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JUIFS ET CHRÉTIENS

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pour les Juifs. Jdles II (1503-15 : 3) fut bon. Lkon X (1513-1521) les favorisa. Clkmbnt VII (1523-153/|) poussa la bienveillance à ses limites extrêmes. Paul

III (153^-154g)les combla de privilèges.

Avec I’all IV (1555155y), tout change. Menacée par l’assaut formidable du protestantisme et de l’cliinenl païen de l’humanisme, atlaiblie par des abus rcels, la papauté se réforme et réforme l’Eglise. Le catholicisme se concentre en lui-même, et, maintenant que les Etats ne font plus la i)olicc contre les ennemis de l’Eglise — les Etats protestants la faisant contre l’Eglise et les Etals catlioliijues trop souvent contre les doctrinesromaines — l’Eglise, réduite à ses propres forces, les déploie tout entières. Adversaires irréductibles du christianisme, les Juifs sont surveillés de plus près que jadis. Il est à noter que, s’ils continuent de légiférer concernant les Juifs de tout l’univers, l’action des papes se dessine et est réelle surtout dans les Etats du Saint-Siège. En oulre, la sévérité pontificale subit des intermittences. A Paul

IV succède un homme doux et facile. Pis IV (lôSgi 565). Saint Pib V (1566-1572) reprend la ligne de conduite de Paul IV. Le « terrible » Sixte-Quint (l 585-1 590) se fait pour les Juifs accommodant et généreux. CLii.MENT VIII (1592-1605) renoue la tradition de Paul IV et de Pie V. Après lui, la situation des Juifs s’améliore. Les dures ordonnances de Clément VIll, de Pie V, de Paul IV, ne sont pas abrogées. Dans leur application, le Saint-Siège apporte des tempéraments, variables selon l’humeur des papes et les actes des Juifs.

D. De 1789 à nos jours. — L’assemblée des notables d’Israël, sur la proposition d’un de ses secrétaires, Isaac-Samuel Avigdor, décida, le jour de sa clôture (5 février 1807), de consigner dans ses procès verbaux l’expression de sa reconnaissance pour les bienfaits de « divers pontifes » et « du clergé chrétien, en faveur des Israélites des divers Etats de l’Europe, alors que la barbarie, les préjugés et Pignorance, persécutaient et expulsaient les Juifs du sein des sociétés ». Cf. J. Lé.mann, Napoléon /"’et les Israélites, p. 85-89. *^^l hommage honore les Juifs qui en eurent Pinitiative et résume exactement la conduite de l’Eglise. Récemment, au cours de l’affaire de KielT, lord Rothschild rappelait, lui aussi (lettre du 7 octobre 1913 au cardinal Merry del Val), qu’  « un grand nombre de souverains pontifes ont, ù diverses occasions, étendu leur généreuse protection k ses coreligionnaires persécutés », et invoquait Il la gracieuse intervention » du cardinal secrétaire d’Etat de Pie X « suivant les traditions éclairées et généreuses du Saint-Siège, qui a si souvent élevé la voix pour défendre les opprimés et pour faire triompher la vérité et la justice ».

L’Eglise a témoigné, au fur et à mesure des circonstances, qu’elle demeurait lidèle à son passé de sévérité pour les doctrines juives et de charité pour les personnes. Jamais cette sympathie ne s’est aflirmée comme au concile du Vatican. U faut lire, dans La cause des restes d’Israël introduite au concile œcuménique du Vatican des deux frères Lkmanx, le récit de leurs démarches pour obtenir que le concile adressât un appel miséricordieux à la nation israélite. t)n admire la charité apostolique, inliiiimenl variée dans ses formes, mais toujours identique au fond, avec laquelle les Pères du concile signent le l’ostulutum pro Hebræis. 510 signatures éjjiscopales furent ainsi recueillies ; et tous les Pères du concile auraient signé sans exception, si les deux frères, obéissant à un sentiment délicat de déférence, n’avaient voulu céder l’honneur du i>lus grand nombre de signatures a Postulatum pro infalliliilitate ». L’interruption du concile suspendit cette a. œuvre de

