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JUIFS ET CHRETIENS

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servis, du 1. V des Décrétales, 14 ont trait aux Juifs : deux textes sont tirés des lettres de saint Grégoire ; de plus les c. 5. 7, 8, 9, 13, 19, canons de conciles ou décrets pontilicaux, se prononcent dans le même sens que saint Grégoire. Cf. V. Tiollikh, Saint Grégoire le Grand et les Juifs, Brignais, 1918, p. 84-88.

D’accord, en somme, avec saint Grégoire, les nombreux conciles, qui légiférèrent sur les Juifs jusqu’en iioo, ont touché à un point qui ne l’avait pas arrêté. Dans toute son œuvre, on ne trouve pas trace — la question des esclaves mise à part — de défenses relatives au conlact des Juifs avec les fidèles. Plusieurs conciles, préoccupés de préserver ces derniers de la « contagion judaïque », leur interdirent la fréquentation trop intime des Juifs. Où la rigueur s’affirma, ce fut dans les conciles de Tolède. A vrai dire, c’étaient moins des conciles que des assemblées nationales de la monarchie espagnole, se bornant, oujjresque, à enregistrer les lois décrétées par les souverains. Mais Gratikx leur emprunta jusqu’à neuf canons, dont six (exactement le nombre de ceux qu’il dut à saint Grégoire) du IV* concile (033), Décret., 1", d. xLv, 5 ; d. liv, 17 ; II », c. xvii, q. IV, 31 ; c. XXVIII, q. i, 10, il, 12 ; 111=’, d. iv, g’i. YvKS de Chartres leur avait pris neuf canons, Décret., I", 276-380 ; X1II=’, 94-95, 97-98 : six sont communs à Gratien et à lui. Par Yves et surtout par Gratien, la sévérité des conciles espagnols déteignit sur la législation ecclésiastique.

Il y eut des évêques pleins de bienveillance pour les Juifs, les protégeant, ayant d’excellents rapports avec eux. Ce fut le cas de saint Sidoine Apolu-NAiRK et de saint Ferrkol d’Uzès. Saint Hilaire d’Arles et saint Gallus de Clermont furent pleures par les Juifs, ainsi que saint Basilk ; ce dernier avait un médecin juif. Rudigkr, évêque de Spire, les défendit contre d’injustes vexations (io84). D’autres évêques poursuivirent l’application stricte des lois antijuives. Quelques-uns outrepassèrent les lois. Les épisodes les plus fameux sont celui de la synagogue de Callinique (388), cf. saint.-mhroise, Epist., xL-XLi ; celui des Juifs d’Alexandrie et de saint Cyrille (414-415) ; celui des Juifs de Lyon et des évêques AooiiAHi) et Amolon.. Béziers, une coutume ancienne, qui se rattachait vraisemblablement à celle de la colaphisation et qui ne l’ut abolie qu’en II 60 par l’évêque Guillau.mk, autorisait les chrétiens à attaquer les maisons des Juifs à coups de pierres, de la première heure du samedi avant les Rameaux jusqu’à la dernière heure du samedi après Pâques.

B. De llOO à 1.500. — Avec I.nnockntIII (1198-12 16), la situation des Juifs empire. Alliés aux albigeois et autres hérétiijues dans la lutte contre l’Eglise, ils ont leur part de répression. Le IV’concile de Latran renouvelle et aggrave les défenses tombées en désuétude. Dans les Décrétales, publiées par l’autorité de ("iRÉooiRic IX, furent codifiées olliciellement les principales dispositions relatives aux Juifs. l.V, tit. VI : le grand principe de leur liberté religieuse subsiste, et les moyens de nuire à la foi chrétienne, surtout par la familiarité avec les chrétiens, sont rendus impossibles. Plusieurs papes renchérissent encore sur ces rigueurs. Mais en même temps ils protègent les Juifs contre les excès d’un zèle mal entendu, contre les appétits d’une cupidité insatiable. Us veillent sur eux, sur leurs familles, sur leurs biens ; ils poursuivent l’oppression sous toutes ses f(irnu ! S, et, ne distinguant pas du chrétien le Juif, entendent que justice se fasse. C’est ce que montre le Formulaire de Marin d’Eboli, comjiosè, vers le milieu du xni* siècle, à l’aide des registres des papes.

