent, restèrent lettre morte.

Il en alla autrement de la bulle Cum nimis absurdum de Paul IV. Elle parquait les Juifs in uno et eodem, ac, si ille capa.r non fuerit, in duobus yet tribus, quot satis sint, contiguis et ab habitationibus chrisliiinorum penitus sejunctis…vicis, ad quos unicus tantum ingressus pateat et quibus solum unicus e.ritus detur. A Rome, l’exécution suivit sans retard. Pie V étendit cette mesure à tous les lieux où se trouvaient des Juifs. Mais on ne constate pas que le Saint-Siège en ait urgé l’application hors des Etats pontificaux. Ce quartier juif s’appela « ghetto » en Italie (l’étymologie du mot est douteuse ; « ghetto " est peut-être l’abréviation de « borghetto » =z ]ietit bourg, quartier) ; « carrière » = rue, dans le Gomtat Venaissin ; « Judenwiertel » ou a Judengasse », en Allemagne ; a juderia », en Espagne.

66. Liberté d’aller. — A. liestrictions à ta liberté d’aller. — Là où les Juifs résident, soit qu’ils se fixent où ils veulent, soit qu’ils habitent le ghetto, ils n’ont pas toute liberté d’aller. Alexandre 111, Décret., V, vi, 4. leur avait enjoint de tenir portes et fenêtres closes le vendredi saint ; le IV’concile de Latran, Décret., V, vi, 15, leur défendit de paraître en public les derniers jours de la semaine sainte, parce qu’ils afTectaient de sortir ces jours-là avec des liabits de fête et de se moquer des chrétiens célébrant l’anniversaire de la Passion.

A dater de l’institution du ghetto, les Juifs et surtout les Juives doivent rentrer au ghetto pendant la nuit. Le jour, à Rome, ils n’ont pas le droit d’étaler leurs marchandises dans les rues où se déroulent communément les processions. L’accès des maisons chrétiennes — exception faite pour celles des juges, avocats, procureurs, notaires et officiers avec qui ils auraient affaire — des parloirs et chapelles des religieuses, des hospices de femmes, des lupanars, leur est interdit. Ils ne sont pas admis aux bains publics avec les chrétiens.

L’Eglise est étrangère à certaines dispositions humiliantes qui entravèrent parfois la liberté d’aller des Juifs. Parmi ces n institutions de mépris », la plus sensible aux Juifs fut peut-être le jiéage corporel qui les assimilait aux animaux. Une feuille des péages de Malemort porte : « Sur chaque bœuf et cochon, et sur chaque juif, un sol. » Cf. J. Li’ :.mann, L’entrée des Israélites dans la société française, p. 11.

B. Le port du signe. — Le « Juif errant » n’erre donc pas à sa guise. Là où il peut aller, il faut q>ie chacun puisse le reconnailre, qu’il ne soit pas confondu avec les chrétiens. L’obligation d’exhiber un signe qui le distingue fut introduite par le IV’concile de Latran, Décret., V, vi, i.'>, qui posa le