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tendresse et d’honneur », qui sera reprise quand sera repris le concile et qui eut les bénédictions de Pie IX. Un mot de Pie IX aux abbés Lémann, p. 38, cf. 246, indique la source de ces sympathies : Vos eslis /ilii.4braliae, et ego. Cl. H.’oGRLf, rEis clP. Kib-GER, Geschichte der Juden in Hum, Uerliu, 1895, t. U, p. 369 (un autre mot de Pic IX en 18.’)G). Léon XIII, pour ne parler que de ce fait, invita le clergé de Gorfou à calmer la population chrétienne et à la détourner des violences auxquelles elle se portait contre les Juifs à la suite d’une accusation de meurtre rituel (1891). Cf. F. KiiANK, Oie Kirclie und die Juden, Ilatisbonne, 1898, p. 30-31, 42- N’exagérons pas la signilication de la réponse du cardinal Mbiiiiy DEL Val à lord Rothschild ; c’est surtout un acte de parfaite courtoisie. Toutefois il importe de noter la linale : « Dans l’espoir que cette déclaration pourra servir le dessein que vous poursuivez », si bien en harmonie avec la tradition de l’Eglise.

§ IL L’Eglise bt les Juifs des Etats DU Saint-Siège

S9. Avant 1500. — L’histoire de la communauté juive de Rome est le miroir sûr des dispositions de la papauté envers la race entière. Ailleurs évêques, conciles, princes, substituaient, de-ci de-là, leur action à celle du pape ; à Pioine, maître absolu, le pape traduisait toute sa pensée ]>ar ses actes.

Or, les Juifs furent plus libres à Rome que partout ailleurs. Tandis que partout, dit E. Rodocanacui, Le Saint-Siège et les Juifs, p. 2, en Espagne, en France, en Allemagne, en Arabie même et jusque dans les régions les plus lointaines, on persécutait rigoureusement les Juifs, à Rome, dans la capitale du monde chrétien, on les tolérait. Celle tranquillité, cette sécurité d’àme et de corps, dont il ne leur était permis de jouir nulle part, ils la trouvaient, relativement du moins, à l’ombre de Saint-Pierre.)) La période la plus paisible fui celle qui va jusqu’en 1500 el même jusqu’au milieu du xvi" siècle ; il n’y eut guère, pour troubler leur repos, que des bulles d’EuGÈNE IV et de ses successeurs, auxquelles, du reste, il manqua d’être appliquées.

Une habitude qui caractérise cette situation fut celle de la prestation d’hommage, accompagnée de Poffrande d’un exemplaire du Pentateuque, au pape nouvellement élu. Avec le temps, cette céréinonie l)ril un tour humiliant ; la tradition du Pentateuque, qui leur avait attiré de bonnes paroles, amena des reproches sévères sur la méconnaissance du Christ par les Juifs, souvent sous cette forme : Legem proho sed improbo gentem. Cf. F. Cancellieri, Storia de’sûlenni possessi de’sontnii ponte/ici, Rome, 1803, p. 223-220, note. A l’origine, cette manifestation fut, semble-t-il, spontanée et joyeuse. C’était une façon d’allirmer un loyalisme « [ue les faits conlirmérent, car les Juifs de Rome ne pactisèrent pas avec les révoltés : Arnaud <le Brescia, Crescenzio, Stefano Porcari, Cola di Rienzo.

Ce qu’ils furent pour les Juifs romains, les papes le furent pour tous ceux de leurs Etats en Italie et en France. « En général, dit R. de Maulde, Ilevue des éludes juives, 1883, t. VII, p. 237-228, les papes d’Avignon et le gouvernement ponlilical du xv « siècle montrèrent une bienveillance bien rare alors pour les inslilutions juives, dépassant largement en pratique les limites que leur traçaient les théories des jurisconsultes el surtout les vœux de la population indigène, conslammenl hostile ou envieuse à regard des Israélites. » De là un alllux des Juifs étrangers, après les grandes expulsions du siii’, du xiv< : el du sv= siècles, à telles enseignes que les

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