La papauté, durant son séjour à Avignon, fut secourable aux Juifs. La légende a perpétué le souvenir de leur bienveillance. Cf. F. Gras, La jusiolo d’Ai’ignoun, dans Le romancero prui’cnçal, Avignon, 1887, p. 174-181 (il s’agit de Benoît XII) et Basnage, Histoire f/es./(n/’s-, Rotterdam, 1707, t. V, p. 1798-1799 (il s’agit probablement de Jean XXII). Clément VI lit des ell’orts héroïques pour le salut des Juifs au moment de la peste noire, et l’on vit, comme s’exprime Froissart, I, II, 5, « les povres Juifs ars et escacés par tout le monde, excepté en la terre de l’Eglise, dessous les clefs du pape ». Revenus à Rome, les papes restèrent indulgents aux Juifs. Innocent VII (1404-1406), cf. F. Vernet, Le pape Innocent VU et les Juifs, dans L’université catholique, Lyon, 1894, t. XV, p. 899-408, et Martin V (1417-143’)' cf. F. Vernet, Le pape Martin V et les Juifs, dans la Revue des questions historiques, Paris, 1892, t. Ll, p. 378-423, comptent parmi leurs plus décidés défenseurs. Eugène IV, Nicolas V.CalixteIII, Paul II, édictèrent ou renouvelèrent des prescriptions sévères mais qui furent, en majeure partie, lettre morte. Bref, jusqu’en 1500, en dépit des entraves légales, les Juifs n’ont pas trop de désagréments du côté de Rome.

Pendant ce temps, les conciles provinciaux reproduisaient les décisions pontificales, non sans une tendance à les compléter par des mesures plutôt aggravantes. Voir la liste de C. Auzias-Tuhenne, /.es Juifs et le droit ecclésiastique, dans la Ltevue catholique des institutions et du droit, Paris, 18g3, 2’série, t. XI, p. 295-297. Les évêques et le clergé séculier et régulier manifestaient des dispositions diverses. Le moine Rodolphe e.xcita les Allemands contre les Juifs à l’occasion de la deuxième croisade ; mais il ne représentait aucunement l’Eglise, celui que saint Bernard, Epist. ccclxv, appelle « un lils indigne de l’Eglise, rebelle envers le supérieur de son monastère, désobéissant auxévéques.etprëchant le meurtre contrairement aux lois de sa religion ». Cf. la bulle A quo primum de Benoît XIV (14 juin 1751), 4- Les lîéponses aur infidèles, de Joseph lb ZÉLATEUR, lils de Nathan l’onicial et ollicial lui-même, c’est-à-dire familier de l’archevêque de Sens et chargé d’exercer la juridiction et d’apposer le sceau de l’évêché au nom de l’évêque(peut-ctre cette mission fut-elle réduite à ses coreligionnaires), nous permettent de saisir sur le vif les relations des Juifs avec le monde chrétien. iV<uis y voyons des Juifs qui discutent, en toute liberté, les questions les plus délicates, les plus brûlantes, avec de simples religieux, avec des évêques et le pape lui-même (probablement Grégoire X). C(.’/.. KjlHH, Hevue des études juives, 1881, t. III, p. io-15, 34 : « Ce phénomène remarquable se produit non seulement aux époques relativement calmes et heureuses, où ils jouissent de la bienveillante ])roteetion du chef de l’Etat, comme au temps de Louis Vil, mais encore plus tard, quand ils sont déjà sous le coup de mesures vexatoires et violentes, comme au temps de Philippe Auguste et de saint Louis. Cela prouve, ainsi que l’a établi ici même {ltevue des études juives, 1881, t. II. p. ifi) un écrivain bien informé (S. Lrci ;), que les lois ne donnent pas toujours la mesure exacte de l’état social d’un pays et que la vie morale des nations se compose d’éléments bien complexes et parfois contradictoires. » En général, les gens d’Eglise adoucirent praticiueinent la sévérité des lois ecclésiastiques. Parmi ceux qui réclamèrent avec le plus d’autorité leur ap|)lication exacte, nninmons saint Vincent FEiininn, saint jEANde Gapistran et le bienheureuxBKRNAHDiN de Feltre.

G. De 1500 à 1189. — Le xvi" siècle commença bien