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JUIFS ET CHRETIENS

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prêtours d’argent. U y u plus à apprciulre encore dans la masse des Cameruliu, qui existent aux archives valicanes. Le canicricr ou oanieilingue du pape élaitcliargé de l’adniinislralion temporelle des Ktats du Saint-Siège. Les actes émanes de lui nous ])ermelteut de suivre dans le détail la pensée du clieC de l’Eglise. Les Cameralia renferment des centaines de pièces concernant les prêteurs juifs, banquiers ou non. Tel volume de Glkmbnt VII ou de Paul III, par exemple, donne une interminable série de lettres du camerlingue qui se rapportent à cet objet, J)iversoritin 6’rt mer<//(a (archives valicanes, armoire XXIX), démentis VU (l : y28-ir, 33), t. LXXXIV, fol. /, , 0, 16, ’7.’8, ig, 2(j, 2CJ, 3 I, 3^, etc. ; Paali lll (l.j’il-1512), t. CXXVI, fol. 33, 36,.’)9, -ji, 78, 81, 120, 130, etc. Plusieurs reproduisent par le menu les clauses multiples de la concession de la banque. Le taux de l’intérêt y est toujours lixé et les Juifs y sont munis de privilèges considérables. Un certain nombre portent que les Juifs sont autorisés à prêter à intérêt pro familiæ vestræ siLsieiitatione ac pauperum clinstianorum commodilale, Div. Camer., l’auli III, t. CXXVI, fol. 33, 3(1, 59 ; Pauli IV, t. CLXXXIV, fol. 25, etc. Parfois il est dit que le camerlingue accorde l’autorisation eo nindo quo sine peccato possiiniHs et sancla Ilomana Jicclesia tolérai ( çonsiie^’il, démentis VU, t. LXXXIV, fol. 13 ; cf. Patdi III, t. CXXVI, fol. 183. (Vest une formule que les documenls ponlilicaux emploient volontiers quand il s’agit de concessions extraordinaires.

48. l’Eglise a réprimé l’usure au sens moderne du mot, ou prêt à intérêt exorbitant. — Le IV’concile de Latran, c. 67, Décret., , xix, 18, se plaint de la perlidie des Juifs qui, en peu de temps, épuisent par leurs usures les ressources des chrétiens, ( ! t statue que si, sous quelque prétexte que ce soit, ils extorquent f^raties et immoderatas usuras, christianoram eis participiuni sublrahatur doncc de iminoderalo gravamine satisfecerint compelenter. Le concile ne condamne pas toute usure, mais l’usure excessive. (De même, dans son décret sur la libération de la Terre Sainte, il règle que, en faveur des croisés, tant que durera la croisade, l’intérêt des sommes empruntées aux Juifs ne sera point perçu ; il ne dit pas que cet intérêt soit illégitime.) Cf. Inn’oceni III, Epist., X, cxc. Le Formulurium de M. iN d’Eboli,

T’a/R’rtnHs 3976, fol. 150, contient cette indication à l’usage des rédacteurs des lettres ponliUcales : Item contra Judæos dicatur quod grades et immoderatas extorseruni ab eo et adhuc extorquere nituntur usuras. mandamus quatenus, si est ita… Suit le rappel de la peine inlligée par le concile de Latran.

Des permissions surprenantes furent consenties parCuhiENT VII. Entre autres, le juif portugais David, llls de Joseph Negro, et Joseph, fils de David, ouvrirent, à Imnla, une banque munie, pour seize ans, du pouvoir de prêter à 30 et 4" "/o et au delà. Cf. l>i’ersorum Cameralia, démentis VII, t. LXXXIV, fol. 8-13 ; F. Vernct, I^’université catholique, nouv. série, t. XIX, p. 107-108. Clément VII avait eu de grands besoins d’argent pour parer à la situation lamentable créée par le sac de Kome (1627). Il avait dii recourir aux Juifs. Si ses mesures bienveillantes envers Israël s’ex])liqnent par là, comme c’est probable, et si elles furent s|)on1anées, sa reconnaissance fut extrême ; que si elles furent imposées par les prêteurs, ils lui tracèrent des conditions vraiment draconiennes. Paul III également fut large. l’.^UL IV rabattit de ces libéralités. Il prit contre les Juifs des précautions minutieuses. Il exigea notamment (bulle Cum nimis absurdum, i’1 juillet 1555)qne leurs livres seraient tenus en caractères latins et en langue italienne, sans quoi ils ne pourraient être produits

