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JUIFS ET CHRETIENS

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prograiiiiuc la pratique du meurtre rituel, est rigoureusement possible. Elle n’a pas été démontrée. Cf. GuwoLsoN, Die lilutankldge, p. 33g-3/19.

46. i-u réalité du meurtre rituel au sens large du mot et du meurtre dans un hut superstitieux. — 13e ce que le meurtre rituel strict n’est pas une réalité historique appuyée sur des preuves ([ui s’imposent, faut-il conclure que toutes les accusations de sang i)orlées contre les Juifs sont fausses ? Non. Eliminant les cas de meurtre dépourvus de documentation ou sûrement apocryphes, ne tenant pas compte des aveux dus à la torture, il reste un noml>re considéralile de faits qui s’offrent à l’examen et qu’on n’a i)as le droit d’écarter par un » priori dédaijçneux. Tout rejeter en bloc ou tout admettre en bloc, serait également antiscientiûque. La lumière n’est pas toujours suffisante pour se prononcer à coup sûr. Sachons le reconnaître, et, parce que nemo malus nisi prohetur, inclinons à croire à l’innocence des Juifs c|uand le doute persiste. Mais, pas plus que du désir de les prendre en faute, ne partons de cette idée qu’ils ne peuvent être coupables.

L’histoire des origines chrétiennes est pleine des sévices qu’ils exercèrent contre les Qdèles. Dans la suite, obligés à être circonspects en pays clirétien, ils ne déposèrent pas leurs dispositions malveillantes. Haineux, ils furent haïs. Des chrétiens versèrent le sang juif et les papes durent protester contre des massacres commis par les foules. Puis, des chrétiens arrachèrent trop souvent, malgré les lois de l’Eglise, des enfants à leur famille alin de leur imposer le baptême, surtout en Espagne et en Portugal ; pour des.luifs, c’était aussi douloureux que si on les avait mis à mort. Long héritage d’inimitiés violentes, situation humiliée, mauvais traitements subis, tout cela était de nature à conduire à leur paroxysme les rancunes et les colères. « Assurément, dit I !. Lazare, l’antisémitisme, p. 353, pendant le moyen âge, il dut y avoir des Juifs meurtriers, que les avanies, la persécution, poussaient à la vengeance et à l’assassinat de leurs persécuteurs ou de leurs enfants même. »

^. Lazare, p. 354-358, rappelle encore que les Juifs s’adonnèrent à la sorcellerie. Ils furent les magiciens par excellence. On sait la place qvie le sang occupa toujours dans les maléfices. On attribuait au sang, surtout au sang vierge, des vertus incomparables :

« Le sang était guérisseur, évocatcur, préservateur, 

il pouvait servir à la recherche de la piert’e philosopl.ale, à la composition des philtres et des enchantements. Or, il est fort probable, certain même, que des Juifs magiciens durent imnuder des enfants. » Peut-être les commencements de l’accusation de meurtre rituel sont-ils là. « On établit une relation entre les actes isolés de certains goétes et leur qualité de juifs. » Du moins, l’accusation ne se produisil-elle qu’à dater du xii"’siècle et du grand essor de la magie.

Que tel ou tel juif, seul ou avec des complices, ait, à litre privé, tué des chrétiens, surtout des enfants, non seulement dans un but superstitieux, non seulement en haine du christianisme, mais en vue d’un usage rituel, c’est également possible. « Pour s’inscrire en faux a priori contre toute accusation de meurtre rituel, dit P. de L[abr : ollk], Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, t. III, p. 20a, il faudrait un parti pris quelque peu naïf. Qui dira les imaginations malsaines dont sont capables certains cerveaux de criminels, de fanatiques ou de demi-fous ? » L’accusation même de meurtre rituel, les procès qu’elle suscita, la publicité qu’elle obtint, ont pu suggérer un assassinat rituel, comme la lecture des procès d’assises suggère des méfaits

semblables à ceux qui ont passionné l’attention liublique.

