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t A plusieurs reprises déjà, Le prévenu avait répété’qu’en son for intérieur il ne tenait pas l’opinion de Copernic pour absolument vraie. Etait-ce bien là le fond de sa pensée ? Pour essayer de s’en rendre “compte, Urbain VII ordonna, le 16 juin. de faire subir à Galilée ce que, dans la procédure du temps, on appelait l’examen rigoureux. L’accusé devait être menacé de la torture ; si, malgré cela, il persistait à nier ce qui semblait à tous les juges la flagrante vérilé, il serait jugé coupable et, comme tel, condamné à l’ahjuration et à la prison !.

Le 21 juin, Galilée comparut de nouveau devant le St.-Office ; on lui réitéra la demande : Croyez-vous ou avez-vous cruau mouvement de laterre ? — Avant 1610, répondit Galilée, je tenais les deux systèmes de Ptolémée et de Copernic pour scientifiquement équivalents et comme ayant une égale probabilité. Depuis les ordres que je reçus à cette époque, j’ai toujours tenu pour indubitablement vrai le système de Ptolémée. — Mais, lui dit-on, vos ouvrages montrent positivement le contraire. Dites la vérité, sans

quoi l’on en viendra à la torture. — Galilée ayant répété sa pensée dans les mêmes termes, on le congedia ?.

La menace de la torture n’ayant produit aucun elfvt, il ne restait aux Inquisiteurs qu’à remplir le reste des instructions données par Urbain VIIL Galilée, ayant persisté à atlirmer la droiture de ses intentions, ne pouvait être qualifié d’hérétique formel, mais il restait véhémentement soupçonné d’hérésie. En conséquence, le 22 juin, il fut conduit au couvent des Dominicains de Sainte-Marie-sur-la-Minerve, et comparut en présence des cardinaux du St.-Office pour entendre sa sentence. Le livre du Dialoso devait être prohibé par un décret publie : son auteur serait « délenu en prison à la discrétion de la Congrégation et réciterait, pendant trois ans, une fois par semaine, les Psaumes de la Pénitence. La sentence prononcée, Galilée lut et signa un acte d’abjuration dans lequel il se déclarait à bon droit soupçonné d’hérésie, détestail ses erreurs, promettait de se soumettre aux pénitenves qui lui étaient imposées et de ne plus soulenir les opinions condamnées ?.

C’est à ce moment que, d’après des récits relativement récents {, Galilée aurait frappé du pied la terre en s’écriant : « Et pourtant elle tourne ! » Mais il sutsit de jeter les yeux sur les actes du procès pour se rendre compte de l’invraisemblance de cette exclamation, en un pareil moment. Durant de longues semaines, Galilée venait de soutenir constamment qu’il ne croyait pas à la réalité du mouvement de la terre ; il ne pouvait pas, en présenee de ses juges, se contredire ce se passurer de la sorte, au risque d’encourir de nouveaux chäliments.

Dès le lendemain de sa condamnation, Galilée fut informé que, du consentement du pape, il pouvait se rendre au palais du duc de Toscane, à Rome, et le considérer eomme sa prison. Le 30 juin, il reçut l’autorisation d’aller habiter à Sienne, « sans le palais de Myr Piccolument, son ami dévoué. il y a rrivale 9 juillet et y demeura cinq mois, comblé d’attentions par l’archevêque et visité par toute la noblesse de la ville. Vers la fin de 1633, il obtint d’être interné dans sa propre villa d’Arcetri, près de Florence, et il y resta jusqu’aux dernières années de sa vie, travaillant en

1. Gal.e l’Ing., p. 21 et 100.

2. Gal.e l’Inq.

☞ 101.

3. 1d.

☞ 146. Le Dialogo fut mis au catalogue de l’Index le 23 août 163%. Cf. Gal.e l’Ing.

☞ 155.

1. La première mention faite de cette parole ne date que de la fin du xvuie siècle. Elle se trouve dans Les Querelles littéraires de l’abbé Irailli (Paris, 1761) ce dans le Dictionnaire historique (Cæn, 1789).

Tome IE.

GALILÉE

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compagnie de ses amis et recevant de nombreuses visites.

Pourtant. en lui accordant ces adoucissements à sa peine, le pape ne lui laissait pas oublier qu’il était en état de détention ; il lui refusa même quelque temps la permission de retourner habiter à Florence. La raison de cette sévérité fut sans doute une dénonétation anonyme saise peu de temps auparavant contre le prisonnier !. Dans la suite, la permission fut accordée.

Bientat les infirmites accablérent le grand homme et il perdit même complélement sa vue, déjà depuis longtemps affaiblie par ses travaux. Cette nouvelle épreuve augmenta sans doute les sentiments d’irritation que lui causait parfois sa détention et dont il reste des traces. Cependant, il édifia toujours ceux qui l’entouraient par sa fidélité à ses devoirs religieux, jusqu’à sa mort, survenue le 8 janvier 1642.

El

QuESTION

SCIENTIFIQUE

1° Sens et valeur des affirmations de Galilée.. Les hypothèses ne sont point des jugements sur la nature réelle des choses ; ce sont seulement des prémisses destinées à fournir des eonséquenees conformes aux lois expérimentales, Par suite, les théories scientitiques, basées sur ces hypothèses, ne sont pas des cxplications wais bien des représentations de la réalité.

Dans leurs discussions d’une théorie du mouvement des astres, les Grecs surent nettement distinguer ce qui est du métaphysicien et ce qui est de l’astronome. Au premier il appartient de décider, par des raisons lirées de la Cosmologie, quels sont [es mouvements réels des astres ; l’astronome, au cor : traire, n’a pas à s’inquiéter si les mouvements qu’il imagine sont réels ou floriss ; le seul objet de ces mouvements est de représenter exactement les déplacements relatifs des astres.

Ces idées furent formellement adoptées par toute l’Ecole Scolastique ; saint Thomas, son plus illustre représentant, s’en est inspiré en de nomhreux passages. Dans son commentaire au De cælo d’Aristote, il s’exprime de la manière suivante au sujet d’un mouvement des planètes : « Les astronomes se sont efforcés de diverses façons d’expliquer ce mouvement. Mais il n’est pas nécessaire que les suppositions qu’ils ont imaginées soient vraies, car peut-être les appitrences que les étoiles présentent pourraient être sauvées par quelque autre mode de mouvement encore inconnu des hommes. » Dans la Somme Théolog’que, il marque plus nestement sa pensée : « En astronouie, on pose l’hypothèse des épicyeles et des excentriques, parce que, cette hypothèse faite, les apparences sensibles des mouvements célestes peuvent être sauvegardées : mais ce n’est pas une raison suffisamment probante, car elles pourraient être sauvegardées par une autre hypothèse. »

C’est en s’inspirant de ces idées que le cardinal Nicolas de Cues avait publié à Bale, en 1145, un ouvrage intitulé De docta ignorantia, dans lequel il parlait du mouvement de la terre, mais ne proposait la chose que comme une ingénieuse hypothèse. Aussi ne fut-il nullement inquiété.

Dans l’un de ses premiers ouvrages, Commentartolus de hypothesibus motuum cælestium, Copernic est

1. Gal.e l’Ing., p. 143.

2. Cf. P. Duhem, Essai sur la notion de théorie physique, de Platon à Galilée, dans Annales de Philosophie chrétienne, mai-juin 1908. — fil., La Théorie physique, son objet et sa structure, Paris, 1906.