en justice contre les chrétiens, et que, si le prêt était remboursé dans le courant d’un mois, juxta ipsorum dierum numerum et non ad rationem integri mensis eorum crédita exigant, ce qui implique le droit de percevoir un profit du prêt, mais non un profit abusif. Pik IV (bulle Diidum a fclicis recordationis, 27 février iTiGa) renouvela ces prescrii)tions, en désignant par son nom l’intérêt : pro tolo lenipore eo quo quis pecuniis testris fruitur intetligatur intéresse currere, computando tamen diem pro die, menteni pro mense. Pin V motiva sa terrible bulle Ilebræorum gens (26 février 1 669) en partie par les excès usuraires des Juifs, quibus egentium cliristianorum substantium usquequaque exinanivcrunt.

Sous le pontificat de Sixtr-Quint, les Juifs eurent un retour de fortune. Un rnotu proprio du 4 janvier 1689 revalida toutes les ordonnances publiées jadis en faveur des ban([uiers juifs de Rome et successivement abolies, et fixa le taux de l’intérêt à 18 » /o quand il s’agissait d’avances sur gages, à 50 "/o quand les avances étaient sans nantissement. Clément VIII revint aux sévérités de Pie V. Sa bulle Cucca et obdurata (26 février 1693) flétrit en termes énergiques l’usure juive : eo tandem sunt progressi ut, adversus dii’inas, naturales humanasquc leges, magnis et grayibus usuris pecuniarum, quas præsertini a pauperihus et egenis exigunt, munopoliis illicitis, fueneraticiis pactis, fraudibus, dolis in contraliendo ac fallaciis, plurimos ciwes et inculas dilionis temporalis ecclesiasticæ ubi commorantur misère exhauserint, bonis spoliaverint, ac tenais potissimum fortunæ honiines, præsertim rusticos et simplices, non solum ad extremam inopiam et mendicitatem, sed propemodum in serwitutem redegerint.

Cela recommençait indéfiniment. Les Juifs ne prenaient pas leur parti de ne pas entasser intérêts sur intérêts. Aucun pape n’a réussi à supprimer ces alfaires de banque. « Ce peuple rusé, dit F. Grego-Rovius, Promenades en Italie, trad., Paris, 18g4, p. 37, connaissait l’art de s’approprier l’argent par tous les moyens, et fournissait ainsi à la haine des chrétiens un aliment toujours renouvelé. Les Rothschild de cette époque (le xvii « siècle) prenaient en général 18<>/n d’intérêts. Le ghetto prête encore (Gregorovius écrivait en 1853) maintenant à un intérêt élevé. Tout, dans son enceinte, se rap|>orte à l’argent et au gain, n

Malgré tout, s’ils les laissaient j)rêler à intérêt, les papes réprimaient périodiquement les excès de leur usure. Peut-être y aurait-il là une explication intéressante de ce fait significatif que, traqués plus ou moins un peu partout, les fils d’Isrël ne se fixèrent pas en nombre plus considérable dans les Etats du Saint-Siège où ils étaient en sûreté. Ils y affluaient au fort (l’une tourmente générale ; ils n’y restaient pas. « La raison de ce fait, dit C. Auztas-Turbnnk, Kevue catholique des institutions et du droit, 2 série, Paris, 18y3, t. XI, p. 318, note, est, croyons-nous, bien simple. Dans les Etats pontificaux, les Juifs étaient protégés, c’est vrai, mais en même temps surveillés et tenus à l’écart… Dans les antres paj’s, au contraire, il pouvait bien y avoir de mauvais moments à passer, mais, dans les intervalles, liberté de manœuvre et d’usure. »

BiBLioGRAPniK. — F. Vernet, Papeset banquiers juifs au XVI" siècle, dans L’université catholique, nouv. série, Lyon, 1896, t. XIX, p. loo-i 1 1 ; E. Flornoy, I, e bienheureux Bernardin de Fcltre, Paris, 1897, p. 1 19-184 ; O. Pansa, Gli Ebrei in Aquila nel secolo XV, l’opéra dei Frati minorie il monte di pietà istituilo da san Giacomo délia Marca, dans le Ilolletino délia società di storia patria A.-L-Antinori