Pour toutes ces raisons, il y a lieu de discuter de près les cas de meurtre que présentent les textes. L’apriorisme serait injustiliable.

Cette étude ne saurait avoir ici sa place. Quel qu’en puisse être le résultat, que les meurtres démontrés soient relativement nombreux, ou, à ce que pense 15. Lazare, p. Sô^, » fort rares », et quelles qu’aient été les causes de ces meurtres, vengeance, préoccupations de magie ou de thérapeutique, rage antichrétienne, rien n’autorise à rejeter leur resi)onsabilité sur la nation et la religion jviivcs. Il serait aussi injuste de charger le judaïsme des crimes d’individus sans mandat olliciel que d’imputer au christianisme les tueries d’enfants opérées au comple du marquis de Rais et de la Voisin ou les messes noires de l’alïreux Guibourg.

§ IL Ce que l’Eglise a pbnsi^ de l’existence DU meurtre rituel

Nous avons publié une liste considérable, qui sera certainement allongée, de documents pontilicaux sur le meurtre rituel. Cf. Hevue pratique d’apologétique, Paris, igiS, t. XYll, p. 41g-4’^9. Les uns sont favorables, les autres défavorables aux Juifs.

47. Documents défayorahles au.) Juifs. — Le plus grave, si l’on pouvait établir qu’il a été écrit au nom d’un pape, serait une bulle Contra Judæos cruci /igentes puerum, qui se lit dans le Formularium de M.*.RiN d’Eboli, Vaticanus 3976, fol. 2/jo. Vice-chancelier de l’Eglise romaine de I244 à 1261, Marin recueillit, dans son Formularium, des modèles de lettres pontificales à l’usage des clercs chargés de la rédaction de ces actes. Ce ne sont pas des modèles factices, sortis tout entiers de la fantaisie du compositeur ; mais ils reproduisent, au moins dans la majeure partie des cas, de véritables lettres ponlilicales, avec cette particularité que le nom du destinataire et la date disparaissent presque toujours. La bulle Contra Judæos crucifigentes puerum, qui affirme l’existence, au xiii’siècle, du meurtre rituel sous la forme du crucifiement d’un enfant par haine pour le Christ, ne nous conserverait-elle pas la teneur d’une bulle réelle qui ne nous est point parvenue ? En l’ab sence de toute donnée positive, bornons-nous à cette hypothèse et, jusqu’à preuve du contraire, tenons que le texte du Formularium reflète uniquement la pensée ou la préoccupation de Marin Peut-être avons-nous là un projet de bulle du temps où parvinrent à Rome les premières rumeurs sur lecrucitiementde la fillette de Valréas (124-). Dans ce cas, il n’aurait pas servi, car Innocent IV intervint dans cette affaire par trois bulles plutôt favorables aux Juifs.

Benoit XIV confirma, pour le diocèse de Brixen, le culte du b" enfant.

dré de Hinn, tué par les Juifs

en 1/1O2. On demanda d’inscrire son nom au martyrologe et de commencer un procès de canonisation. Benoit XIV refusa l’insertion au martyrologe, afin de se conformer aux décrets réglant qu’on ne doit y introduire que les noms de ceux qui ont été canonisés. Quant à procédera sa canonisation, il posa la question de savoir s’il faut canoniser des enfants martyrs non foluntate et opère sed solo opère, et la manière dont il le fit indique suffisamment qu’il était pour la négative. Mais la bulle Jieatus Andréas (22 février i-ôô), qu’il écrivit à ce sujet, n’exprime aucun doute sur les meurtres d’enfants imputés aux Juifs. Déjà, dans son De seryorum Dei lieati/icatioue, l, XIV, 4 ; III, V, 6 ; IV, pars 11 », xviii, iG, il avait admis la réalité des délits de ce genre perpétrés « en