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JUIFS ET CHRETIENS

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vite, si vite, c’est qu’il y a, pour la remplir, desprocidés iniques. Suivez leur histoire en Frame, dcjjuis leur première expulsion sous Philippe l"(1096) jusqu’à l’exode délinitif de iSgi. Toujours la question d’argent. Toujours des prêts usuraires, au sens moderne du mot, des fortunes rapidement faites grâce à l’usure. T6t ou lard, la rëpi-ession éclate, rigoureuse, excessive. Dépossédés, expulsés, les Jviifs retournent à la première occasion propice, imposant, si on les réclame parce qu’ils sont des prêteurs indispensables, des conditions draconiennes, recommençant leur Iralic, bientôt aussi riches qu’auparavant et par les mêmes moyens, ce qui les rend de nouveau impossibles et entraîne une nouvelle sentence d’exil ; et ainsi de suite, jusqu’à la catastrophe Unale.

Les rois n’agirent contre les Juifs ni uniquement, ni tous, par cupidité. Saint Louis,.1 moins avide que son aïeul (Philippe Auguste), fut par cela même plus intolérant », dit T. IlEiNACH.p. 148. Le mot est parfaitement juste. Saint Louis n’était pas homme à subir l’eDSorcellement de l’or ; il ne voyait que l’injustice à réparer ou à prévenir. Aussi fut-il intraitable. Charles VI n’expulsa point les Juifs au prolit du trésor royal ; toutes les créances des Juifs durent leur être payées.

Cupidité, oui parfois, mais aussi légitime préoccupation de défendre leurs sujets contre les Juifs et l’usure juive, contre ces Juifs qui, par leurs usures, dit le IVe concile du Latran, c. 67, Décret..V, xix, 18, hreii leinjiore christianonim exhauriiint facilitâtes, voilà deux mobiles des proscriptions royales. Un troisième fut d’ordre national. En Espagne, la pensée de Ferdinand et d’Isabelle instituant l’inquisition

« est très claire : ils visent à l’unilication de

l’Espagne, ils l’attendent de l’uniformité confessionnelle », dit C.-V. Langlois, L’inquisitinn d’après des travaux récents, Paris, 1902, p. io3. Ils ne veulent pas que les Juifs minent l’Espagne enfin une : le p.issé a appris à se métier d’eux. Qu’ils deviennent chrétiens sincères et, i>ar là. Espagnols loyavix ; sinon, qu ils abandonnent une terre où ils campent en ennemis.

B. Le peuple. — Sans parler des classes bourgeoises et commerçantes qui se forment au moyen âge et se développent rapidement et qui, rencontrant, comme un obstacle, la concurrence des Juifs, travaillent à les déloger lie la place qii’ils ont prise, les prolétaires, les artisans, les paysans, le menu peuple, sont irrités par l’usure juive..1 L’argent, dit Gr.artz, trad., t. IV, p. ig.’i, était pour les Juifs un instrument à devix tranchants… Ils ne pouvaient se le procurer qu’en prêtant à un taux très élevé. Il est vrai que, par descontiscations et des impôts exagérés, les princes prenaient la plus grosse part pour eux. Mais le peuple ne voyait qu’une chose, les gros intérêts que les Juifs l’obligeaient à payer. He là un ressentiment violent contre les Juifs et parfois de terribles explosions de fureur. « Le rôle des Juifs ne fut pas seulement ce que dit Grætz ; il est exact que l’usure juive provoqua des tempêtes. « Au déclin du moyen âge. renianpie J. J.anssrn. L’-illemagiie et la Réforme, trad., t. I, p. ^7’ ! , note /), bien des persécutions contre les Juifs, l’anéantissement de leurs lettres de créance, etc., doivent être considérés comme des crises de crédit de l’espèce la plus barbare, et comme une forme de ce que nous appellerions aujourd’hui la révolution soi’iale. » Ces manifestations collectives étaient préparées par des rancunes individuelles qui s’accumulaient longuement au fur et à mesure des excès visuraires des Juifs L’animosité populaire était sans limites. Elle modifia la légende où un débiteur autorise son créancier

à couper une livre de chair sur son corps s’il ne le rembourse pas au jour de l’écliéance, et où le créancier veut procéder à celle opération. Les héros de l’histoire, diversement racontée, avaient été d’abord un suzerain et son vassal ou un noble et un roturier. Le rôle odieux fut donné à un juif à partir du milieu du xiv" siècle. Uans // Pecmune de Jean de Florence, c’est un juif de Mestre qui veul couper une livre de chair sur le corps de son débiteur de Venise pour avoir la satisfaction de faire mourir un chrétien. Il n’y a pas à rappeler ce que le génie de Shakespeare a tiré de ce récit : Shylock vit dans toutes les mémoires.

Une page de Michelbt, Histoire de France, V, ni, nouv. édit., Paris, 1879, t. IV, p.’j-io, trop connue pour être citée, montre de façon saisissante les relations entre le pauvre emprunteur et le Juif usurier. Pour accroître l’horreur que celui-ci inspirait à celui-là, il y avait, en plus de cette impression, produite par tout le passé, que le juif était l’ennemi des chrétiens et du christianisme, des bruits qui circulaient, des actes, authentiques ou non. mais auxquels on ajoutait foi. ipii lui étaient attribués, des trahisons au profit de l’islamisme, des empoisonnements des fontaines d’où serait provenue la peste, des diableries épouvantables, des profanations d’hosties, des meurtres rituels. Ce qui n’était que trop constaté, en fait d antichrislianisme et d’oppression usuraire, déterminait à croire le reste. Le Juif passait pour capable de tous les crimes. L’épithètede

« juif « était la plus offensante qu’on pût infliger à un

chrétien. Ce simple détail, donné par le juif converti Pierre Alphonse, Dial., II, P. /,., t. CLVIi, col. 678, indique l’état de l’esprit populaire : flodie uaqiie a christianis jurando dicitur, cuin aliquid quod nolunt facere rogantur : Jiidæiis sim ego si faciam.

% III. De 1500 a 1789

S3. Adoucissement du sort des Juifs. — Après leur expulsion, les Juifs d’Angleterre s’étaient répandus dans les provinces rhénanes. Ceuxde France se réfugièrent dans la Provence, la Savoie, le Comtat Venaissin (non dépendants de la couronne de France), le Piémont et l’Allemagne. Ceux qui furent bannis d’Allemagne émigrèrentvers laPologneet la Turquie. Ceux d’Espagneel de Portugal s’en furent en Italie, en Turquie, et dans l’empire ottoman d’Asie et d’Afrique. Au xvi’siècle, se dessine la grande division des Juifs d’Europe en Sefardim, ou Juifs d’origine espagnole et portugaise, et Askenazim, ou Juifs allemands et polonais. Dilîérents d’origine, de langue, de rites, de pratiques et de vie morale, les Sefardim et les.4skena : ini ne se confondirent pas. même dans les pays d’Orient où ils vécurent côte à côte. Les Sefardim. plus civilisés, plus lettrés, dédaignaient leurscoreligionnairesde langue allemande. Les Sefardim prédominèrent en Turquie ; dans la Hollande, où ils s’installèrent (i.")93). après qu’elle eut secoué le joug de l’Espagne, et eurent une existence légale en 1619 ; en.

gleterre où, grâce à la protection de Croniv ell, ils s’établirent peu à peu librement sans qu’une loi formelle les y eût autorisés. Les AsI.cnaziin existèrent presque seuls en Allemagne et dans les pays slaves, surtout en Pologne. Il y eut. en outre, qiielques îlots de Juifs, lels que les caraïtes de Crimée et de Galicie.et les Juifs d’italieet de France. Ceux d’Italie subirent l’action des Sefardim, mais sans se laisser absorber par eux. En France, la loi qui interdisait aux Juifs le séjour du royaume avait été étendue aux acquisitions successives de la couronne : Provence, Flandre française, Franche-Ciomté, etc. Cependant des exceptions furent admises.